La jardinerie urbaine Ympa sâouvre a Gand
la Cooperative The Green Community veut developper une nouvelle franchise

Â
Une jardinerie urbaine, une contradiction dans les termes? Pauline De Bruyne ne le pense pas. Avec ympa (oui, en petites lettres), elle veut prouver que dans une ville on peut faire plus quâun magasin de fleurs et de plantes. ympa dĂ©coule de The Green Community, une coopĂ©rative de cultivateurs qui milite pour une production et une distribution Ă©thique et Ă©cologique, et des prix Ă©quitables. Pauline De Bruyne est le premier franchisĂ© de ce qui doit devenir une vĂ©ritable chaĂźne. âLes jardineries en ville fonctionnent bien mais vous ne pouvez pas reprendre tel quel le concept dâun magasin en pĂ©riphĂ©rie. Ceci demande une autre mĂ©thode de travail.â
une jardinerie urbaine?
ympa se dĂ©crit clairement comme une âjardinerie et centre dâexpĂ©rience urbainâ: pas un magasin de fleurs et de plantes. A quoi ressemble une telle jardinerie? En tout cas il y a une zone extĂ©rieure qui prĂ©sente des plantes dĂ©coratives mais aussi des Ă©pices et mĂȘme le chou frisĂ© et le cĂ©leri. A lâintĂ©rieur nous trouvons, outre des plantes et une offre limitĂ©e de fleurs coupĂ©es, des bulbes, de la poterie et du terreau. Le magasin nâest pas surchargĂ©: un grand soin a clairement Ă©tĂ© portĂ© au mobilier (bois recyclĂ©, tout sur roues) modulaire et dĂšs lors aisĂ©ment dĂ©plaçable. Un coin a aussi Ă©tĂ© amĂ©nagĂ© en intĂ©rieur. Pauline De Bruye, shopmanager, explique: âIci lâaccent est rĂ©ellement mis sur le jardinage. Nous avons donc aussi un dĂ©partement extĂ©rieur, dont lâimportance grandira bien entendu au printemps. Nous ne voulons pas ĂȘtre un magasin de plantes ordinaire, nous voulons vraiment inspirer les gens en matiĂšre de vĂ©gĂ©tation, avec de grandes connaissances. Nous voulons surtout vendre avec une vision. Et cela implique de ne pas vendre certaines choses.â
Vous avez des exemples?
De Bruyne: âDe nombreuses personnes demandent par exemple des fleurs coupĂ©es. Apparemment les gens attendent cela dans une ville. Nous nâavons quâune sorte de fleurs coupĂ©es, mais nous ne ferons pas plus, nous ne sommes pas un magasin de fleurs. On demande beaucoup des pilea ou plantes Ă crĂȘpes mais nous ne les avons pas par exemple, parce quâaucun cultivateur de plantes dâintĂ©rieur ne les cultive dans notre coopĂ©rative. Nous pourrions chercher un cultivateur mais pour le moment, il y a assez dâalternatives. Je trouve plaisant de faire dĂ©couvrir aux gens dâautres plantes â je constate aussi quâils sont vraiment ouverts.â
Vous vous trouvez dans le centre-ville gantois, mĂȘme dans une zone sans voiture. Des inconvĂ©nients?
âLe grand inconvĂ©nient est le transport. Câest difficile. Nous discutons bel et bien avec CityDepot, qui peuvent livrer Ă domicile via des livreurs Ă vĂ©lo. Un webshop est aussi lancĂ©, câest nĂ©cessaire en centre-ville: nous nous trouvons dans une zone sans voiture et certaines plantes sont trop grandes pour ĂȘtre emportĂ©es Ă vĂ©lo ou Ă pied.â
Les webshops avec plantes vertes ne sont pas frĂ©quents parce quâil est difficile dââexpĂ©dierâ des plantes.
âEffectivement mais dans une ville cela me semble faisable. Il sâagit de trouver les bons services de livraison, qui ne se contentent pas de jeter des plantes dans une benne et de payer des salaires corrects. Je pense que nous avons un bon partenaire avec CityDepot.â
DâoĂč vient lâenvie dâouvrir ce magasin?
âJâai exercĂ© quelques jobs de vacances dans une jardinerie en rĂ©gion gantoise durant quelques annĂ©es. Je trouvais cela plaisant mais les plantes y Ă©taient simplement dĂ©posĂ©es. On en faisait peu de choses. Je sentais pouvoir faire davantage. Jâai Ă©tudiĂ© le travail social. Jâai terminĂ© ces Ă©tudes mais mâoccuper de plantes me titillait trop. Mon pĂšre et mon grand-pĂšre Ă©taient des cultivateurs dâazalĂ©es et ont un passĂ© dans le secteur de lâhorticulture ornementale. CâĂ©tait donc un choix logique.â
Que devez-vous faire autrement dans un centre-ville?
âVous ne pouvez surtout pas copier une âgrandeâ jardinerie. Par exemple, nous ne vendons pas des sacs de terreau de 20 ou 40 litres. La plupart des citadins nâont tout simplement pas la place: souvent ils nâont quâune petite cour ou un balcon, sans remise extĂ©rieure. Câest pourquoi nous proposons le terreau en petits sachets, Ă remplir. Nous vendons aussi des bacs de balcon rempotĂ©s. Vous ne pouvez pas vendre des bacs de balcon vides avec Ă cĂŽtĂ© un grand sac de terreau et dire au consommateur: faites-le vous-mĂȘme. Certains citadins doivent ĂȘtre mieux accompagnĂ©s quâĂ la campagne. Au printemps, jâaimerais dĂ©marrer des ateliers: je pense que nous devons varier entre des choses trĂšs basiques et des ateliers sophistiquĂ©s pour les âfreaksâ, car ils existent aussi naturellement. En ville, il est important par exemple dâapprendre aux gens Ă rempoter des bacs de balcon ou comment tailler les plantes pour favoriser les repousses.â
Je vois partout des codes QR.
âOui, je veux informer beaucoup sur la plante. Câest possible Ă lâaide de fiches de plante mais si elles sont trop petites, elles sont vite imprĂ©cises. Vous pouvez donner autant dâinformations que vous voulez en ligne. Et notre marque est bien mise en avant, câest une bonne chose. âympaâ est un terme suĂ©dois qui signifie âgrefferâ, une technique botanique pour obtenir une plante encore meilleure et crĂ©er une plus-value. Avec ympa, nous voulons revaloriser le mĂ©tier de cultivateur comme un vĂ©ritable artisanat. A lâavenir nous prĂ©voyons aussi des dĂ©placements pour accroĂźtre notre notoriĂ©tĂ©. Câest ainsi que nous avons dĂ©jĂ organisĂ© mi-septembre un premier week-end marchĂ© aux plantes ympa dans le quartier gantois de Meulestede, avec des rĂ©actions trĂšs enthousiastes des visiteurs.â

Est-ce Ă©vident dâouvrir un magasin en pĂ©riode de coronavirus?
âJe ne sais pas ce que câest de le faire en dehors de la pĂ©riode coronavirus, donc je ne peux pas rĂ©pondre (rire). Câest calme, naturellement. Câest aussi la basse saison; une bonne pĂ©riode pour se roder. Tant que je ne dois pas fermer, les gens sauront me trouver. La ville nâa pas le passage dâun automne normal, effectivement, mais je suis trĂšs content des personnes qui sont dĂ©jĂ passĂ©es. Beaucoup sont venus spĂ©cialement et cela me fait plaisir. On sent que notre histoire interpelle.â
Vous dĂ©sirez en faire dâemblĂ©e une franchise?
âCâest vrai. ympa est la marque retail de The Green Community, et ils cherchent dans diffĂ©rentes villes des personnes passionnĂ©es par la vĂ©gĂ©tation âĂ©thiqueâ. Le but est effectivement dâouvrir en 2021 un second magasin, peut-ĂȘtre mĂȘme un troisiĂšme, dans dâautres villes. Pas forcĂ©ment Ă Bruxelles ou Anvers, câest aussi possible Ă Malines ou Courtrai. Ils Ă©tudient la situation. Lâambition est de crĂ©er un impact par une prĂ©sence partout.â
Ce concept fonctionne seulement dans une grande ville ou une ville moyenne?
âJe ne le pense pas; dâaprĂšs moi, câest aussi possible dans une commune pĂ©riphĂ©rique. En thĂ©orie, la zone extĂ©rieure est trop petite ici. Au printemps, cela bougera beaucoup. LâidĂ©al est un commerce avec une zone extĂ©rieure plus grande mais nous resterons dans le bĂątiment popup certainement jusquâau printemps 2022, jusquâĂ ce que nous ayons trouvĂ© un emplacement dĂ©finitif. Le centre est un lieu idĂ©al pour crĂ©er une notoriĂ©tĂ©. Notre but nâest certainement pas dâĂ©galer une grande jardinerie mais un peu de volume est le bienvenu. Nous avons maintenant 90 mÂČ, pour moi lâidĂ©al est 150 mÂČ.â
Ethique et ecologique
ympa dĂ©coule de The Green Community, une coopĂ©rative de cultivateurs, transformateurs et sous-traitants apparentĂ©s locaux. Les mots clĂ© sont local, durable (sans produits chimiques), respect pour les saisons et le savoir-faire, et transparence. The Green Community a Ă©tĂ© fondĂ©e par Bob Douliez (ex-CEO chez OhâGreen), Luc De Bruyne (cultivateur dâazalĂ©es, ex-Aveve, pĂšre de Pauline) et Patrick Vanbelleghem (ex-BDO).
âMon pĂšre, Bob Douliez et Patrick Vanbelleghem avaient en commun quâils regrettaient lâaspect Ă©cologique et humain de lâentrepreneuriat. Ils voulaient changer le secteur de lâhorticulture ornementale et ont fondĂ© une coopĂ©rative Ă laquelle sont affiliĂ©s entre-temps 24 cultivateurs et sous-traitants. Ils sâengagent Ă cultiver ou fabriquer de façon Ă©thique, locale et Ă©cologique. Tout ce qui se vend ici provient de ces vingt-quatre membres.â

(foto: Maarten Schelfaut)
Vendent-ils aussi Ă dâautres jardineries?
âAbsolument. ympa est une marque avec laquelle The Green Community dĂ©sire se faire connaĂźtre, mais ils vendent aussi ailleurs et cela reste ainsi naturellement. Chez ympa, nous voulons peaufiner lâhistoire jusque dans le magasin: nous visons le âzĂ©ro dĂ©chetâ. Lâemballage est exempt de plastique et la distribution est la plus Ă©cologique possible. Nos pots et plateaux de culture sont constituĂ©s Ă 100% de matĂ©riaux recyclĂ©s ou sont compostables Ă domicile. Pour les plantes qui ne peuvent pas ĂȘtre cultivĂ©es ailleurs que dans des pots en plastique, nous allons, en primeur europĂ©enne, mettre en place un systĂšme de consigne. Il y a aussi un service de rempotage: les clients qui veulent empoter leur plantes dâintĂ©rieur ou plantes de terrasse et de balcon dans un pot en cĂ©ramique ou un pot plus grand, peuvent le faire sur place avec un terreau Ă©cologique exempt de tourbe.â
Le consommateur se soucie-t-il encore de durabilitĂ© et dâĂ©cologie en pĂ©riode coronavirus?
âJe pense que depuis le confinement les gens cherchent Ă sâoccuper davantage et sont plus conscients des espaces verts. Pendant le confinement, bon nombre de nos cultivateurs nâont jamais livrĂ© autant. Ils ont dĂ» laisser partir des plantes immatures vers les jardineries. Ils ont dit: laissez venir, tout sera quand mĂȘme vendu. Je pense que nos cultivateurs ont ainsi bĂ©nĂ©ficiĂ© dâune confiance accrue. Maintenant ils pensent: ce que nous faisons a vraiment de la valeur; les gens accordent Ă nouveau de lâimportance Ă la vĂ©gĂ©tation Ă la maison et dans le jardin.â
On note que vos prix ne sont pas Ă©levĂ©s. Est-ce un prĂ©jugĂ© dâassimiler Ă©thique et Ă©cologique Ă onĂ©reux?
âNotre principe de base est que nos cultivateurs reçoivent un prix Ă©quitable. Notre structure rĂ©duit les intermĂ©diaires. Nous ne sommes pas une grande chaĂźne qui achĂšte auprĂšs de multiples intermĂ©diaires. Le seul intermĂ©diaire est The Green Community. Nous ne devons pas inciter le cultivateur Ă ĂȘtre le plus bas possible, et pourtant tout reste abordable pour le consommateur. Câest aussi possible dans le centre de Gand.â
La poterie a-t-elle aussi des aspects éthiques et écologiques?
âNous avons longtemps cherchĂ© un bon partenaire pour la cĂ©ramique: il est gĂ©nĂ©ralement admis que parfois la fabrication nâest pas Ă©cologique. Notre partenaire livre au dĂ©part du Portugal, fait Ă la main, dans des ateliers qualitatifs. Les pots colorĂ©s sont conçus aux Pays-Bas. Vous devez perpĂ©tuer cela. Nous ne vendons pas tous les pots du monde mais nous soutenons les pots que nous vendons.â
Toutes vos plantes sont-elles cultivées en Europe, ou viennent-elles aussi de plus loin?
âLa majeure partie de la culture se fait en Flandre et aux Pays-Bas. Dâautres plantes doivent venir de plus loin, naturellement, parce quâelles ne peuvent pas ĂȘtre cultivĂ©es ici. Les buissons Yucca viennent du Guatemala dans un conteneur maritime. Ce nâest pas un produit local mais câest un conteneur si gigantesque que câest acceptable. Notre fournisseur de plantes grasses a une trĂšs chouette ligne et rĂ©alise bon nombre de boutures lui-mĂȘme, ce qui nâest pas frĂ©quent. Nous ne vendons pas de cactus parce quâils doivent venir de trop loin. Câest le bon cĂŽtĂ© dâune coopĂ©rative: rĂ©flĂ©chir ensemble pour amĂ©liorer. Je suis convaincu que cela plaira fortement.â