"En Allemagne, ils trouvent notre architecture très exotique"
Bovenbouw architectuur
Dans une vie antérieure, nous connaissons l'architecte Dirk Somers comme l'un des influenceurs de l'agence de design Huiswerk. Aujourd'hui, le bureau d'architecture Bovenbouw est son oeuvre originale et il est plus combatif que jamais dans ses efforts pour échapper à l'architecture sérielle exsangue.
le Punctum
Au fil des années, Dirk Somers sait qu'aujourd'hui il est devenu beaucoup plus efficace, mais pas forcément "meilleur" qu'avant. Les concepts de l'époque de Huiswerk sont tout aussi désinhibés que ceux d'aujourd'hui. Toujours avec ce petit quelque chose qui rend chaque projet spécial et chaleureux. Une touche difficile à décrire. Parfois, nous pensons involontairement à un concept comme le punctum du penseur français Roland Barthes, défini comme quelque chose qui dépasse le rationnel. La couleur et la forme soulignent cet aspect. Nous nous souvenons surtout de Somers dans la catégorie des architectes qui sont réfléchis et exhaustifs dans chaque projet. L'architecte esquisse un sourire lorsque nous lui disons que ses projets sont restés un peu plus longtemps sur la planche à dessin, bien qu'il sache exactement ce que nous voulons dire par là.
"En raison de la procédure allemande, on est presque obligé de concevoir des projets de manière sèche et professionnelle, ce qui engendre des bâtiments ennuyeux
Wieërs et wivina
Somers a débuté à une période charnière. "C'est vrai, j'ai obtenu mon diplôme en 1998. Il y a une grande différence entre l'architecture en Flandre à l'époque et celle d'aujourd'hui. J'ai commencé chez Huiswerk au début des années 2000 et j'ai été le premier collaborateur de l'actuel Bouwmeester flamand Erik Wieërs. Nous nous sommes séparés pacifiquement en 2011. Néanmoins, nous avons travaillé ensemble de manière très agréable et nous avons beaucoup ri également."
Avec Huiswerk, Somers était également en contact avec Wivina Demeester et a construit, entre autres, sa création Monnikenheide, un projet pour les personnes handicapées mentales. Dirk Somers: "Wivina a donné un sérieux coup de pouce à notre agence. L'intérêt qu'elle portait aux jeunes bureaux d'architecture n'était pas anodin."
Pendant plus de 40 ans, Wivina Demeester-De Meyer a été la force directrice et motrice de Monnikenheide. Le 1er janvier 2015, Monnikenheide a rejoint le groupe Emmaüs, en partie sous son impulsion. Dirk Somers: "Quelqu'un que je respecte. Elle a notamment été l'initiatrice de Vlaams Bouwmeester et a installé bOb Van Reeth en tant que premier Vlaams Bouwmeester. Le programme artistique de VIPA a été créé sous son autorité. À l'époque, on nous a demandé de concevoir un projet pour Monnikenheide. Nous étions encore jeunes, je venais d'obtenir mon diplôme. bOb Van Reeth y avait déjà construit un pavillon. Aujourd'hui, Monnikenheide est depuis plus de 45 ans un pionnier en matière de soins, d'habitat, de création d'un foyer pour tous les résidents. Wivina voulait créer un nid chaleureux dans l'architecture des soins avec de jeunes et bons architectes qui comprenaient cela, comme Jo Peeters, Johan De Coster, 51N4E, UR architects et donc aussi Huiswerk."
Phrases creuses
Dirk Somers travaille avec Bovenbouw depuis Anvers, la ville où l'architecte Daniel Libeskind a été recruté pour les Boerentoren. "Je n'ai pas encore entendu grand-chose de positif à ce sujet", déclare-t-il. Somers pèse ses mots et estime que si le célèbre architecte vedette sait bien vendre le projet, son discours est une façon de le contourner quelque peu. "Tout au long du débat, j'entends un peu trop de phrases creuses telles que "un monument devrait pouvoir avoir une seconde vie" ... Ce sont des affirmations que tout le monde soutient. Et si l'on regarde ensuite comment il l'interprète, on fronce quand même les sourcils et on se dit: pas comme ça. À l'époque, je trouvais la rénovation de la Havenhuis par Zaha Hadid plus défendable, même si ce n'est pas mon dada."
MARX ET ENGELS
Dirk Somers, lorsqu'on lui demande pourquoi son bureau s'appelle Bovenbouw, déclare: "Huiswerk était un jeu de mots. Bovenbouw l'est aussi. C'est un mot qui est à la fois très banal et qui présente en même temps une certaine stratification. Songez au concept général de superstructure chez Marx et Engels. La superstructure indique que l'architecture est à la fois complexe et très pragmatique."
S'est-il demandé, au moment de la séparation en 2011, quelle direction emprunter avec son bureau? Somers réfléchit et confie, après un silence, qu'il estime que c'est une question difficile. "Parce que je dois donner une réponse simple à une question complexe. Bovenbouw n'était pas un changement radical, mais une continuation honnête des projets architecturaux sur lesquels je travaillais."
Couleur et contexte
Un projet superbement conçu, comme une maison de week-end à Bazel, près de Kruibeke, où une palette de couleurs fraîches joue un rôle, attire l'attention dans le portefeuille de Dirk Somers. Il y a là une exubérance de couleurs que l'on rencontre rarement – à quelques exceptions près – en pleine gloire dans le domaine de l'architecture. La couleur revient également dans la rénovation d'une maison mitoyenne dont l'agencement a été entièrement repensé et dont une ferme d'un jaune vangoghien "arqué" donne le ton. Et la couleur était également très présente pour le projet du concours Sint-Hubertus à Berchem. Pourtant, la couleur est peu utilisée dans le domaine de l'architecture.
"Je pense que les architectes se facilitent parfois la tâche en supprimant la couleur"
Dirk Somers: "Je comprends tout à fait cela. C'est aussi incroyablement difficile, cela me stresse toujours. Pour cela, nous disposons ici d'une énorme étagère remplie de pots avec lesquels nous pouvons faire des expériences. Nous préférons fixer nous-mêmes les échantillons de couleur sur chantier, car nous pouvons alors faire autant d'itérations que nous le souhaitons. La couleur réagit à l'environnement. Les combinaisons de couleurs complexes ne peuvent être évaluées que sur place. Je pense que les architectes se facilitent parfois la tâche en renonçant à la couleur. Bien sûr, il y a des exceptions historiques bien connues comme Bruno Taut et Le Corbusier. De nos jours, on entend souvent dire que le gris et le blanc ne peuvent pas faire grand-chose de mal. Mais c'est précisément grâce à la couleur que l'on peut considérablement intensifier la valeur d'agrément et la richesse d'un bâtiment, sans avoir à dépenser beaucoup d'argent."
Le contexte est également très souvent évoqué. Dirk Somers: "Il est toujours passionnant de faire ressortir les spécificités d'une situation. Avec l'aplatissement de notre environnement de vie, beaucoup de choses perdent leur individualité. Dans le contexte très fort de l'église Sint-Hubertus datant du 19e siècle, nous ne voulions pas affaiblir le caractère unique de l'endroit, mais au contraire le renforcer." Le bleu de l'église Sint-Hubertus est très tectonique, mais il fait également référence à la fonction d'origine du bâtiment néogothique du 19e siècle grâce à la forte teneur en bleu Ave-Maria.
connexion allemande
Le gratte-ciel Fibonacci à Anvers était initialement un projet commun avec le cabinet munichois Hild und K Architekten. Le design semble très épuré et fonctionnel. Y a-t-il un lien avec l'Allemagne? Dirk Somers: "En collaboration avec Hild und K, nous avons conçu l'une des huit tours monumentales du plan directeur de Secchi-Viganò pour l'extension urbaine du quartier Nieuw Zuid à Anvers."
Hild und K Architekten a osé aller jusqu'au bout avec un design plutôt rigide et massif. Dirk Somers: "Je suis souvent en Allemagne, où l'on trouve mon architecture très exotique parce que notre travail est très coloré et très diversifié, et qu'il fait preuve d'une certaine espièglerie mentale. Notre traitement de l'histoire et de l'architecture urbaine – des thèmes qu'ils considèrent également comme importants – leur paraît très reconnaissable, mais en aucun cas ludique et excitant."
L'architecture de Hild und K Architekten est massive et austère, bien qu'elle ose utiliser des ornements et des couleurs. On y déniche certainement un sérieux pragmatisme. Elle évoque des souvenirs d'architecture néoclassique solide ... Dirk Somers: "Je peux l'apprécier, même si j'aime me demander comment rendre les thèmes architecturaux traditionnels plus légers et culturellement plus contemporains et digestes. Des questions qui, à mon avis, sont un peu trop rares en Allemagne. J'ai un jour participé à un concours pour une école allemande à Bruxelles. On remarque dans la procédure allemande que l'on est presque obligé de concevoir de manière sèche et commerciale, parce qu'on doit soumettre un dossier technique très élaboré pour très peu d'argent. En Allemagne, par exemple, les concours prévoient déjà des sections transversales techniques au 1/50. Cela vous oblige à concevoir des bâtiments ennuyeux. Chez nous, vous disposez d'un peu plus de ressources et il s'agit principalement d'une vision et tout n'a pas besoin d'être aussi élaboré: vous pouvez donc vous concentrer davantage sur l'histoire et les associations afférentes. Si vous remportez une procédure de sélection allemande, vous obtenez soudain trop d'argent pour construire ce projet de concours aride. Lorsque j'ai compris cela, j'ai abandonné le projet scolaire."
Le présent et le passé
Bovenbouw a échoué à la deuxième place avec Fibonacci. Dirk Somers: "Je ne m'appuie pas sur des séries de nombres; j'utilise des systèmes de rapports de manière très approximative, sans le fanatisme du nombre. Je ne crois pas que les nombres soient une sorte d'aura d'une vérité supérieure."
La bibliothèque Somers contient peut-être "Les fondements de l'architecture à l'âge de l'humanisme", mais il préfère les idées empiriques comme celles de Giò Ponti ou d'Adolf Loos. Dirk Somers: "À l'époque, j'ai encore eu la chance de bénéficier d'un échange pour travailler chez Giorgio Grassi à Milan. Grassi attachait une grande importance à la continuité entre le passé et le présent dans l'architecture, en reprenant des types et des formes du passé et en parvenant à les actualiser sans nostalgie. Il a établi la relation entre le design contemporain et les typologies historiques. Christian Kieckens combinait également le passé et le présent dans un mélange particulier de baroque et de minimalisme. Het Zuiderterras de bOb Van Reeth renvoie à l'œuvre de Josef Hoffmann."
"Milan est naturellement une ville fantastique qui compte de nombreux architectes célèbres tels que Ponti, Asnago & Vender, Caccia Dominioni, Gardella ... Des architectes qui souhaitent combler le fossé entre l'histoire et la modernité. J'approfondis ce sujet dans mes cours à l'UGent et à Delft."
QUELQUES PROJETS
projet résidentiel Sint-Benedictus, Mortsel
Dirk Somers: "C'est notre deuxième projet que nous construisons en bois. Il s'agit peut-être de l'un des plus grands bâtiments en bois pour un projet résidentiel en Belgique. Il s'agit d'un grand projet de développement de 68 logements. Des appartements et des maisons mitoyennes. Lors de la phase de concours, il y avait un dilemme entre conserver les hangars existants et les transformer, ou les démolir et construire des logements plus beaux et mieux orientés. Nous avons compensé le choix final de la démolition par des bâtiments en bois à faible émission de carbone. Malgré la construction en bois, la bataille budgétaire reste d'actualité. Nous travaillons ici avec Bart Dehaene de Gand et Philip Aguirre en tant qu'artiste. Ciril est le maître d'ouvrage."
Campus de soins Sint-Jozef, Ekeren
Il s'agit d'un campus de soins de 18.000 mètres carrés à Ekeren, entièrement revêtu de bois. Dirk Somers: "Nous avons remporté ce concours avec une vision élémentaire et très concise. À l'époque, je me suis demandé comment rendre cette histoire plus passionnante. Les maîtres de l'ouvrage avaient vu un bâtiment en bois réalisé par Osar à Geel pour le même groupe cible: des personnes souffrant de graves handicaps mentaux. Le projet d'Osar était conçu en bois, ce qui a eu un effet très positif sur le groupe cible. C'est à ce moment-là que nous avons pris part au projet: en termes d'ambition, vous passez à la vitesse supérieure. Avec la crise climatique, nous nous sommes demandé si nous pouvions convertir le béton en bois. Bien sûr, cela a un impact important sur l'environnement."
Royale Belge, Boitsfort
Cette mission a été remportée lors d'un concours organisé par la Ville de Bruxelles. Il s'agit d'un projet commun avec Caruso St John Architects (Londres) et DDS+ (Bruxelles).
La transformation actuelle vise à créer un mélange de fonctions: conférence, bureaux, co-working, hôtel, club de santé et restaurant. Un nouveau vide au cœur du bâtiment relie les programmes d'une manière claire et évidente. Les programmes sont organisés de manière à créer une synergie qui utilise toute la variété des espaces du bâtiment, le rendant vivant pour les locataires et les visiteurs 24 heures par jour.
WZC De drie platanen, Ostende
Lors de la conception du centre de soins résidentiels, Bovenbouw a voulu contribuer au succès du plan directeur dans lequel il est situé. L'approche consistait à animer et à charger le passage sous le centre de soins résidentiels. Au lieu de circuler à vélo devant un grand bâtiment, on le traverse à vélo. Ce passage est formellement renforcé dans le bâtiment de manière à ce que son caractère public soit clairement perçu. De plus, la façade avant est soulevée du côté de la rue, créant une vue sur la cour verte. À l'arrière, le restaurant fonctionne comme un pavillon indépendant au rez-de-chaussée, soigneusement positionné entre les bâtiments le long de la rue et la zone de loisirs avec les jardins communautaires à l'arrière.
Le bâtiment lui-même est conçu comme une séquence de moments, offrant aux résidents un passage animé. Ces moments sont créés par la variation d'un langage visuel, d'une matérialité et d'un choix de couleurs cohérents. Les couloirs des étages comportent cinq zones de repos, allant d'une salle rouge accueillante du côté de la rue à un salon spacieux donnant sur le jardin.
