Le marché du tabac et des produits pour fumeurs en pleine tempête
Que se passe-t-il sur le plan législatif?
L'industrie du tabac traverse une période houleuse, et c'est un euphémisme. D'une part, un marché en baisse constante et, d'autre part, un gouvernement qui impose des règles toujours plus contraignantes. Cela pousse de plus en plus de fumeurs à arrêter, à partir ou à se réfugier dans des alternatives telles que les cigarettes électroniques ou, dans le pire des cas, à se tourner vers le circuit illégal. Comment résumer les nombreux changements imposés l'année dernière? Et à quelles évolutions faut-il s'attendre? Revenons ensemble sur le contexte d'une industrie à qui rien n'est épargné.
Un déclin généralisé
Avec les augmentations successives des accises, le tabac, qu'il s'agisse d'une cigarette normale ou d'une cigarette roulée, s'apparente de plus en plus à un produit de luxe. Le marché légal des cigarettes en Belgique devrait diminuer plus fortement qu'auparavant dans les années à venir. Les accises influencent encore plus les ventes que les années précédentes et augmenteront certainement à nouveau en 2024. Toute augmentation de prix est susceptible d'inciter les consommateurs à reconsidérer leur choix.
Les accises ont de nouveau fortement augmenté au début de l'année 2024:
- Le 1er janvier 2024, les cigarettes sont redevenues nettement plus chères. Le prix d'un paquet a augmenté d'environ 2 euros pour atteindre environ 10 euros. Le prix d'un paquet de 20 cigarettes a ainsi augmenté de 59% en quatre ans, et le prix du tabac à rouler de plus de 90%. En 2024, l'augmentation des accises sur le prix moyen d'un paquet de tabac à rouler est de 32,5%. Pour compenser cette augmentation, une hausse de prix de plus de 4,2 euros par paquet de 50 grammes est nécessaire. Cela correspond à peu près à la somme des augmentations de prix significatives des trois dernières années.
- Le prix des cigarettes électroniques a également augmenté. En effet, au début de l'année 2024, l'application d'un timbre d'accise sur les e-liquides est devenue obligatoire.
- Cette augmentation de prix a entraîné une différence de prix plus faible avec la France et les Pays-Bas, mais une différence de prix plus importante avec le Luxembourg et l'Allemagne. On peut donc s'attendre à une diminution des échanges transfrontaliers de la France et des Pays-Bas vers la Belgique et à une augmentation des échanges transfrontaliers de la Belgique vers le Luxembourg et l'Allemagne. Cela poussera donc les consommateurs à franchir davantage les frontières et augmentera également le commerce illicite.
- Comme les fortes augmentations des droits d'accises de ces dernières années se sont traduites par de fortes baisses de volume, ces augmentations sans précédent auront à nouveau un impact négatif important sur le volume, en particulier dans les zones frontalières.
Interdiction dans les grandes surfaces
Aujourd'hui, un quart de la population fume encore, selon les données de la Fondation contre le cancer. Fin 2022, le gouvernement a approuvé une première série de mesures anti-tabac. Celles-ci ont été suivies à la fin de l'année 2023. Le tabagisme est devenu plus cher, plus interdit dans les espaces publics et le tabac est devenu plus difficile à vendre. L'objectif est principalement de réduire le contact des jeunes avec le tabac ou les produits de substitution. À la mi-mars 2024, le parlement a approuvé le projet de loi du ministre Vandenbroucke.
À partir du 1er avril 2025, les supermarchés de plus de 400 m² ne pourront plus vendre de produits du tabac. Aux Pays-Bas, c'est déjà le cas depuis le 1er juillet 2024.
En 2023, les ventes des supermarchés ont baissé pour la première fois depuis 20 ans. La forte inflation a entraîné une hausse des ventes dans les grandes chaînes ces dernières années, mais cette époque est révolue. L'interdiction de la vente de tabac dans les supermarchés risque également de faire baisser les ventes de certaines chaînes au second semestre 2024.
Dans les magasins qui sont encore autorisés à vendre du tabac, comme les magasins de journaux et les stations-service, il y aura une interdiction d'exposition: une interdiction d'exposer tous les produits du tabac, y compris les cigarettes électroniques. Ces détaillants devront demander une pièce d'identité à toute personne de moins de 25 ans souhaitant acheter des produits du tabac.
Les sanctions seront plus sévères en cas de violation de l'interdiction de la publicité et de la promotion. Un plus grand nombre de clients mystères seront également déployés.
Un précédent dangereux
Buurtsuper.be est favorable à une interdiction de vente, mais rejette toute discrimination entre les magasins. "Nous sommes en faveur d'une interdiction de vente de tabac, mais nous nous référons au principe constitutionnel d'égalité et à la discrimination injustifiée que la loi crée entre les magasins, sur la base de la surface de vente", explique l'organisation de défense. Elle craint que cela ne devienne un dangereux précédent pour d'éventuelles autres interdictions de vente à l'avenir. L'organisation est prête à travailler avec le ministre pour trouver une solution. Si elle n'y parvient pas, Buurtsuper.be envisage de saisir la Cour constitutionnelle.
Buurtsuper.be se réfère à l'avis du Conseil d'État sur la nouvelle loi sur le tabac, qui considère que la différence entre les petits et les grands magasins est illégale. Le raisonnement sous-jacent est qu'une distinction entre les types de points de vente ne peut échapper au principe d'égalité. En l'occurrence, une distinction entre les types de magasins ne peut être justifiée que par des raisons de risque pour la santé. Ainsi, la simple mesure visant à réduire les ventes de tabac en réduisant le nombre de points de vente va à l'encontre du principe d'égalité.
Alternatives
En conséquence, les fabricants de tabac ne se développent que dans les régions où la réglementation sur le tabac est moins stricte, comme le Moyen-Orient, l'Afrique et l'Asie. Mais dans le monde occidental, ils ont dû chercher des alternatives ces dernières années. Ces produits sans fumée se répartissent grosso modo en deux groupes. L'un est constitué de produits qui ne brûlent pas le tabac mais le chauffent (Heat Not Burn), et l'autre est constitué de cigarettes électroniques qui vaporisent un liquide chimique contenant de la nicotine.
"Les cigarettes électroniques sont nettement moins nocives pour la santé que les cigarettes classiques", affirment même l'Institut flamand pour la santé et le Conseil supérieur de la santé. "Elles constituent un moyen efficace d'arrêter de fumer. Plus efficace que les patchs à la nicotine."
Chaque année, 14.000 personnes meurent encore du tabagisme dans notre pays. Ce chiffre pourrait diminuer si davantage de fumeurs passaient à la cigarette électronique. "Il faut insister sur ce point, car les deux tiers des fumeurs pensent que la cigarette électronique est aussi nocive qu'une cigarette traditionnelle."
La cigarette électronique est perçue négativement parce qu'elle attire les jeunes, qui deviennent ainsi dépendants de la nicotine. La Fondation contre le cancer s'inquiète du fait qu'un tiers des jeunes âgés de 15 à 20 ans ont déjà essayé une cigarette électronique. C'est donc là qu'il faut intervenir. Mais cela ne doit pas se faire au détriment de l'accessibilité pour les fumeurs adultes.
Certains fabricants (notamment des cigarettes électroniques jetables) ciblent explicitement les jeunes avec des emballages voyants, des arômes spéciaux et de la publicité sur les médias sociaux. Ces pratiques devraient faire l'objet d'une surveillance plus étroite. En outre, des sanctions plus sévères sont nécessaires pour les commerçants qui vendent des cigarettes électroniques à des mineurs.
Par ailleurs, il est d'ores et déjà clair que la vente de vapes jetables sera interdite dans notre pays à partir du 1er janvier 2025.
Principales évolutions du marché
Cigarettes
- Elles sont redevenues plus chères le 1er janvier 2024.
- En moyenne, un paquet de 20 cigarettes est devenu 2 euros plus cher (augmentation de prix de +59%en 4 ans).
- Aujourd'hui, 1 fumeur sur 3 choisit encore des cigarettes du segment bas prix.
- Le marché légal des cigarettes diminuera encore plus dans les années à venir.
- Les consommateurs feront encore plus d'achats transfrontaliers qu'auparavant.
- Le commerce illégal continuera également à augmenter. Nous constatons déjà une augmentation des produits illégaux dans le segment des cigarettes en Belgique. Environ 20% des paquets de cigarettes récupérés n'ont pas été achetés en Belgique, mais proviennent de pays moins chers tels que la Bulgarie, la Pologne, la Turquie, ou sont des contrefaçons illégales.
Tabac
- Le marché luxembourgeois est actuellement plus important que les marchés belge et néerlandais en termes de volume.
- Les MYO et le tabac en volume restent le groupe le plus important du marché du tabac fine coupe (FCT), avec une part de marché d'environ 70%.
- Les ventes de tabac diminuent fortement chaque année (RYO -15,2%, MYO -17,2%), à la fois au niveau national et aux frontières. Toutefois, la baisse en volume est beaucoup plus prononcée aux frontières.
- La forte augmentation des prix réduit également les ventes intérieures, les consommateurs se tournant en effet vers l'étranger ou vers le circuit illégal.
- L'augmentation des accises sur le prix moyen d'un paquet de tabac à rouler est de 32,5% en 2024. Pour compenser cette augmentation, une hausse de prix de plus de 4,2 euros par paquet de 50 grammes est nécessaire. C'est à peu près autant que la somme des augmentations de prix significatives des trois dernières années.
- Sur le marché intérieur, plus de la moitié du volume de MYO vendu consiste en une petite ou moyenne boîte.
- Les fabricants rendent leurs emballages plus durables (moins de plastique).
Cigares et cigarillos
- La catégorie globale diminue d'année en année, en partie à cause du vieillissement du marché cible (surtout pour les cigarillos, moins pour les cigares), d'une législation plus stricte, de la diminution des occasions de fumer, de l'essor d'alternatives telles que les cigarettes électroniques et les concepts de vapotage, de la sensibilisation croissante des consommateurs à la santé et d'une offre limitée de fumeurs de cigarettes.
- Les cigarillos représentent 95% du marché national. Les cigarillos détiennent une part de marché de 95% dans notre pays.
- Les prix ont également augmenté dans ce segment.
- Dans le segment des cigares, les grandes marques continuent de bien se porter (shortfillers premium), tout comme les produits 100% tabac.
- Les fabricants notent que les consommateurs aiment fumer des produits belges (marques régionales).
Cigarettes électroniques
- La catégorie est en croissance non seulement en Belgique, mais dans toute l'Europe (+4,7% en 2023 par rapport à 2022).
- Un fumeur adulte sur deux en Belgique a déjà essayé une cigarette électronique
- Les fumeurs adultes cherchent de meilleures alternatives.
- Les modèles jetables disparaissent du marché début 2025.
- Le prix des cigarettes électroniques a également augmenté début 2024. En effet, il est devenu obligatoire d'apposer un sceau d'accise sur les e-liquides.