VOICI COMMENT GARDER LE CLIENT DANS VOTRE MAGASIN
Utilisez le category management pour vous profiler
Le commerce de détail en bricolage n'a pas dû s'inquiéter longtemps. Nous avons connu une belle croissance stable, les clients revenaient toujours. Maintenant que de nouveaux acteurs sont en train de grignoter votre chiffre d'affaires, que le client devient plus critique et que les réductions dépassent les bornes, c'est le moment pour les détaillants et les fabricants de s'asseoir autour d'une table et de plancher sur un solide category management. Dobbit Professional a discuté avec Dimitri Vits (GfK), Evi Van Uffel (GfK), Jan Somers (CEO GS1 Belgium & Luxembourg) et Luc Desmedt (LD&Co) pour savoir comment garder le client dans votre magasin.
CROISSANCE DIFFICILE
De nouveaux acteurs viennent grignoter le marché du bricolage
Luc Desmedt (LD&Co): “Le monde n'est pas devenu plus facile pour les détaillants. La consolidation ambiante accentue la concurrence interne. Le rayon se compose de nombreuses catégories, si bien que le gâteau ne grossit plus. Ce qu'il faut, c'est se tailler la plus grosse part possible de ce gâteau. A côté de ça, nous sommes confrontés à de nouveaux acteurs en ligne: Amazon et Coolblue, mais aussi Lidl et Action, qui proposent tous des articles de bricolage. Tout cela rend la situation beaucoup plus difficile."
Dimitri Vits (GfK): “Les FMCG influencent beaucoup le DIY et inversement. Lidl propose plein de produits de bricolage. Et que voit-on en tête de banc dans certains magasins de bricolage? Du papier toilette et des savons. Je comprends. On va chercher du chiffre d'affaires là où il y en a, mais on ne regarde pas assez ce qui est possible au sein des assortiments."
Le client devient plus critique
Desmedt: “En outre, grâce à Internet, les clients sont mieux informés. Et cela les rend plus critiques. Il est donc beaucoup plus difficile de les atteindre et de les influencer. En amont de l'achat, il y a de nombreux points de contact et il est presque impossible d'être présent sur tous ces points. Mais, en ligne comme en magasin, le moment de l'achat reste le plus important. Il est donc encore plus important qu'autrefois d'y accorder de l'attention."
Trop peu d'évolution dans le diy
Vits: “Lorsqu'on examine les cinq dernières années dans le DIY belge, on observe une légère croissance. On dit souvent que les choses deviennent plus difficiles, mais nous avons toujours connu une belle croissance. Ce n'est pas le cas dans d'autres pays. Aux Pays-Bas, plus d'un milliard d'euros se sont évaporés.
Nous n'avons pas connu ça en Belgique. Les établissements ont continué à bien marcher. Nous avons ici de solides leaders, qui ont continué à faire avancer le bateau. Mais cela a également entraîné un autre problème: à l'heure actuelle, quand on entre dans un magasin de bricolage, on constate que peu de choses ont changé par rapport à il y a dix ans."
Trop peu de différence entre les assortiments
Vits: “Il y a aussi trop peu de différences entres les magasins de bricolage. Quand on examine leurs assortiments, ils sont les mêmes à 80%. Ils essaient bien de se démarquer ça et là, mais quand on demande à un détaillant en quoi il se distingue, il n'arrive généralement pas à donner une réponse claire. Tout est pareil. Comment cela se fait-il? Il y a toujours eu beaucoup de marge dans ce secteur. Il a connu une belle croissance, mais quand on traduit ça en chiffre d'affaires par magasin, on constate qu'un problème est en train d'arriver. Cette croissance en valeur est essentiellement due à une expansion, pas à une vente supplémentaire dans les points de vente."
Le problème des réductions
Evi Van Uffel (GfK): “Comme le disait Luc, le comportement du client a changé. Mais le DIY n'a pas suivi cette évolution."
Vits: “D'ailleurs, ce n'était pas nécessaire: il y avait suffisamment de croissance. Les problèmes de croissance actuels sont en partie dus à des facteurs externes
des clients plus difficiles, de nouveaux acteurs
mais ils ont aussi une grosse cause interne: les réductions. Les actions spécifiques pour une certaine catégories sont noyées par le célèbre -20% sur tout. Le seul argument de vente unique que possède un détaillant en bricolage aujourd'hui, n'est plus son assortiment, mais le jour où il accorde -20%. C'est le jour où le consommateur va alors faire ses achats. Ce système est un peu éculé, car tout le monde l'applique. Il ne comporte aucune croissance et les clients se sentent un peu trompés. Lorsqu'ils doivent payer le prix plein, ils ont l'impression de payer trop. Il est presque impossible d'acheter de la peinture au prix plein. Il faut vraiment y consacrer beaucoup d'efforts. C'est un problème et tout le monde le sait. Mais lorsqu'on système tourne bien pendant vingt ans, il est très difficile de le changer."
Le diy n'est pas assez orienté clients
Vits: “La seule chose qui ait changé, comparé à il y a dix ans, c'est que le client a dix fois plus de mal. Le moment d'achat est devenu plus difficile à cause des réductions. Mais ce n'est pas tout. Quand on regarde la peinture, on voit des labels privés qui sont plus chers que des marques. C'est déconcertant. Il y a des marques professionnelles qui sont reprises dans l'assortiment du magasin de bricolage et qui, pour certains produits, sont moins chers que la marque du distributeur. Quel message cela envoie-t-il au consommateur? Il n'y a rien de mal avec les marques professionnelles dans le DIY. Les branches s'estompent. On ne peut pas empêcher ça. Je trouve même que c'est une bonne chose. Mais la manière à laquelle on le fait, est cruciale."
LE CATEGORY MANAGEMENT COMME SOLUTION
Desmedt: “Le consommateur est donc de plus en plus déconcerté dans le magasin, alors qu'il a plus de choix que jamais. Le category management peut l'aider à s'y retrouver. Il existe depuis trente ans, mais il est plus actuel que jamais.
Il ne s'agit pas vraiment d'un processus, plutôt d'une philosophie. Il faut réfléchir à la manière d'optimiser la situation par catégorie en ayant une vision globale. C'est essentiel. On examine les objectifs de croissance pour le détaillant et on voit comment on va concrétiser ça pour les différentes catégories au niveau de l'assortiment, de la présentation, de la fixation de prix, des promotions et de la présentation."
Réunir fabricants et détaillants
Desmedt: “Pour faire ça de manière optimale, il faut de l'expertise. Il y a beaucoup d'expertise parmi les détaillants. Plus qu'autrefois, car ils ont maintenant des départements spécifiques qui s'occupent de ça. Mais ils ne peuvent pas faire ça seuls, il y a aussi énormément d'expertise parmi les fabricants. Le tout est donc de réunir ces expertises afin de déterminer une stratégie par catégorie. Cela signifie que les fabricants ne doivent pas seulement réfléchir au niveau de la marque, mais au niveau de la catégorie. S'ils vont chez un détaillant, ils doivent examiner l'ensemble de la catégorie et voir comment leur histoire s'inscrit dedans. Alors, le détaillant peut à son tour commencer à réfléchir. Quel est l'assortiment optimal? Comment dois-je le présenter, tant en rayon qu'en dehors du rayon, si besoin est? Quelle fixation de prix dois-je pratiquer? A quelle fréquence dois-je faire des promotions? Doit-il s'agir de promotions pures ou peut-il s'agir de promotions à valeur ajoutée?"
Adapter l'offre au client
Jan Somers (GS1 Belgique & Luxembourg): “Dans le food retail, cela fait vingt ans que nous proposons des formations en category management. Elles s'adressent à ceux qui souhaitent adapter leur offre à leur client. Je suis ravi que nous puissions aussi améliorer le niveau des gens dans le non-food en réunissant les gens qui sont assis autour de cette table. Cela permet d'aller trouver le client avec un concept, mais aussi avec les chiffres qui peuvent étayer notre concept et notre offre. Nous voulons apprendre aux gens du non-food à travailler avec les chiffres de GfK pour faire quelque chose pour leurs clients." Van Uffel: “Cela vaut aussi bien pour les fabricants que pour les détaillants. Ils ont déjà les chiffres, mais ils les examinent de loin, comme un aperçu de l'état du marché qu'ils regardent quelques instants sans vraiment penser à y réagir. Le fabricant peut alors se demander: 'comment puis-je améliorer ma propre position et comment puis-je aider le détaillant à améliorer la sienne?'. C'est comme ça qu'on créera une vraie situation gagnant-gagnant, le consommateur étant celui qui y gagnera le plus."
Encore trop peu de dialogue
Desmedt: “Actuellement, les détaillants n'ont pas l'impression que les fabricants viennent vers eux pour entamer le dialogue. On pense trop au selling in et pas assez au selling out. Les fournisseurs veulent arriver à vendre leurs produits aux détaillants et ils ne se préoccupent pas assez de la revente. Lorsque nous effectuons un sondage parmi les détaillants, nous entendons qu'ils sont disposés à partager des données, mais que les fournisseurs le leur demandent rarement. Tout détaillant qui se respecte, possède aujourd'hui un département category management. Il y a quelques années, ce n'était pas le cas. Mais ils n'ont pas la sagesse infuse. En tant que fournisseur, le défi consiste donc à ne pas uniquement avoir sa valeur ajoutée dans les produits et les conditions, mais aussi dans sa manière de réfléchir avec le détaillant. Nous avons déjà vu ça dans le food retail. Rendez la situation optimale au moment de l'achat. C'est pourquoi un fournisseur a intérêt à avoir tous les outils en main dans cette histoire et à arriver ainsi à un langage commun. Le grand gagnant sera le fournisseur qui connaîtra le mieux l'acheteur et les intérêts du détaillant."
COMMENT FAIRE?
Vits: “Je vais encore donner un exemple concret tiré de la catégorie peinture. Faut-il une présentation par couleur ou par marque? Certains font comme ci, d'autres font comme ça. Mais il n'a jamais été établi avec des chiffres quelle est la vente supplémentaire, lorsqu'on procède d'une manière ou d'une autre. Au lieu de regarder le consommateur, nous réfléchissons encore trop souvent par produit ou par marque, mais il n'y a aucune stratégie là-derrière. En outre, il y a souvent un sérieux désaccord entre la stratégie du fournisseur et celle du détaillant. Ce n'est pas le choix du consommateur."
Rendez les choses agréables
Vits: “Autrefois, lorsqu'un client avait besoin de peinture, il allait en acheter. Ce n'est plus comme ça que ça fonctionne aujourd'hui. Le client peut vite vérifier si la peinture du détaillant situé cent mètres plus loin ou en ligne est moins chère. Ce qu'on ne fait pas assez, c'est attirer ce consommateur dans le magasin et lui procurer une sensation agréable. Pour ce faire, les détaillants et les fabricants doivent collaborer. P.ex., la peinture de rafraîchissement connaît une forte croissance, mais on voit plusieurs marques avec le même concept côte à côte, avec le même prix. Cela n'a aucune valeur ajoutée. Cela ne fait que créer une incertitude pour le client. On peut dire: cette marque reçoit ce concept, cette marque en reçoit un autre et entre les deux, j'essaie au moins de créer une différence de qualité. Maintenant, cette clarté fait défaut."
Accordez des réductions ciblées
Van Uffel: “Un autre exemple avec la peinture est l'élasticité du prix. On n'a encore jamais examiné si les consommateurs sont élastiques au prix pour la peinture. Peut-être les avons-nous tout simplement rendus accros aux réductions. Ils bénéficient de 20% de réduction, mais est-ce qu'ils peindront moins si on ne leur accorde pas de réduction?"
Optimisez votre assortiment
Somers: “Pour le category management, la grosse question est: de quoi dois-je tenir compte en tant qu'acheteur et comment dois-je poser mes questions? Cela ne doit pas seulement concerner le prix et la marge, mais le tableau plus global. Comment le fournisseur voit-il le développement de la catégorie? Si le détaillant veut faire grandir la catégorie, qu'est-ce que le fournisseur peut lui offrir?"
Desmedt: “Dans le food retail, cela fait longtemps qu'on fait de l'optimisation d'assortiment. Combien de références sont suivies par un détaillant dans une certaine catégorie? Dans quelle mesure cela reflète-t-il les évolutions dans la catégorie et correspond-il à la stratégie du détaillant? Ensuite, on examine quelle est la part du détaillant dans la catégorie. Nous avons constaté qu'un détaillant avait de loin le plus de références dans une catégorie, mais que cela ne se traduisait pas dans la part de cette catégorie, même si l'assortiment était beaucoup plus large. Il y avait trop de doublons. Lorsque nous avons examiné de plus près les sous-segments, certains étaient en train de reculer, plusieurs étaient stables et un affichait une croissance. Il avait proportionnellement trop peu dans cet assortiment en croissance. Grâce à cet exercice, on arrive à des résultats exceptionnels."
Il n'y a pas de règle d'or
Van Uffel: “C'est toujours un exercice individuel entre les détaillants et les fabricants. Nous donnons les principes, mais ils doivent faire les choses eux-mêmes. Il n'y a pas de réponse toute prête, parce que les habitudes d'achat changent énormément au fil du temps. Il faut évoluer aussi. Cela peut être une bonne chose qu'un segment en expansion réponde à une certaine catégorie en vogue, mais qui dit que ce sera encore le cas dans deux ans? Et puis, il y a aussi les différences régionales. Il faut surtout connaître 'votre' consommateur."
Histoire globale
Vits: “Les powertools aussi constituent un bon exemple. Ils peuvent être comparés très facilement en ligne et ils peuvent aussi être expédiés facilement. Il y a beaucoup de choses à faire à ce niveau-là. Quelles marques faut-il proposer, de quelle fixation de prix a-t-on besoin? Faut-il positionner les marques professionnelles dans le DIY? Comment? Maintenant, il y a aussi -20% dessus, si bien qu'elles ont plus de mal dans d'autres canaux. C'est une histoire globale dans laquelle il faut se demander: si nous voulons proposer ça dans le DIY, comment le positionner? Pourquoi faisons-nous ça et quelle valeur ajoutée cela a-t-il par rapport à l'assortiment actuel?"
Réfléchissez aux services (en ligne) supplémentaires
Somers: “Le category management peut aussi aider à faire face à la concurrence sur Internet. Les fournisseurs en ligne sont en train de rattraper leur retard en matière de DIY, cela pourrait aller très vite. Réfléchissez à la manière d'être plus malins qu'eux. Il s'agit surtout des catégories de produits qui peuvent facilement être expédiées. Elles sont commandées en ligne, mais peut-être examinées hors ligne. Le mieux est de combiner les deux. Il y a vingt ans, lorsque j'allais acheter des plaques de plâtre, je devais les transporter dans mon coffre ouvert, ce qui était dangereux. Aujourd'hui, je les fais livrer, mais j'ai peut-être été voir en magasin le type dont j'avais besoin. Une baignoire: je la commande en ligne et deux hommes viennent me la livrer et la montent directement au deuxième étage. Le succès d'Internet dans le DIY se situe surtout dans les grosses marchandises."
Fusion en ligne et hors ligne
Vits: “Les plaques de plâtre sont un bon exemple. Il est difficile pour un détaillant de les exposer joliment. On n'arrive pas à faire passer les palettes dans les allées, les clients les prennent, les font tomber, … Si le détaillant peut les proposer en ligne et les livrer à domicile, mais montrer en magasin un bon exemple avec du matériel didactique, cela devient un produit avantageux à vendre. Les magasins ressemblent encore trop à des entrepôts. L'isolation: voilà un produit terrible pour le détaillant. Il faut montrer cinquante produits et il faut avoir un stock énorme. On peut résoudre ce problème avec la vente en ligne."
Ne vous focalisez pas sur le prix
Vits: “Se focaliser sur le prix, cela ne crée aucune croissance. Souvent, on ne voit pas plus loin que le bout de son nez. On peut acheter de la peinture qui est moins chère que de l'eau. Elle se vend bien, mais est-ce vraiment ce que le consommateur souhaite? C'est un cliché, mais il faut commencer par le consommateur. Est-ce une valeur ajoutée de proposer ce genre de produit? Cela crée un nivellement par le bas. Et ça s'arrête un jour. On achète déjà de la peinture à l'étranger. Aux Pays-Bas, la peinture est 30% moins chère. Si ça commence à se répandre en ligne, on va se retrouver avec un problème de prix ici. Faut-il éroder l'ensemble du marché en Belgique? On peut aussi décider de ne pas s'orienter vers ce segment. C'est à voir. Le fond du panier est surpeuplé. Il faut regarder vers le haut et ce n'est possible qu'en créant de la diversification. Il faut que le détaillant et le fabricant s'asseyent autour d'une table, et il faut faire du category management.