Le marché illégal des cigarettes poursuit sa croissance
Les consommateurs s'approvisionnent à l'étranger ou cherchent des alternatives, légales ou non

Le marché belge des cigarettes a connu un changement important l'an dernier, essentiellement en raison du durcissement de la réglementation et, en particulier, de la hausse des droits d'accise introduite en 2024. Par rapport à 2023, le volume du marché légal montre une forte baisse de 14% à 17%, selon la source.
Évolution du marché
Cette évolution est le résultat de nouvelles hausses de prix et d'une baisse des ventes aux frontières. Par rapport au tabac à tuber, la baisse du volume des cigarettes est moins prononcée en raison de la plus grande importance du marché intérieur.
En Belgique, le volume des cigarettes vendues aux frontières a diminué plus fortement que sur le marché intérieur. Les prix plus favorables pratiqués dans les pays voisins, le Luxembourg et l'Allemagne, ont incité moins de consommateurs étrangers à acheter leurs cigarettes en Belgique.

Sur le marché intérieur, nous ne constatons pas de différences majeures dans la baisse entre les canaux de vente. Néanmoins, dans le canal 'épicerie', la baisse est légèrement moins prononcée que dans le canal 'tabac spécialisé' (dans lequel nous incluons les librairies-presse).
Changement de comportement des consommateurs
Face à la hausse constante des prix, les consommateurs sont de plus en plus à la recherche d'alternatives moins coûteuses. D'une part, ils se tournent vers des marques de cigarettes moins chères et la part du segment haut de gamme diminue. D'autre part, les consommateurs optent plus souvent pour le paquet de 20 cigarettes ou vers le paquet le plus grand, qui est généralement le moins cher.
Cependant, les consommateurs ne cherchent pas seulement une solution moins chère en Belgique. Des études montrent une augmentation alarmante des produits en provenance de l'étranger, qui devraient représenter environ un tiers de la consommation totale en 2024.
D'après la dernière 'empty pack survey', une étude réalisée par le cabinet de recherche WSPM Group sur les paquets de cigarettes présents dans les poubelles, 35,5% des paquets trouvés au cours des six derniers mois de 2024 proviendraient de l'étranger, dont 18,9% de Bulgarie. Au Luxembourg, seuls 20% proviennent de l'étranger.
Les douanes néerlandaises ont fait le même constat à l'issue d'une étude; le problème ne se limite manifestement pas à la Belgique. Non seulement de plus en plus de fumeurs traversent la frontière pour se rendre en Allemagne et au Luxembourg, où les cigarettes sont moins chères, mais de plus en plus de cigarettes proviennent des pays d'Europe de l'Est, où les prix sont nettement inférieurs.
Les accises et les prix élevés ont clairement fait de notre pays (ainsi que de la France et des Pays-Bas) une destination finale attrayante pour la contrebande (et la contrefaçon).
Interdiction de cigarettes électroniques jetables
Bien entendu, l'utilisation de cigarettes électroniques a également un impact sur le marché du tabac. Il reste maintenant à voir comment les consommateurs réagiront à l'interdiction de cigarettes électroniques jetables, qui est entrée en vigueur le 1er janvier 2025. "Espérons qu'ils se tourneront vers les variantes réutilisables qui restent disponibles, comme les systèmes POD, et non vers les produits illégaux qui sont apparemment encore facilement disponibles dans certains magasins et en ligne", déclarent les acteurs du secteur.

L'introduction de droits d'accises sur les cigarettes électroniques en Belgique a toutefois entraîné une différence de prix entre la Belgique et certains pays voisins. Plusieurs médias ont rapporté en 2024 que de nombreux Belges, en particulier ceux qui vivent près de la frontière française, se rendaient en France pour s'approvisionner. Bien que ces ventes transfrontalières aient été limitées, il est important que le gouvernement n'augmente pas davantage les accises sur les cigarettes électroniques afin de ne pas encourager davantage de consommateurs à acheter à l'étranger.
Autres alternatives
Plusieurs études montrent également une consommation de produits du tabac chauffés et de sachets de nicotine, bien que ceux-ci ne soient pas disponibles sur le marché légal en Belgique. Afin de ne pas pousser les fumeurs à la recherche d'une meilleure alternative vers l'étranger, le gouvernement ferait bien de réglementer correctement ces produits. Cela profiterait au commerce local, de même qu'aux caisses de l'État.
Marché illégal
Les médias publient régulièrement des rapports inquiétants sur la saisie d'immenses quantités de cigarettes électroniques illégales. Ou sur l'ignorance quant à la nouvelle législation. Tant que le plus grand canal illégal, le commerce en ligne, ne sera pas combattu, le SPF Santé publique continuera à travailler dans le vide.
Appel à une réglementation uniforme dans tous les pays de l'UE
"Nous espérons donc que le gouvernement commencera à réaliser qu'en Belgique, il n'y a pas de problème dû à un manque de réglementation, mais que la solution réside plutôt dans l'application de la réglementation existante", ajoutent les acteurs du secteur.
"Nous craignons que ce problème ne soit pas résolu tant que la Belgique imposera des règles plus strictes que celles prescrites par l'Europe. Il est trop facile d'acheter des produits illégaux. La Belgique est et reste un pays de transit, de sorte que des produits provenant de toute l'Union européenne apparaissent très facilement. C'est précisément la raison pour laquelle nous continuons à plaider en faveur d'une réglementation réalisable et applicable, soutenue par l'ensemble de l'Union européenne."
Que nous réserve l'année 2025?
Display ban et food ban
Pour 2025, les acteurs s'attendent à ce que les ventes légales de cigarettes continuent à baisser en raison des prix élevés, et à ce que les fumeurs continuent à se tourner vers de meilleures alternatives. En outre, la réglementation sera renforcée: à partir du 1er avril, le display ban (interdiction d'exposer du tabac et des produits liés au tabac) et le food ban (interdiction de vendre du tabac dans les magasins d'alimentation de plus de 400 m²) entreront en application.
Luc Ardies, directeur de Buurtsuper.be, déclare: "À notre avis, cette nouvelle législation (food ban) viole le principe de l'égalité des entreprises. Il est tout à fait discriminatoire que les magasins de plus de 400 m2 ne puissent plus vendre de tabac alors que les petits magasins le peuvent. Nous comprenons qu'il y aura des règles plus strictes sur la vente de tabac, mais ces règles doivent être équitables. Personne ne peut prouver que les magasins de moins de 400 m2 peuvent vendre du tabac d'une manière plus 'saine'. Nous pensons vraiment qu'un compromis est possible sans violer le principe d'égalité". La fédération a saisi la Cour constitutionnelle en octobre 2024.
Mises en garde sur les cigares et les cigarillos
Les paquets de cigares, cigarillos et autres produits à base de tabac fumé et d'herbes devront également porter un avertissement sanitaire avec photo, comme c'est déjà le cas pour les cigarettes et le tabac à rouler. Cette mesure fera l'objet d'une période de liquidation jusqu'au 31 décembre 2025.
DIRECTIVE SUR LES PRODUITS TABAC (TPD) DE L'UE
À l'initiative des Pays-Bas, 16 États membres de l'UE ont envoyé une lettre à la nouvelle Commission européenne en décembre 2024 pour demander une révision rapide de la directive relative aux accises sur le tabac. La dernière révision de la Tobacco Products Directive de l'UE remonte à 2014.
Perstablo, Prodipresse et Horeca Vlaanderen unissent leurs forces

En attendant, tant Perstablo que Prodipresse font tout leur possible pour renforcer la coopération entre le gouvernement et l'industrie. Fin janvier, les deux fédérations professionnelles ont été invitées par le ministre de la Santé, Frank Vandenbroucke, à rechercher ensemble des solutions pour réduire la vente d'alcool, de tabac et de produits à base de nicotine aux mineurs.
Car si les librairies-presse sont les meilleures de leur catégorie, on peut et on doit faire mieux. En collaboration avec Horeca Vlaanderen, les plans d'action ont été présentés au ministre. "Tout d'abord, nous avons présenté au ministre B18, le premier label national pour la vente responsable. Plus de 700 magasins ont déjà indiqué qu'ils étaient des points de vente responsables. Une initiative qui n'est pas tombée dans l'oreille d'un sourd. "B18 est une très, très bonne initiative", a déclaré le ministre.
"Nos recherches menées en collaboration avec l'université de Gand, qui devraient nous permettre de mieux comprendre le commerce illégal et les raisons pour lesquelles les magasins continuent de vendre aux mineurs, ont également été accueillies avec enthousiasme. Bref, une matinée très productive qui a profité à toutes les parties. Les bases d'une coopération constructive ont été posées et nous sommes impatients de nous retrouver autour de la table dans quelques mois pour concrétiser nos idées."
Le cabinet du ministre et le SPF Santé ont promis solennellement de se réunir tous les trois mois.