LE BON DEBUT DE 2018 EST EFFACE PAR LE MOIS DE MARS
Kristof Scheys (GfK) à propos de l'evolution du marche du bricolage
Les chiffres GfK pour le mois de mars se sont profondément teintés de rouge: -8,6%. L'année avait pourtant bien commencé, avec une belle croissance en janvier et en février. Le chiffre négatif est malheureusement lié au chiffre négatif de 2017. Kristof Scheys (GfK) y voit plusieurs raisons. La météo peut en être une, mais le chiffre glisse de plus en plus vers les canaux en ligne. Il y a aussi le fait qu'un certain nombre de produits ont atteint un certain point de saturation, que le marché de l'immobilier est actuellement en pleine transition et enfin que le 'blurring' peut aussi jouer un rôle important. “2018 sera l'année du changement.“
LES CHIFFRES
2017 négatif
“Nous avons terminé 2017 en négatif, avec -0,1%“, raconte Kristof Scheys. “La première moitié de l'année a pourtant été très bonne: en janvier, mars, avril et juin 2017, nous avons eu une croissance, avec en mars même 10%. Juin a été le dernier mois positif. De juillet à décembre, nous n'avons eu que des chiffres négatifs, et donc aucun mois en croissance au cours du second semestre.“
Janvier et février 2018 positifs
“Heureusement pour les distributeurs, 2018 a très bien commencé. En janvier, on a vu une augmentation de 1,5% en chiffre et en février, même + 3,3%. C'est une belle croissance, et surtout si on constate qu'en janvier 2017, on avait déjà enregistré une augmentation de 2,6% par rapport à 2016. Nous avons donc une augmentation sur une augmentation, ce qui est particulièrement positif. Mais toutes les catégories n'ont pas fait un bon résultat en janvier, l'auto, les moteurs et le vélo ont enregistré une baisse de 10% en janvier et en février. C'est surtout dû à l'antigel: en janvier 2017, il y a eu dix jours de neige, en janvier 2018, qu'un seul jour. S'il neige, cette catégorie explose et si ce n'est pas le cas, elle s'écroule. Plusieurs centaines de milliers d'euros d'antigel ne sont pas vendus. Difficile pour les distributeurs de définir leur stock: cela prend de la place et si on n'en vend pas, on reste avec le stock.“
Un mars désastreux
“Le bon début de l'année a été effacé en mars, avec une baisse de -8,6%. A cette heure, nous ne pouvons pas encore dire à quelle catégorie cela est dû.“
Moins de chiffre par magasin
Mauvaise nouvelle donc, mais il y a plus pour nous faire du souci: cela fait déjà quatre année de suite que l'on vend en moyenne moins par magasin. Scheys: “Les cinq dernières années, nous avons chaque fois enregistré une croissance du chiffre, mais la tendance est moins positive qu'elle n'y paraît à première vue. Les dernières années, on a connu quelques expansions de chaînes qui ont ouvert pas mal de magasins. L'image n'est pas aussi rose. Si on regarde le chiffre moyen par magasin, on constate une diminution du chiffre de -6% au cours de ces mêmes cinq années. Si on regarde le nombre d'articles vendus, on constate encore une plus forte diminution de -20%.“
LA MENACE DU COMMERCE EN LIGNE
“Avec ces chiffres, on constate avec peine qu'il est clair que le commerce traditionnel a du mal à s'adapter rapidement aux nouvelles réalités des ventes en ligne qui commencent à jouer un rôle de plus en plus important. Ce chiffre disparaît donc du marché belge; les chaînes s'investissent beaucoup sur ces ventes en ligne, les dernières années. Les grands acteurs en ligne sont pourtant toujours des détaillants qui se trouvent traditionnellement à l'étranger et qui sont actifs sur le marché belge. Le BeCommerce Market Monitor, une étude annuelle réalisée à la demande de l'ASBL BeCommerce par GfK, montre que les Belges ont dépensé l'année passée plus de dix milliards d'euros en ligne, soit 17% de toutes les dépenses en Belgique. Ce fut un nouveau record. On ne peut plus dire 'On ne travaille pas avec internet'. A long terme, cela sera totalement impossible.“
Le client exige la facilité
“La facilité, c'est le grand avantage de l'e-commerce. Le shopping est devenu plus facile, les magasins en ligne sont ouverts 24 heures sur 24. Les frais d'expédition restent encore une barrière: quatre personnes interrogées sur dix avouent que cela reste un point négatif important. Je pense qu'il reste là encore pas mal de choses à faire, mais il n'est pas illogique que l'envoi de certains produits, comme des plaques de plâtre, coûte de l'argent. Le consommateur est de plus en plus habitué aux envois gratuits. Un cinquième reconnaît aussi que le manque de choix dans le délai de livraison est aussi un problème: le matin ou le soir ou à une certaine heure. Un sur dix estime aussi que les délais de livraison sont encore trop longs. En stock et livré seulement cinq jours plus tard, ce n'est plus possible. La tendance est on demand: on veut le produit tout de suite.“
De plus en plus mobile
“Les achats en ligne se font aussi de plus en plus via le smartphone. En 2017, la part des achats mobiles était de 6%, contre 4% en 2016. Cela ne semble pas beaucoup, mais c'est une croissance de 50% en un an. Les PC et les portables gardent la part du lion avec respectivement 30 et 54%.“
LES TENDANCES À LONG TERME
Le jardin reste la plus grande catégorie au sein du diy
Scheys: “Le jardin reste la plus grande catégorie sur base annuelle, 18% du chiffre l'année passée. Il y a là évidemment beaucoup de différence par mois. De mars à juillet, c'est en augmentation. En 2017, le mois de mai a été un mois top: 32% du chiffre. Le temps peut faire ou défaire les chiffres au cours de ces mois.“
La peinture recule
“A long terme, la peinture est devenue moins importante. En 2011, la peinture représentait environ 10% du chiffre dans un commerce de bricolage. On y réserve encore toujours beaucoup d'espace, mais le chiffre est entre-temps descendu à 7 à 8%. Cette une forte baisse quand on sait le chiffre que représente cette catégorie. Les peintures spéciales enregistrent encore de bons résultats, mais les peintures pour façades et les laques sont en baisse. Le terrain de jeu a aussi changé: les labels privés sont devenus plus importants. Les labels privés ne sont pas des produits blancs, ce sont devenus des marques à part entière avec du marketing derrière.“
EN SATURATION
“Pour certaines catégories, le recul est aussi dû au fait que le marché est en train de saturer petit à petit. Les produits de bricolage ne sont pas autant fast-moving que les smartphones, qui changent tous les deux ans. Prenez par exemple les multitools: ce segment a fortement augmenté il y a quelques années et depuis deux ans, il est aussi en forte baisse. L'année passée, le chiffre a même diminué de 20%. Les gens qui en avaient besoin, en ont entre-temps acquis.“
EVOLUTION DU MARCHE DE L'IMMOBILIER
“Le marché de l'immobilier change en Belgique. Il y a une tendance aux habitations plus compactes, cela a une influence sur des catégories comme le jardin. A long terme, il y aura là encore une croissance mais la situation changeante a un impact sur l'assortiment que le détaillant devra proposer. S'adapter ou mourir: vous devez évoluer ou tout simplement arrêter.“
Compact et facile
“Pour les outils de jardinage, les consommateurs sont à la recherche de solutions compactes qui sont faciles à utiliser. Dans un petit jardin, vous n'avez pas vraiment besoin d'une tondeuse très large, ni de taille-haie à longue lame. Dans ces outils de jardinage, on constate que 40% des tondeuses robots vendues sont liées au smartphone. La largeur de tonte est en diminution. 80% des tondeuses avec assise ont aussi une fonction mulching: c'est la facilité qui prime ici. La facilité, c'est bien le maître-mot, tant lors des achats que pour les produits que vous proposez.“
“Quatre annees a la suite que l'on vend moins par magasin“ - Kristof Scheys
L'ACCOMPAGNEMENT EN TANT QU'OPPORTUNITE
“Le shopping est devenu plus facile, mais les produits ne le sont pas encore toujours. On dit souvent que la connaissance du bricoleur recule et c'est possible, mais selon moi, c'est encore trop souvent vu comme une barrière et trop peu comme une opportunité. Je pense qu'il y a encore toujours la volonté de faire quelque chose. Avant, une personne qui venait acheter un produit, savait très bien ce qu'il devait en faire, aujourd'hui, il a besoin d'un plan bien détaillé. Le détaillant doit donc beaucoup plus jouer sur cela. Ici aussi, l'en ligne est une menace. Nous voyons cela par exemple dans la catégorie du smart home, qui arrive tout doucement dans le DIY. Les gens se tournent pour cela vers Internet, parce qu'il y a là souvent plus d'infos à trouver.“
LE BLURRING
Entre en ligne et hors ligne
“La ligne de démarcation entre en ligne et hors ligne devient de plus en plus vague: les achats via une colonne de commandes dans le magasin se déroulent d'un point de vue technique via le site web, mais le consommateur est bien physiquement dans le magasin. 2018 sera l'année du changement. Au niveau du produit, les changements sont forcés par le législateur - regardez ce qui se passe dans le domaine de l'éclairage ou celui de la protection des cultures - mais les fabricants aussi innovent. Je crains que cela va aussi devenir plus difficile pour les détaillants traditionnels: ils ont des mètres de rayons qui doivent être remplis et où une alternative doit trouver sa place. C'est plus facile pour l'e-commerce: les listes sur les sites web sont plus faciles à adapter. En 2018, certaines tendances seront mises en avant, c'est au détaillant de réagir.“
Entre DIY et pro
“Le consommateur pense de moins en moins en canaux séparés. Ce blurring apporte aux producteurs de nouveaux défis. La perception de la marque évolue différemment, qu'en est-il du service après vente? A cela s'ajoute aussi tout ce qui touche aux ristournes, et où le calcul des prix dans les magasins professionnels et de bricolage est très différent. Il n'y a pas de réponse claire à cela; et cela donne sans aucun doute beaucoup de soucis aux fabricants qui tentent d'éviter des conflits entre les canaux. Si chacun fait un peu de tout, il devient de plus en plus difficile de se distinguer de la concurrence. Et pourtant, vous devrez essayer: offrez le plus de convenience possible à vos clients.“