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"Ce n’est pas normal que les autorités ne contrôlent que les magasins physiques"

Kiosk a rencontré Xavier Deville, président de Prodipresse

Xavier Deville, president Prodipresse
Xavier Deville: "La principale menace pour l'avenir du marchand de journaux, à mon avis, c'est le manque de vision des autorités compétentes en raison des changements constants de la législation"

Kiosk s'est entretenu avec Xavier Deville, président de Prodipresse, l'homologue francophone de Perstablo. Il évoque avec nous les principaux obstacles qui menacent la survie du secteur ainsi que les défis de l'avenir.

Une vision étriquée

Monsieur Deville, le secteur de la vente des libraires-presse traverse actuellement une période de bouleversement. Quelles sont, selon vous, les plus grandes menaces qui planent sur la profession aujourd'hui?

“Le premier écueil sur lequel il faut mettre le doigt, c'est la vision étriquée des autorités compétentes et des changements constants de la législation. Qu'il s'agisse des jeux de hasard et des paris sportifs, du tabac ou des subsides à Bpost... peu importe, le manque de vision est flagrant. Tout est en perpétuel mouvement, les changements sont validés au pied levé. Il n'y a pas de cadre, pas de concertation, pas d'ancrage pour les commerçants qui évoluent dans un flou total, n'osent pas investir et ne peuvent pas avoir de vision à long terme."

"Par exemple, les différents gouvernements - fédéral, provincial, régional, communal - taxent tous le même produit. C'est ridicule, non? Ces politiques ne sont bonnes qu’à nourrir les incertitudes mais surtout ne permettent pas d’avoir un plan entrepreneurial.”

“Ensuite, les trois piliers d'un magasin de presse sont soumis à une forte pression depuis plusieurs années maintenant. Le tabac, pour des raisons de santé évidentes, est un segment que l’on ne peut plus promotionner, cela se comprend et nous soutenons ces mesures. Mais il existe une alternative moins nocive, à savoir le vapotage. Et ce n'est pas moi qui le dis, c'est le Conseil Supérieur de la Santé belge qui recommande ce produit comme alternative au tabac, pour les fumeurs adultes qui peinent à se défaire de leur dépendance à la nicotine."

"En Grande-Bretagne et en France, le vapotage est recommandé par les autorités officielles. Mais chez nous, le gouvernement ne veut pas ou n'ose pas franchir ce pas de proposer ces produits comme alternative. Cela crée une incertitude permanente pour les revendeurs. Où va le secteur? Est-ce que cela reste rentable d'investir alors que la législation est modifiée et durcie à tout-va?”

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"En Grande-Bretagne et en France, le vapotage est recommandé comme alternative par les autorités officielles.
Mais chez nous, le gouvernement ne veut pas ou n'ose pas prendre position dans ce sens.
Et cela contribue à nourrir un climat d'incertitudes pour les distributeurs"

Pensez-vous que la législation actuelle va permettre de réduire le nombre de fumeurs?

“Cela m’étonnerait beaucoup. Les règles n'ont pas de sens. Il y a des années, on a exigé l’affichage d’images dissuasives sur les paquets, quelques années plus tard, l'emballage devait être neutre, d'une couleur brune uniforme. Tout cela dans le but de réduire l'attrait des cigarettes. Et à présent, il va falloir les cacher dans une armoire ou derrière un rideau. Quel était l'objectif des premières mesures alors? Est-ce que c’était du vent? J'ai l'impression que les décideurs font vraiment n'importe quoi.”

“Cela aurait certainement été plus logique si un plan à long terme avait été mis en place: par exemple, des paquets neutres en 2020, l'entrée en vigueur de l'interdiction d'affichage en 2025 et une interdiction de vente en 2030. De cette manière, tout le monde sait dès le départ dans quelle direction on avance et sur combien d'années le plan s'étale. À condition, bien sûr, qu'après les élections, un nouveau gouvernement s'en tienne au plan annoncé."

"Nous savons que le tabac est très nocif. Mais quelle est l'alternative aujourd'hui? Aucune solution n'est proposée. Les patchs à la nicotine ont été interdit. La France et la Grande-Bretagne, par exemple, considèrent la cigarette électronique comme une alternative à part entière comme le tabac chauffé, mais ne nous y trompons pas, ces catégories doivent être réservées aux fumeurs adultes.”

Memis Kus in zijn zaak
"Il y a des années, on a exigé l’affichage d’images dissuasives sur les paquets, quelques années plus tard, l'emballage devait être neutre, d'une couleur brune uniforme. Et à présent, il va falloir les cacher dans une armoire ou derrière un rideau.
Quel était l'objectif des premières mesures alors? Est-ce que c’était du vent?"

Contrôles insuffisants

Naturellement, les autorités rechignent face au danger que représentent les cigarettes électroniques jetables pour les jeunes, la santé publique et l'environnement.

“Oui, ces produits devraient en effet être retirés du marché. Il n'y a aucune raison logique de les autoriser. Mais le contrôle de la vente de ces produits, à la fois en ligne et hors ligne, relève de la responsabilité des autorités compétentes. C'est le gouvernement qui devrait effectuer des contrôles dans les librairies, mais aussi dans les nightshops, les stations-service et les grandes surfaces. Et il doit condamner les boutiques en ligne illégales."

"Pourquoi une librairie-presse doit-elle être contrôlée alors qu'un magasin de nuit ne l'est pas? La législation est la même pour tout le monde, non? Pourquoi ne voit-on jamais d'inspecteur dans les nightshops? Parce que ce magasin est ouvert en dehors des heures de travail d’un fonctionnaire et parce que ces contrôles sont insécurisés. La police doit aider à effectuer ces contrôles, sinon ils n'existeront pas. C'est un problème qui se pose dans toutes les grandes villes. Les magasins de nuit sont aux mains de réseaux mafieux qui agressent les inspecteurs et les menacent parfois même de mort. Les hommes politiques ont refusé d'ouvrir les yeux sur ce problème pendant des années."

Xavier Deville in zijn winkel
"Il y a aussi l'interprétation différente de la loi par les différents inspecteurs:
ce qui est interdit à Bruxelles peut, avec un peu de chance, ne pas poser de problème à Liège"

"Comment se fait-il que dans un petit village, les nightshops continuent d'exister alors que le boulanger, le boucher ou le barbier du coin a dû mettre la clé sous la porte? On sait que la personne qui se tient dans ce type de magasin est remplacée toutes les x années. Supposons qu'un audit soit effectué et que le magasin doive fermer, il suffit de changer le nom de l'association ou de l'organisation à but non lucratif, de nommer un nouveau gérant et, pour le client, rien n'a changé. Et le sujet est clos.”

“À cela s'ajoute l'interprétation de la loi par les différents inspecteurs: ce qui est interdit à Bruxelles peut, avec un peu de chance, ne pas poser de problème à Liège. On se réfugie alors derrière l’excuse ridicule des textes 'libres d’interprétation'. Pardon, mais est-ce que vous vous entendez? Une loi ne devrait-elle pas être interprétée d'une seule manière? 120 kilomètres à l'heure, c'est 120, et pas 130 ni même 121!”

“Par ailleurs, le gouvernement cible et contrôle les canaux de vente physiques, mais ne fait rien à l’encontre des canaux de vente en ligne. Cela vaut non seulement pour les produits liés au tabac, mais aussi pour les paris sportifs, par exemple. Le premier canal est évidemment facile à contrôler. Le second l'est beaucoup moins, du moins c'est ce qu'ils prétendent. Après l'invasion de l'Ukraine par la Russie, on a quand même réussi à mettre hors ligne tous les sites russes partout en Europe, et plutôt rapidement en plus. Et il faudrait croire que le contrôle des ventes en ligne est trop complexe? Entre-temps, la Belgique occupe la deuxième place des pays de l'UE comptant le plus grand nombre d’usines à tabac illégales. Cela donne matière à réflexion.”

Vous craignez que les magasins de presse soient voués à disparaître?

“Non, nous n’en sommes pas là."

”Et les trois piliers traditionnels?

“Non plus.”

Alternatives

Mais ces ventes reculent quand même?

“Oui, en effet, à l'exception des produits de loterie. Mais à côté de ces trois piliers, il y a un 4e pilier qui devient de plus en plus important, celui de la diversification, indispensable à la survie. Il faut trouver des produits qui offrent une bonne marge, des produits que l'on aime vendre et que l'on soutient pleinement. Personne ne peut vendre efficacement des produits avec lesquels il n'a aucune affinité. Donner des conseils, aider le client, ça marche bien quand vous vendez des produits et des services auxquels vous croyez également."

"Il peut s'agir de papeterie, de livres, d'alcool et de cigares, de jeux et de cadeaux. La condition préalable est que le détaillant apprécie le produit, alors il arrivera à le vendre. Moi-même, je vends beaucoup de papeterie parce que c’est ce que j’aime. Prodipresse organise deux assemblées générales par an auxquelles participent une quarantaine de commerçants et où sont présentés des nouveaux acteurs que la plupart des participants ne connaissent pas encore. C'est ce que nous avons fait dernièrement avec Buddy et Nickel, par exemple. Nous sommes également en contact régulier avec Yannick Gyssens de Perstablo afin d’accorder nos violons.”

Label de qualité Libraires-Presse

Vous soutenez également la presse au sein du canal des librairies. Prodipresse a récemment créé la marque collective 'Les Libraires-Presse', d'ailleurs. Que signifie-t-il?

“La grande différence entre un libraire presse et les autres magasins vendant de la presse reste la possibilité qu'offre le réseau aux petits éditeurs, par exemple, de mettre en avant un nouveau titre. La liste des titres de presse est peut-être en déclin, mais les titres spécialisés se portent toujours bien. Mais où peut-on les trouver aujourd'hui, si ce n'est dans les librairies-presse? Dans le rayon d'une grande surface, par exemple, le nouveau titre d’un petit éditeur n'aura aucune chance, ni même le droit d'être exposé. C'est une catastrophe dans un secteur comme celui de la presse. De nombreux éditeurs sont ainsi condamnés avant même de sortir. Ce n'est que dans les libraires-presse qu'ils trouvent encore de la place.”

“C'est aussi la raison pour laquelle nous avons créé la marque collective ‘Les Libraires-Presse’. L'un des critères pour obtenir la marque, une plume, c’est de proposer 400 titres en rayons. En fait, ce n'est pas tant que ça. Dans mon magasin, mon rayon de presse de 18m² compte 850 titres. Nous faisons cela pour que le libraire-presse reste effectivement un libraire-presse. Si ce volet disparaît, il n'y aura plus de distinction avec les autres magasins."

"Pour moi, l'activité de base doit être et rester la presse. Et autour de cela, chacun construit des activités complémentaires comme il l'entend. En fonction de ce que l'on aime vendre, de son public et de ce qui est différent de ce que vendent les autres commerces de proximité. La librairie est par définition un magasin de quartier, de village. Entre-temps, 90 magasins ont déjà rejoint la marque collective. Notre objectif est d'en avoir environ 450.”

“Il est important de mettre l'accent sur la presse. En particulier dans les moments de crise, comme récemment lors de la pandémie, les consommateurs doivent avoir accès à une source d'information fiable, c’est aussi un des piliers de notre démocratie. Nous constatons aujourd'hui que la démocratie est sous pression dans le monde entier, comme elle ne l'a jamais été au cours des 20 dernières années. La santé d'une démocratie se mesure à son offre culturelle et à la diversité de ses organes de presse. C'est pourquoi je considère que le rayon de presse est d’une importance capitale.”

Il est grand temps que Prodipresse et Perstablo unissent leurs forces, n’est-ce pas?

“Tout à fait. Et nous y travaillons. D'ici 2025, nous aurons probablement réussi à mettre en place une organisation globale dont la mission sera de défendre les intérêts de tous les magasins de presse de notre pays. D'autres nouvelles à ce sujet suivront très bientôt.”

Monsieur Deville, il ne me reste plus qu’à vous remercier pour cet entretien.

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Écrit par Dimitri Van Moerkercke

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