L'industrie des boissons rafraîchissantes est prête à relever les défis de demain
Philip Buisseret, secrétaire général de l'association sectorielle de l'industrie belge des eaux et des boissons rafraîchissantes FIEB ASBL - VIWF VZW, partage son point de vue sur les défis actuels de l'industrie des boissons. De l'évolution des habitudes de consommation à l'emballage durable, il aborde tous les sujets. En collaboration avec le secteur de la vente au détail, l'industrie des boissons non alcoolisées travaille déjà à l'élaboration d'options plus saines et d'un avenir plus durable.
Les préférences des consommateurs
Quel est le contexte général actuel dans le secteur?
"Le contexte actuel est le résultat de plusieurs crises successives. Après la pandémie liée au coronavirus, nous avons dû faire face à la crise de l’énergie, la guerre en Ukraine, des pénuries de matières premières, l’inflation et aujourd’hui se rajoute encore le conflit au Moyen-Orient.
Pendant la crise sanitaire et après, l’horeca a souffert des fermetures bien entendu et aujourd’hui à peine nous semblons revenir à des niveaux de prépandémie"
Au niveau du consommateur, avez-vous constaté un changement des habitudes?
"Force est de constater que le consommateur est devenu plus prudent. Il y a également le phénomène des achats transfrontaliers, surtout pour les eaux, mais également pour les boissons rafraîchissantes sucrées.
Mais en fait, les résultats les plus récents ne sont pas mauvais. L’été a été plutôt favorable aux ventes selon les derniers chiffres dont nous disposons. Pour les sodas nous constatons une augmentation de 5%, pour les eaux +1%. Cependant les jus de fruits et nectars régressent."
Pourquoi ce segment ne suit pas la même tendance que les autres?
"En fait, les jus de fruits souffrent sans doute d’une image erronée auprès du consommateur pour qui une confusion règne concernant les sucres ajoutés. Or les règles sont assez claires à ce sujet et aucun sucre ne peut être ajouté dans les jus 100% fruits. Les jus contiennent bien entendu du sucre naturellement et les consommer se fait avec modération.
Récemment, l’Union Européenne a adapté les règles et un producteur peut dorénavant retirer du sucre d’un jus, par le biais de différentes méthodes au choix (filtration, fermentation …). Le challenge est de garder les bons éléments et nutriments des boissons bien entendu. Mais cette nouvelle approche innovante permettra de redorer l’image des jus de fruits."
"Le Belge recherche des boissons saines et de nouveaux goûts. Il y a une montée des nouveautés comme des botanicals ou encore des boissons avec un plus ajouté."
Annuellement, une étude est faite par IVOX auprès des consommateurs. Quels sont les résultats qui en ressortent?
"Tout d’abord, le goût sucré reste en tête. Mais d’autres goûts gagnent du terrain comme les goûts plus amers ou acidulés. Et on observe aussi une montée des goûts plus complexes ou composés. Le Belge en général aime de tester des nouveautés en matière de goût.
Au niveau de la santé, nous observons que le consommateur est plus soucieux depuis la pandémie. Il recherche des produits et des boissons plus sains
Le belge recherche des boissons saines et de nouveaux goûts. Il y a une montée des nouveautés comme des botanicals ou encore des boissons avec un plus ajouté. Un autre exemple vient des eaux aromatisées qui sont appréciées vu leur faible teneur en calories."
Le consommateur prête-t-il une grande attention à l’origine des produits?
"L’origine des ingrédients ou des arômes utilisés ne sont pas spécialement dans ses priorités. Cependant, ce que l’on constate, c’est que le consommateur recherche surtout de l’authenticité. Et un produit local est en effet important au niveau du consommateur, surtout s’il est authentique. Pour un jus de pommes belge par exemple, il est important que les pommes soient en effet issues d’une agriculture locale belge."
Par rapport au prix, le consommateur est-il attentif?
"Très clairement oui. C’est d’ailleurs important pour le secteur d’y prêter attention. Malheureusement, nous devons constater qu’il y a une taxe sur le sucre, la taxe sur les emballages et viendra une taxe pour l’enlèvement des ordures sauvages etc. Au bout du compte lorsque l’on fait l’addition, cela devient une vraie lasagne de taxes et c’est le consommateur qui paie finalement. Ce n’est pas évident et les autorités n’aident pas en rationalisant leur approche fiscale."
Emballage
Du point de vue des emballages, où se trouve la filière?
"En général nous sommes neutres du point de vue des matériaux. La filière fournit à ses clients ce que ceux-ci demandent que ce soit par exemple du PET one-way, des emballages à recycler ou encore à réutiliser.
Les emballages restent un challenge. La nouvelle règlementation européenne rentre en vigueur et nous nous attendons à ce que certains éléments requis seront plus stricts.
Afin de diminuer l’impact des déchets, la filière travaille avec le Retail, avec Fost Plus, et rappelons-nous que le système des sacs bleus reste très efficace.
Mais notre souci primordial se présente dans la consommation on-the-go. Souvent dans ce canal, la bouteille ou canette atterri dans une poubelle générique et non dans le système de recyclage."
La consigne serait-elle un moyen de lutter encore plus contre ces effets?
"Les producteurs ne sont pas contre le fait de donner une valeur à l’emballage afin de le récupérer, le recycler et en faire de nouveaux emballages. Cependant, il existe différents systèmes ou moyens, et la difficulté est de choisir la méthode la plus adéquate."
Le gouvernement devrait-il repenser son système de taxation?
"Il est certain que le système manque de diversification et de stimulant. Il n’est pas tenu compte pour l’instant de la diversité des packaging utilisés, ou encore par exemple de gradation dans la taxe sucrée qui pourrait inciter un fabricant à travailler sur le taux de sucre, et rendre le produit moins sucré moins cher pour le consommateur. En clair, nous pointons du doigt le gouvernement qui sur ce dossier semble travailler sur un revenu plutôt que sur une politique. Nous avons d’ailleurs mis un mémorandum au point à ce sujet."
Collaboration avec les distributeurs
Qu’en est-il des relations du secteur avec les distributeurs?
"Nous devons collaborer avec le retail sur plusieurs points. Tout d’abord, nous devons travailler ensemble afin de garder la consommation en Belgique au lieu de voir les fuites des achats transfrontaliers.
Également, nous travaillons ensemble sur l’optimisation des packagings et leur collection après consommation, afin d’atteindre les objectifs durables.
Enfin, nous devons travailler ensemble sur le volet santé. Il y a le projet Nutripact qui a pour mission de promouvoir une alimentation qui contient plus de fibres, moins de sucres, moins de graisses. Ensemble avec la fédération Comeos, nous travaillons à guider le consommateur vers une alimentation plus saine.
A notre niveau, nous travaillons déjà beaucoup sur la réduction du taux de sucre dans les boissons. Depuis 2000 nous y travaillons et l’offre de boissons sucrées aura diminué de 40% d’ici 2025."
Comment voyez-vous évoluer le marché à court terme?
"Il y a plusieurs défis à relever. Par exemple, le nombre de points de vente augmente et les boissons se retrouvent dans de nouveaux canaux. Par exemple, aujourd’hui, vous trouvez des boissons en vente dans le domaine du DIY, etc. Cela nous amène à continuer de contrôler les déchets et voir ou les emballages de ces canaux atterrissent.
Ensuite, toujours au niveau des emballages, la filière continue de tester et de réfléchir à de nouveaux formats, entre autres les fontaines, les bag-in-boxes… Nous ne sommes qu’au début de l’application mais nous nous attendons à voir un impact sérieux et plus strict par le biais de la législation européenne sur les déchets (PPWR).
Enfin, notre préoccupation principale se situe au niveau des prix. Les producteurs veulent rester compétitif. Si les règles et taxes étaient les mêmes partout en Europe, nous n’aurions aucune objection. Dans la situation actuelle, si la Belgique implémente un système de consigne, cela rendrait les achats transfrontaliers plus intéressants.
Dans l’ensemble, notre filière et les producteurs sont prêts à relever les défis de demain en prêts à prendre nos responsabilités sur des volets tels que la durabilité ou encore la santé."
Mémorandum
Pour la FIEB-VIWF les nombreux défis auxquels la filière a été confrontée, et les taxes excessives, constituent un « goulot d'étranglement » pour le financement des innovations nécessaires. La Fédération publie un mémorandum sous la forme de « Message in a Bottle », un pamphlet qui préconise une approche globale (secteur, autorités, consommateurs) afin de déboucher sur des boissons plus saines, plus durables et plus abordables.
Plus d’infos via: https://www.fieb-viwf.be