“LE TRAVAIL SPECIFIQUE QUE J'EFFECTUE, ME DISTINGUE DE LA CONCURRENCE”
JEAN-PAUL JORDENS EST PLATRIER ET RESSENT LA PRESSION DE LA CONCURRENCE ETRANGERE
Jean-Paul Jordens travaille dans sa petite entreprise 'De Stukadoor' située à Bourg-Léopold depuis 1993, mais il est plâtrier depuis plus longtemps que ça. C'est son père qui lui a appris la base du métier et qui a attisé sa passion pour les travaux de plâtrage. Le nombre de plâtriers de restauration peut se compter sur les doigts de deux mains en Belgique. Ce n'est donc pas le travail qui manque. Depuis quelques années, Jean-Paul Jordens ressent la pression de la main-d’œuvre étrangère, mais avec ses talents spécifiques, il n'a rien à craindre.
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PASSION FAMILIALE
Jean-Paul Jordens est plâtrier depuis des années. Il réalise des plâtres pour de nombreux projets, mais ne se contente pas de plâtrer des murs. Il maîtrise aussi les techniques de plâtre spéciales comme le staff, le stuc marbre ancestral, les décorations en stuc, la mise en forme et la construction en argile. En tant que plâtrier de restauration, Jean-Paul effectue tout le travail artisanal lui-même. C'est ce qui le distingue d'autres plâtriers: sa créativité avec le mortier d'enduit ou le plâtre. Au 18e siècle, les plâtriers ou les plâtriers décorateurs ont apporté une contribution importante à la décoration baroque dans les églises, les bâtiments monumentaux et les palais. Jean-Paul le fait encore de nos jours. “J'ai grandi au milieu du plâtre, mon père était lui-même plâtrier. Je suis soudeur/forgeron de formation, mais dans les années 80, le secteur métallurgique a connu une véritable crise, si bien que mon père m'en encouragé à marcher sur ses traces. A l'époque, il y avait beaucoup de travail pour les plâtriers. C'est ainsi que je suis arrivé dans cet univers en 1984. Mon père est parti beaucoup trop tôt, mais mon intérêt pour les travaux de plâtrage est resté. J'ai donc eu envie de devenir indépendant. En 1993, j'ai créé ma petite entreprise: De Stukadoor. Depuis le début, j'ai toujours effectué mon travail avec plaisir, surtout pour le défi de transformer un plafond décrépi en quelque chose de joli à nouveau. Les gens disent souvent que 'leur passion est devenue leur métier', mais chez moi, c'est l'inverse. Mon métier est devenu ma passion.”
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FORMATIONS LIMITEES
“C'est mon père qui m'a inculqué les bases du plâtrage. Mais après un certain temps, j'ai voulu suivre une vraie formation”, explique Jordens. Il s'est vite rendu compte que la Belgique ne proposait pas de formation valable en techniques de restauration de plâtre. “A l'époque, il y avait la formation Techniques de Restauration Européennes, où j'ai appris le staff, mais aujourd'hui, elle a disparu. Ma quête d'une bonne formation m'a mené en Allemagne.” C'est là que Jean-Paul a commencé sa formation à la Schloss Raesfeld Akademie des Handwerks. “C'est pendant cette formation que j'ai acquis la majeure partie de mes connaissances.”
Comme les personnes qui choisissent une formation de plâtrier à l'étranger, sont rares, ça a toujours été un choix délibéré pour Jean-Paul Jordens de travailler sans personnel dans sa petite entreprise.
“C'est très difficile de trouver dans ce secteur du personnel qualifié ayant bénéficié d'une bonne formation. Il y a bien quelques cours du soir, où l'on peut juste apprendre la base, mais malheureusement, on ne peut pas suivre de formations spécifiques pour le staff ou le moulage. En revanche, c'est possible aux Pays-Bas et en Allemagne. Il n'est donc pas étonnant que nous soyons rares ici en Belgique. Je pense que je suis le seul représentant du métier au Limbourg. Dans toute la Flandre, nous sommes seulement une dizaine. Les plâtriers ne courent donc pas les rues.”
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ZONE DE TRAVAIL BIEN DEFINIE
“Je suis surtout actif dans le Limbourg et je définis clairement mes limites. Toutefois, je peux faire une exception, lorsqu'il s'agit d'un projet très spécifique ou spécial”, explique-t-il. Sa mission la plus mémorable est celle du château d’Ordingen à Saint-Trond. “C'était une mission d'un an. Pendant un an, je n'ai rien fait d'autre que de restaurer le château et les ornements dans le bâtiment. Dans cette branche, il n'est pas rare de travailler sur un projet pendant plusieurs mois, voire plus. Actuellement, je suis sur une mission à Diepenbeek et je l'aurai terminée d'ici trois mois. Je sais d'expérience combien me prendra un travail, ce qui me permet de bien évaluer mes prix à l'avance afin que les clients sachent dans quoi ils se lancent. Je ne travaille pas à l'heure, mais au projet. Ce qui est bien avec mon métier, c'est que ce n'est pas un job de neuf à cinq. Je planifie mon travail et je peux reprendre du travail à la maison, puisque je possède chez moi un petit atelier pour préparer ou modeler les ornements. De plus, j'ai déjà fait un ornement, si bien que je peux me baser uniquement sur une photo.”
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CONCURRENCE ETRANGERE
“L'an dernier, on sentait vraiment que l'économie – surtout le secteur du bâtiment – avait été frappée par la crise. Maintenant que les entrepreneurs se portent mieux, on remarque également que la construction commence à mieux se porter et que les ouvriers qui assurent la finition et la décoration, en cueillent les fruits. Depuis cette année, c'est vraiment très perceptible.”
Jordens a constaté de nombreux changements et défis dans le secteur ces dernières années. Des choses qu'il ne rencontrait pas autrefois. “Par exemple, la concurrence étrangère. Difficile de lutter contre ça. Heureusement, je parviens à me distinguer grâce à ma connaissance de techniques spéciales comme la restauration des vieux plâtres. En général, les ouvriers issus des pays à bas salaires sont uniquement spécialisés dans le plâtrage général. Les architectes et les maîtres d'ouvrage sont donc limités. Par ailleurs, le fait de travailler avec de la main-d’œuvre étrangère présente l'inconvénient de la barrière de la langue. Dans ce secteur, la communication est très importante. Les problèmes de communication peuvent entraîner de nombreuses erreurs.”
De Stukadoor sait marquer les esprits grâce au travail caractéristique qu'il fournit. “Logiquement, la plupart des plâtriers vont juste plâtrer. Dès qu'ils arrivent dans un bâtiment classé où les ornements sont cassés et doivent être restaurés, ils décrochent rapidement, alors que moi, c'est ce genre de défi que je préfère. On me propose souvent des missions où je dois littéralement commencer à partir de rien. L'utilisation de mortiers historiques rend aussi mon travail passionnant. En soi, le travail n'est pas complexe. Je n'ai jamais été confronté à un plafond sur lequel je n'ai pas osé commencer à travailler.”
LE DEFI ET LA SATISFACTION D'UN PLAFOND FINI
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“Lorsque l'architecte ou le maître d'ouvrage est satisfait, cela procure énormément de satisfaction et de motivation pour entamer le projet suivant.” A mon avis, il y a une nette différence entre ces deux employeurs. “Les entrepreneurs principaux me voient 'juste' comme un plâtrier ou un ouvrier, alors qu'un maître d'ouvrage me considère comme un artiste. Le regard qu'ils portent sur nous, est totalement différent. Au final, je suis aussi un plâtrier classique, mais je propose quelque chose en plus.
Avec un entrepreneur principal, je dois juste réaliser les travaux. C'est pour ça que je préfère travailler pour des clients particuliers. Avec ces projets-là, je suis impliqué du début à la fin, tant au niveau du travail que des décisions et du conseil. Avec l'entrepreneur principal, les choses sont différentes, parce que quelqu'un d'autre doit me représenter auprès du maître d'ouvrage. L'inconvénient est que ce représentant ne peut pas conseiller au même niveau que moi, car je travaille avec des techniques spéciales.” Jean-Paul travaille principalement pour des entrepreneurs généraux, qui lui proposent des missions pour de gros projets. “Ma tâche chez l'entrepreneur principal se situe uniquement dans la réalisation. Le flux de travail est très simple: je reçois la mission, je fais une offre pour l'entrepreneur principal et lorsque l'aspect administratif est en ordre, je me mets au travail.”
L'AVENIR
Jordens n'est pas encore au bout de sa carrière et il continue de rêver à l'avenir. Par exemple, il voudrait un jour travailler sur un stand à un salon de la construction local.
“Non pas que j'aie besoin de travail, mais ce serait super de faire découvrir aux visiteurs le vieil artisanat lié au plâtre”, déclare-t-il avec enthousiasme. Mais étant donné le manque de formation, il aimerait surtout prodiguer lui-même des formations en techniques de restauration et de plâtrage.