Désintox numérique
RUBRIQUE - FERRE BEYENS, ANALYSTE/JOURNALISTE AUTOMOBILE
L'alarmisme climatique s'est révélé être un moyen de pression politique trop abstrait et inefficace, contrairement au coronavirus, qui a littéralement semé la panique et très rapidement ébranlé les fondements de notre société. Impossible de mesurer l'ampleur réelle de cette catastrophe industrielle. Le simple fait de critiquer les mesures politiques mises en place est associé à un acte de rebellion ou à une incitation à la violence. L'enfermement numérique, voilà à quoi nous en sommes réduits. Les événements en ligne, les déclarations, les webinaires ou les nombreuses conférences de presse numériques se succèdent sur nos écrans. Face à un public qui n'oppose aucune résistance, les experts en marketing ont désormais le champs libre pour modeler nos cerveaux numériquement, les ingénieurs étant à présent l'unique camp à abattre, puisque leur approche s'oppose radicalement à ce pacte tacite mais non moins diabolique, dont l'enjeu repose sur la capacité incroyable de certains de faire abstraction totale des considération en matière de CO2.
"Tant que les gens ne prendront pas conscience des vérités technologiques, nous serons leurés par des voitures aussi inabordables qu'inefficaces"
Les journalistes automobiles critiques se retrouvent alors face à un choix cornélien dans ce contexte numérique : oublier tout ce que nous a apporté l'enseignement technique, ou appeler d'urgence à un sevrage numérique ... voire à une véritable cure de désintox. La vitesse à laquelle les spécialistes du marketing peuvent désormais faire fi de toutes les règles techniques prend une tournure insupportable. Les mesures relatives aux émissions de CO2 sont récitées telles des versets bibliques pour leur conférer un caractère éclairé, pointu et techniquement malhonnête. Les faits techniques 'pertinents' sont volontairement écartés du vocabulaire choisi. Ou encore, la vérité technologique est 'remaniée' pour cadrer dans la nouvelle trame numérique.
Des manœuvres alambiquées qui prouvent à quel point les médias sont déterminés à nous cacher les véritables effets secondaires pour le moins néfastes des voitures électriques (entre autres). Et ce, alors que chacun de nos volets industriels se voit imposer une stratégie salvatrice pour l'environnement 'd'économie circulaire'. Etrangement, la voiture électronique n'est pas concernée... Tant en matière d'économie que d'écologie, l'e-promotion dans les médias reste miraculeusement 'épargnée' par ces contraintes de circularité. Il suffit pourtant d'évoquer les catastrophes environnementales en Amérique du Sud et en Afrique qui résultent de l'extraction et du traitement primaire des matières premières comme le lithium et le cobalt, pour remettre l'église au milieu du village.
La transmission numérique d'informations sert alors de catalyseur pour garder dans le collimateur la moindre opinion qui pointerait du doigt l'impact CO2 et mettrait à mal tout autre dogme de l'électrique. Les gens oublient que les voitures électriques nous ont été à l'origine 'vendues' comme une solution à la pénurie annoncée de combustibles fossiles. Jamais le secteur n'évoque pourtant l'approvisionnement à bout de souffle et la pénurie imminente de ressources rares nécessaires à la production en masse d'éléments indispensables à une mobilité partiellement ou totalement électrifiée. Non, les médias s'obstinent à chanter les louanges de l'e-mobilité. Alors que l'on voit en contrepartie une situation totalement hypocrite et cynique, puisque la technologie ICE se retrouve envoyée à l'échafaud sans autre forme de procès. N'importe quel technicien vous le dira : la presse numérique brille par son manque total de lucidité et de conscience technologique.
Mais comment expliquer alors que les constructeurs automobiles se laissent si docilement convaincre par ces pseudo-prophètes climatiques idéologiquement radicalisés et acceptent sans broncher de gober les absurdités des décisions gouvernementales fondées sur un tel extrémisme ? Les constructeurs doivent prendre conscience que c'est bien sur la technologie que repose leur activité principale. Cette technologie qui se veut une science exacte, basée sur des lois physiques et des faits face auxquels les ingénieurs de développement se retrouvent pieds et poings liés. Est-ce à l'industrie automobile de développer une technologie fictive soi-disant propre, juste en se basant sur des déclarations politiques ? La pertinence de ces solutions déclarées 'propres' par nos politiques reste pour le moins bancale. Car elles ne sont 'propres' que parce que le principe démocratique de la majorité a décrété qu'il en était ainsi, indépendamment de toute vérité scientifique.
"The world is crazy, and it’s going to backfire on the citizens". Le monde est fou, et ce sont les citoyens qui vont en payer le prix, a déclaré Carlos Tavares lorsqu'un politicien techno-incompétent a 'condamné à mort' la technologie ICE. Ce faisant, Tavares a mis en garde contre les effets secondaires pervers de la mobilité de masse connectée, entre autres choses. Ce même Carlos Tavares n'a depuis lors cessé de surprendre le monde de l'automobile. En trois ans, il a remis sur les rails la société déficitaire PSA (Peugeot-Citroën-DS-Opel). Lors d'une conférence de presse - numérique bien sûr ! - en tant que PDG du nouveau groupe automobile Stellantis, il a officialisé le mariage entre PSA et FCA (Fiat Chrysler Automobiles). Une fois de plus, il a mis les décideurs politiques face aux incohérences de cette stratégie, des décideurs qui refusent toujours de voir les réalités techniques telles qu'elles sont : "Comment allons-nous réussir à produire à l'avenir toute l'énergie propre, abordable et neutre en CO2 nécessaire à l'alimentation de cette immense flotte de véhicules électriques ? Comment éviter les ravages écologiques liés à l'extraction des matières premières rares, nécessaires à la production des batteries ? Où trouverons-nous suffisamment de matières premières (principalement) rares indispensables pour soutenir cette e-mobilité ?" ... Pour une fois, et cela mérite d'être souligné, un évènement qui nous faisait oublier l'envie pourtant souvent justifiée d'une désintoxication numérique.
"La vitesse à laquelle on balaie sous le tapis la prééminence technique fait froid dans le dos"