“EN FAIT, JE DECONSEILLERAIS A MON FILS DE REPRENDRE L’AFFAIRE”
LE GERANT DE ‘DE DAKCENTRALE’ FUSTIGE LA POLITIQUE GOUVERNEMENTALE
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Les couvreurs exercent un métier pénible. C’est clairement enfoncer une porte ouverte. Les pouvoirs publics antagonistes, la concurrence déloyale, les vols,
les embouteillages et les zones basse émission font que le métier n’est plus du tout une plaisanterie. RoofTech s’est entretenu avec Johnny Jondral, le gérant de De Dakcentrale, actif depuis toujours dans et autour d’Anvers. Jondral ne tourne pas autour du pot et expose finement les points névralgiques du secteur.
Miser sur La renovation
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constructions et ne visons que le marché de la rénovation”
De Dakcentrale a été créée en 1980 et peut s’appuyer entre-temps sur 38 ans d’expérience. “Moi-même, j’y travaille depuis déjà vingt-cinq ans”, dixit le gérant Johnny Jondral. “Au cours
de ma carrière, le propriétaire précédent voulait arrêter en raison de son âge de départ à la retraite. Chaque salarié pouvait faire une offre. Apparemment, mon offre était la meilleure. Tout s’est enchaîné. Actuellement, six personnes travaillent pour De Dakcentrale, y compris moi. Nous ne nous occupons pas de la construction neuve mais visons uniquement le marché de la rénovation. Pour cela, nous remplaçons et plaçons des toits de toutes sortes de dimensions et de formes, avec toutes sortes de matériaux, des toits plats et inclinés aux travaux en PVC
et traversées de gouttière, en passant par les coupoles et fenêtres de toit.”
PAS D’INTERMEDIAIRES
Jondral travaille uniquement pour le secteur particulier et ne participe jamais aux missions publiques. “Nous travaillons aussi pour les entreprises mais uniquement en direct. Je ne veux pas être recommandé par des intermédiaires tels que les architectes. Ils compliquent tellement la discussion et parvenir à un accord sur le délai d’exécution et le prix est nettement plus difficile. En cas de problème, nous le
solutionnons aussitôt de façon bilatérale avec le client final, comme adultes. Chaque intermédiaire supplémentaire signifie des misères en plus. Nous refusons cela. C’est aussi l’une des raisons pour lesquelles nous ne traitons pas les projets de nouvelle construction. Une autre raison est que nous voyons volontiers notre travail comme un défi. On n’apprend rien des nouveaux bâtiments. Dans les rénovations, par contre, il faut parfois faire preuve de créativité pour résoudre un problème. Et c’est ce qui nous plaît. Une dernière raison qui justifie notre choix de la rénovation est la constatation que les maîtres d’ouvrage exigent la perfection absolue dans une nouvelle construction. Si une tuile se fragmente, on crie aussitôt au meurtre. C’est beaucoup moins fréquent dans les rénovations, Les clients connaissent bien la situation précédente. Et nous l’améliorons par définition. Ils sont donc heureux.”
“QUELLE MOBILITE?”
Sur le plan géographique, De Dakcentrale se limite à Anvers et à la région tout autour. “La ville est assez grande pour avoir un volume de travail suffisant”, confie Johnny Jondral. “De plus, la mobilité est à pleurer. De notre bureau au Sportpaleis, la distance est inférieure au kilomètre et parfois, cela nous prend une demi-heure. Le ring anversois est désespérant le matin et encore plus désespérant le soir. Et quand il pleut, les choses commencent vraiment à mal tourner. Personne n’avance. Si vous faites la file avec sept personnes, c’est pour nous un sérieux poste de frais. Chaque jour, je perds le salaire complet d’un salarié à temps plein à cause de ces files interminables. Anvers est engorgé. C’est une certitude. Notre terrain d’action est surtout Deurne, Wijnegem, Schoten et Merksem.”
“LE CAMION NE PEUT PLUS ENTRER DANS ANVERS”
Le fait que Jondral se limite aux communes périphériques découle aussi d’une autre cause. “Notre camion a 17 ans, un âge respectable admettons-le, mais n’a que 70.000 kilomètres au compteur, parce que nous sommes actifs uniquement sous notre propre clocher depuis
des années. En fait, il est à peine rodé, pourrait-on dire. Il peut basculer et comporte une grue, c’est en d’autres termes un investissement qui n’est pas consenti tous les cinq ans. Grâce à
la zone basse émission, il ne peut plus entrer à Anvers. Ce faisant, un grand marché devient pour nous inaccessible. On parle toujours des voitures diesel polluantes mais jusqu’à plus ample informé, il n’existe pas de fourgons ou
de camions à essence ou à l’électricité, hein?
De plus, de lourdes locomotives diesel traversent chaque jour la zone basse émission, mais ça, c’est permis. Du reste, il semble que la qualité de l’air a empiré après l’introduction de la zone. La raison est simple: on surélève partout les ponts pour que les navires plus lourds accèdent au port. Ces navires ne brûlent que du diesel et sont responsables de cette plus grande émission, mais nous devons en faire les frais. On en perdrait son courage. Bon, de fait, nous évitions déjà le centre d’Anvers auparavant. Les vols
y sont un énorme fléau. En fait, vous devriez laisser un salarié à côté de votre camion ou fourgon toute une journée pour qu’il ne soit dépouillé de tout. Nous l’avons subi à diverses reprises: toutes les machines étaient parties. Quelqu’un fait le guet et avertit les autres quand les objets sont laissés sans surveillance. Ils frappent à ce moment-là. Heureusement, nous en souffrons beaucoup moins dans la périphérie d’Anvers.”
“PAS D’EPDM, MAIS LE ROOFING”
De Dakcentrale couvre toutes sortes de toit mais pas avec toutes sortes de matériaux. “J’utilise uniquement des matériaux que je connais et dans lesquels j’ai une foi inébranlable”, prétend Johnny Jondral. “Je n’ai pas tellement confiance dans les nouveaux matériaux, comme l’EPDM. J’ai vu trop de mauvais travail et cela se produit encore chaque jour. Bon nombre de nouveaux fournisseurs crient haut et fort qu’ils ont trouvé le remède-miracle et accordent aisément cinquante ans de garantie, mais je n’ai pas confiance. Je crois que de tels matériaux ne dureront jamais cinquante ans. Si nous finalisons des toits plats avec De Dakcentrale, ceci est résolument avec le roofing classique. Ce matériau a déjà prouvé sa qualité et quasi chacun peut le travailler, même si quelque chose cloche.”
“TRAVAILLER ICI, C’EST PAYER L’ONSS ET DES IMPOTS”
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les subsides, mais nous ne l’avons pas”
S’il existe bien un problème qui affecte Jondral plus que tout autre, c’est la concurrence déloyale des travailleurs étrangers. “En fait, on ne peut pas du tout appeler cela une concurrence”, estime-t-il. “C’est une pure maffia. Quand vous arrivez sur un chantier, et qu’un grand nombre de fourgons sans publicité y sont garés, vous savez aussitôt ce qu’il en est. Ces hommes ne sont nullement en ordre et doivent donc supporter nettement moins de frais que nous. Ceci explique leur coût horaire aussi bas et ils causent la perte de bien des entreprises belges. Ici, nous devons payer des impôts et la sécurité sociale, tandis que ces travailleurs paient dans leur pays d’origine. Ceci ne peut quand même jamais être qualifié d’équitable? La solution est néanmoins simple: travailler ici, c’est payer ici. Cependant, les politiciens préfèrent se damer le pion mutuellement et s’invectiver devant les caméras avant de prendre plaisir à déguster ensemble une bière par la suite. Avant, chaque couvreur avait un numéro d’enregistrement. Une fois que vous aviez un tel numéro, vous étiez protégé et vous pouviez exercer ce métier. Un tel agrément devrait être réintroduit. Nos clients reçoivent des primes grâce aux travaux que nous exécutons. Il n’est donc pas illogique que celles-ci dépendent du fait que les travaux sont exécutés par une société qui sait ce qu’elle fait? Cependant, tout le monde peut exercer notre métier aujourd’hui. Et ce n’est pas une bonne chose. Tout le monde ne peut pas jouer à l’agent de police quand même?”
“INSECURITE JURIDIQUE”
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Johnny Jondral est âgé de 58 ans et songe peu à peu à sa pension. Cependant, la succession est déjà assurée. “Mon fils est prêt à reprendre l’entreprise. Je suppose qu’il voudra se développer mais c’est entièrement son affaire. Personnellement, j’ai un peu le moral dans les chaussettes parce que je vois bien la différence entre avant et maintenant. Cela ne s’est pas amélioré, que du contraire. Si je suis très honnête, je devrais absolument déconseiller à mon fils de reprendre cette affaire. En effet, la sécurité juridique est trop insuffisante, tant pour nous que pour nos clients. Quelles subsides et primes seront supprimés ou octroyés l’an prochain? Personne ne le sait. Notre carnet de commande est rempli six mois en avance. Cela signifie que nous devons avoir une certaine certitude en matière de subsides. Apparemment, c’est trop demander. A chaque fois que de nouveaux politiciens arrivent au pouvoir, il semble que l’on fasse toujours table rase de tout ce qui a précédé.”