Une décarbonisation qui détruit la prospérité
Chronique - Ferre Beyens, analyste/journaliste automobile
Dans une lettre ouverte, le nouveau président de l'European Automobile Manufacturers' Association (ACEA), Ola Källenius, a fustigé à juste titre la décarbonisation de l'UE encouragée par des amendes (impayables). Son plaidoyer en faveur d'une réduction du fardeau de la conformité aux objectifs européens de 2025 en matière de CO2 pour les voitures et les camionnettes était en partie inspiré par les conclusions effrayantes d'une étude récente du Centrum für Europäische Politik (Fribourg/Berlin).
"Ce dont peu de gens osent parler: la décarbonisation insuffisante de la production d'électricité..."
L'UE n'a jamais été la championne pour détecter les signaux d'urgence économiques ou énergétiques. La lettre de Källenius, basée sur une étude pertinente, peut-elle déclencher une réaction rapide de l'UE? Nous craignons que non. Ceci dit, Bruxelles a réagi immédiatement - après des mois d'attente -, en se montrant disposé à jeter une bouée de sauvetage aux constructeurs automobiles européens en difficulté. D'où vient donc cette précipitation inattendue à Bruxelles? Du fait qu'à l'époque, on a appris que la Commission européenne accordait de généreuses subventions à différents clubs environnementaux pour qu'ils fassent pression en faveur des projets verts de l'UE. Tout cela bien sûr (et encore une fois) à cause de la passivité et de la partialité des médias traditionnels. Tant la lettre de Källenius que les résultats des études de Fribourg et de Berlin et les subventions accordées au lobbying vert sont restés dans l'ombre. À l'exception d'un forum ridicule pour quelques fanatiques du climat, car la publication de ces subventions gouvernementales vertes a été qualifiée d'attaque lâche contre la démocratie. Nous pensions déjà que les fonctionnaires qui financent clandestinement la propagande des activistes climatiques auraient plutôt leur place dans des régimes politiques moins démocratiques.
La politique de décarbonisation de l'UE pour les voitures et les camionnettes, avec une stratégie axée sur l'électricité et l'interdiction des moteurs à combustion interne, risque d'échouer. Ce n'est que l'une des conclusions finales de l'étude complète mentionnée ci-dessus. À côté des effets douteux sur le climat et la décarbonisation insuffisante de la production d'électricité. Une autre conclusion est que la stratégie axée sur l'électricité empêche d'œuvrer pour que les groupes motopropulseurs non électriques aient un meilleur bilan carbone. Cela rend les fabricants européens plus dépendants des matières premières extérieures à l'UE. Des matières terrestres dont le stock est concentré dans des pays où l'incertitude géopolitique n'est jamais loin.
Alors que l'UE se focalise sur la décarbonisation 'électrique', d'autres régions continuent à développer des solutions de CO2 orientées vers des technologies multiples. La Chine n'interdit pas les véhicules hybrides et les encourage même s'ils sont adaptés aux carburants alternatifs. Les États-Unis et le Canada continuent également d'autoriser les véhicules hybrides rechargeables. Le Brésil et l'Inde encouragent l'éthanol. Même les e-carburants ne sont pas interdits partout. Dans ces conditions, quel est l'intérêt d'une législation européenne qui continue à harceler les constructeurs automobiles locaux en interdisant totalement les moteurs à combustion interne?
Le risque demeure que la décarbonisation de l'UE - avec une interdiction ridicule du moteur à combustion interne - sonnera le glas des fournisseurs européens, des lignes de production et des départements de R&D qui se sont consacrés aux groupes motopropulseurs hybrides. Il n'est donc pas inconcevable que la production de technologies de décarbonisation non alimentées par batterie soit transférée vers des continents hors UE. La décarbonisation recherchée par l'UE sera incroyablement difficile sans éroder la compétitivité des constructeurs automobiles européens.
Malgré les résultats révélateurs des études, malgré la lettre ouverte d'Ola Källenius, malgré la volonté rapide de l'UE de jeter une bouée de sauvetage aux constructeurs automobiles européens en difficulté ... Malgré tout cela, cette même UE continue obstinément à souscrire aux réglementations des accords de Paris sur le climat. Certes, la Commission européenne souhaite aider financièrement les constructeurs automobiles à produire des voitures moins polluantes. Mais - et c'est reparti! - il s'agit surtout de soutenir le développement de nouvelles voitures électriques. Et ce, malgré les nombreuses mises en garde contre un suicide économique imminent, conséquence inévitable d'une décarbonisation axée sur le '100% électrique'.
Nous avons déjà mis en garde dans ces lignes contre une décarbonisation qui détruit la prospérité, contre le suicide économique qu'entraînera la poursuite de ce rêve de neutralité carbone. On nous a immédiatement reproché d'adhérer aux théories du complot. Mais il ne s'agissait pas de théories du complot. Il s'agissait d'hypothèses fondées sur des faits scientifiquement établis. Des faits qui, il est vrai, étaient difficilement conciliables avec l'histoire vendue par un activisme climatique qui s'auto-encense, alimenté par d'obscures transactions de plusieurs millions.
Quelques semaines après la publication de la lettre de Källenius, nous avons pris connaissance du dernier accord du gouvernement fédéral. Dans cet accord, la décarbonisation destructrice de prospérité se poursuit, l'accent est mis sur la conduite électrique, les combustibles fossiles sont plus chers, les déductions de coûts pour les camionnettes à moteur à combustion interne diminuent, les camionnettes électriques bénéficient d'allègements fiscaux... Et, pour les personnes qui n'utilisent pas de voiture: focus sur les pompes à chaleur à rendement optimisé, augmentation de la TVA sur les chaudières à gaz économiques, augmentation des taxes sur le mazout et le gaz naturel et promotion du chauffage domestique électrique. Quid de la décarbonisation de la production d'électricité? En Allemagne, sans centrales nucléaires, 1 kWh d'électricité produit l'équivalent de 471 grammes de CO2. En France, avec l'énergie nucléaire, c'est à peine 51 grammes d'équivalent CO2/kWh. Ceci - cher fanatique du climat - n'est pas une théorie du complot, mais une théorie qui va à l'encontre de votre hypothèse contraire aux faits établis.