PERSPECTIVES POSITIVES POUR LE MARCHE EUROPEEN DE L'ACIER SOUS PRESSION

De nombreuses menaces tempérent l'enthousiasme

Au deuxième trimestre de cette année, le marché européen de l'acier a encore suivi la voie d'une croissance relativement rapide grâce aux fondamentaux économiques solides et à la forte position des secteurs consommateurs d'acier. Le carnet de commandes des aciéries européennes a augmenté, mais la quantité d'acier importée sur le marché européen a également augmenté de manière im­pressionnante. Dans le contexte de la surcapacité persistante de l'acier et de la distorsion des échanges d'acier au niveau international due aux droits de douane américains sur l'acier et l'aluminium, l'Association européenne de l'Ecier Eurofer estime qu'il existe des motifs de préoccupation.

LE COMMERCE DE L'ACIER EN EUROPE

Le commerce européen de l'acier est leader mondial en matière d'innovation et de dura­bilité. Avec un chiffre d'affaires d'environ 170 milliards d'euros, le secteur emploie 320.000 personnes qualifiées, qui produisent en moyenne 160 millions de tonnes par an. Les nombreuses unités de production d'acier fournissent des emplois directs et indirects à des millions de citoyens européens. Avec le sec­teur de la construction, l'acier constitue l'épine dorsale du développement, de la croissance et de l'emploi en Europe. C'est l'un des matériaux les plus polyvalents au monde. Les milliers de sortes et de nuances d'acier qui ont été développées permettent le monde moderne tel que nous le connaissons aujourd'hui. En outre, l'acier fait partie de l'économie circulaire et, en tant que matière première pour la construction mécanique, il est également un facteur essentiel pour le développement et l'application de technologies innovantes de réduction des émissions de CO2 et la promotion d'un développement innovant et durable en Europe. 
Mais qu'en est-il du commerce de l'acier en Europe aujourd'hui? “La croissance sur le marché européen de l'acier se stabilise“, déclare Axel Eggert, directeur général de l'Association européenne de l'Acier Eurofer. “Ce n'est pas en soi une raison de paniquer, mais le secteur sera confronté dans les mois à venir à un certain nombre de défis qui pourraient avoir des conséquences profondes. Ainsi, les tensions commerciales au niveau international menacent de perturber l'équilibre du marché et de réduire la demande d'acier dans d'autres secteurs.“

DUMPING MASSIF DE L'ACIER SUR LE MARCHE EUROPEEN?

Les droits d'importation américains sur l'acier et l'aluminium semblent avoir atteint leur objectif. Les chiffres les plus récents montrent que les importations aux Etats-Unis ont diminué. En conséquence, les producteurs d'acier qui ne peuvent plus entrer sur le marché américain, pratiquent le dumping de leurs capacités excédentaires en Europe à des prix avantageux. C'est du moins ce qu'ont rapporté plusieurs journaux américains au début de l'automne. Cela rendrait la concurrence plus difficile pour les producteurs d'acier européens.

Fin octobre, l'American Iron and Steel Institute indiquait que les Etats-Unis avaient importé un total de 2,2 millions de produits sidérurgiques, soit 26% de moins que le mois précédent. Une partie de cet acier en provenance de Russie et d'autres pays asiatiques entre sur le marché européen à des prix inférieurs. Selon divers médias, ces chiffres donneraient au Président Trump plus de marge de négociation dans les pourparlers avec l'Europe. Il a déjà admis qu'il utilise les droits à l'importation principalement comme outil de négociation avec ses partenaires commerciaux, se référant au récent accord entre les Etats-Unis et le Canada. Début novembre, les négociateurs des Etats-Unis et de l'Union européenne se sont réunis à Washington DC pour examiner les tarifs d'importation en vigueur entre les deux continents depuis juin. Au moment de la mise sous presse de votre revue professionnelle, le résultat de cette réunion n'était pas encore connu.

On s'attend à ce que l'Europe demande une exemption des droits d'importation sur l'acier et l'aluminium, même s'il reste à voir ce qui sera demandé en échange.

SITUATION SUR LE MARCHE EUROPEEN

Par rapport à l'année dernière, la consom­mation d'acier au deuxième trimestre 2018 a augmenté de 4,4% dans les 28 Etats membres de l'Union européenne (UE28). Une utilisation saine de l'acier combinée à la constitution de stocks d'acier dans la chaîne de distribution au cours de cette période a conduit à cette croissance. Les livraisons des aciéries européennes sur le marché européen ont également augmenté de 3,7% au deuxième trimestre.

L’acier importé

Des signaux positifs, donc. Toutefois, l'augmentation de 9,8% des importations d'acier en provenance de l'extérieur de l'Europe par rapport à la même période en 2017 est alarmante. Toujours au premier trimestre de cette année, les importations se sont élevées à près de 5%. La part de l'acier importé sur le marché européen est passée de 23,2% au premier trimestre à près de 25% au deuxième trimestre. Cette augmentation soutenue semble confirmer les préoccupations antérieures selon lesquelles les exportateurs d'autres pays pous­sent leur acier vers l'Europe, en attendant l'adoption de mesures de protection aux Etats-Unis et la disposition des acheteurs à prendre certains risques spéculatifs. La manière dont cela peut conduire à un dumping des prix sur le marché européen de l'acier, pouvait déjà être lue il y a quelques mois dans Métallerie, lorsque nous avons examiné les droits d'importation américains sur l'acier et l'aluminium. Eurofer prévoit néanmoins que la consommation d'acier en Europe continuera d'augmenter cette année de 2,2% et de 1,1% en 2019. “Ceci, malgré les restrictions commerciales persistantes avec les Etats-Unis et les menaces du cabinet du Président Trump d'introduire également des droits à l'importation pour le secteur automobile en Europe. Cela pourrait conduire à une nouvelle escalade du différend commercial, avec un impact indéniable sur la demande d'acier.“

LES AUTRES SECTEURS CONCERNES

Dans les secteurs utilisateurs d'acier, les conditions au deuxième trimestre de 2018 ont été semblables à celles du trimestre précédent. Tous ces secteurs, à l'exception de l'industrie des tubes en acier, ont enregistré une forte augmentation de leurs activités de production. “Les perspectives pour l'avenir proche sont favorables. Malgré une dynamique économique un peu modérée, les secteurs continueront à croître régulièrement. Pas les exportations, mais le commerce intérieur est susceptible d'être le moteur de cette croissance“, semble-t-il.

Contexte économique incertain

Toutefois, le contexte incertain de l'économie mondiale constitue également une menace qu'il ne faut pas sous-estimer dans ces secteurs. Le protectionnisme croissant de certains partenaires commerciaux et le risque d'escalade des tensions commerciales peuvent avoir un impact négatif sur la confiance des entreprises dans les investissements. La production de ces secteurs dans l'Union européenne devrait augmenter de 3,5% en 2018 et de 1,8% en 2019.

L’ECONOMIE EN EUROPE

Les données du PIB pour le deuxième trimestre de 2018 montrent également que la croissance économique en Europe reste lente, mais régulière. Les investissements se sont également fortement redressés, après la faible per­formance du premier trimestre. Néanmoins, malgré une reprise des exportations, la contribution du commerce net a été négative. Cela donne à penser que les menaces susmentionnées semblent se faire jour, en raison du ralentissement du commerce international et de l'effet de ralentissement du raffermissement de l'euro. Les indicateurs de confiance du climat économique se sont encore quelque peu affaiblis au troisième trimestre de 2018, mais restent à un niveau élevé, nettement supérieur à la moyenne à long terme, en ligne avec la croissance économique continue, mais modé­rée en Europe.
“Selon les chiffres, le PIB de l'UE connaîtra une croissance moins rapide en 2018 et 2019. Les risques et les menaces les plus importants découlent de l'augmentation du protectionnisme et de l'escalade des ten­sions commerciales. La volatilité des marchés des changes et des actions dans les diverses économies émergentes joue également un rôle.“ Eurofer prévoit une croissance du PIB de l'UE de 2% en 2018 et de 1,8% en 2019.