“le detaillant independant s’est montre tres flexible”
table ronde avec Nelectra, Brio et Exellent – Expert – Selexion
Le fournisseur indépendant en matériel électroménager a fait de son mieux pour traverser la crise du coronavirus et la fermeture obligatoire. Oui, le client s‘est tourné vers l‘Internet, mais les grands acteurs étrangers ne sont pas les seuls à en avoir tiré profit. La crise a offert un moment charnière au secteur du commerce de détail et au gouvernement, qui ont redéfini leurs priorités. C‘est ce qui ressort de la table ronde réunissant Viviane Camphyn (Nelectra), Fallon Declerck (Nelectra), Kenneth Claus (Exellent - Expert - Selexion) et Peter Vanthienen (Brio).
Une relance rapide?
Comment le secteur de l’électro a-t-il traversé la crise?
Viviane Camphyn (administrateur délégué Nelectra): “Nous avons d‘abord effectué une analyse de risque pour le secteur du détail dans l‘électroménager et les constructeurs de cuisines. Cela a montré qu‘il n‘y avait aucun risque tant que les détaillants pouvaient rouvrir le 4 mai. Dès le 24 avril, nous avons signé un protocole de réouverture avec toutes les parties, y compris les syndicats. Lorsque nous avons appris que nous ne pouvions pas rouvrir, nous avons été scandalisés. Ne pas être autorisé à ouvrir est une chose; sauf si tout le monde est logé à la même enseigne. Le problème, c‘est que les magasins de bricolage et les grands magasins étaient autorisés à vendre des marchandises qui nous étaient défendues à vendre. C‘est de la concurrence déloyale, soutenue par le gouvernement.“
Les indépendants aussi en ligne
Kenneth Claus (sales manager Connect+): “Nous n‘avons jamais cessé de travailler. Lorsque le confinement a été annoncé, presque toutes les ventes se faisaient en ligne, mais c‘est une erreur de penser que toutes les ventes en ligne se font auprès des grands acteurs. Nos magasins ont des boutiques en ligne qui tournent bien depuis des années. Ne sous-estimez pas non plus la flexibilité des travailleurs indépendants. La plupart d‘entre eux sont restés accessibles à tout moment, y compris par téléphone, et ont continué à livrer à domicile. Si vous avez vu l‘agitation qui régnait lors de la réouverture des magasins, j‘estime que l‘impact sur le marché est resté globalement limité. Vous devez également savoir que les ‘pure players‘ de la toile ciblent un segment différent de celui de nos magasins. Le canal en ligne aura en fait été stimulé de façon durable après cette crise.“
Peter Vanthienen (Business Development Manager chez Brio): “C‘était un peu plus difficile pour nous. Vous n‘achetez pas une cuisine ou une salle de bain en ligne. C‘est dommage d‘avoir dû fermer: Nous travaillions déjà sur rendez-vous en magasin, avec une table pour séparer les personnes. Nous n‘avons presque rien dû changer après le confinement. Il n‘y a pas eu de commandes depuis deux mois, et nous allons le sentir. Du coup, tout est reporté de deux mois. Nous avons surtout donné ce conseil à nos partenaires: terminez les projets en cours et voyez ce qui est encore réalisable. En attendant, les magasins sont prêts pour le second semestre; nous attendons les effets du congé du bâtiment.“
Créativité
Le confinement a-t-il encouragé la créativité?
Claus: “J‘ai vu pas mal de ventes à distance. Avec une tablette, nos détaillants se promenaient dans le magasin et faisaient la démonstration des appareils qui s‘y trouvaient. Cela leur a permis de conseiller les clients à distance. Mais après le déconfinement, certains magasins ont toujours un jour de fermeture hebdomadaire en plus, où ils ne reçoivent les clients que sur rendez-vous. Le fait de s‘asseoir à la même table reste très efficace. Je ne sais pas si cela va continuer sur le long terme. Les changements se font toujours de manière progressive; je pense que nous reviendrons en grande partie à l‘ancienne méthode.“
Vanthienen: “Chez nous, pas vraiment. Nous vendons de l‘expérience, du rêve, de l‘émotion. Vous ne pouvez pas faire cela en ligne - c‘est notre atout, bien sûr. Nous n‘avons plus eu aucun rendez-vous pour la construction de cuisines et de salles de bains, et les importations en provenance des pays voisins sont au point mort. La production en Belgique par contre a bien fonctionné, pour autant que le personnel puisse ou veuille bien venir. Tous les produits n‘étaient pas disponibles pour la livraison. La chaîne a été interrompue.“
Quel est l’impact sur la chaîne d‘approvisionnement? Va-t-on revenir à une plus grande production belge? Faut-il faire plus de stocks?
Vanthienen: “Le sur mesure a toujours été réalisé en Belgique, mais je ne pense pas que nous allons encore produire en masse chez nous. Ce qui est positif, cependant, c‘est que le sur mesure fait son grand retour sur le devant de la scène. Les gens ont compris que cela n‘est pas forcément plus cher qu’un produit acheté à l’étranger.“
Claus: “Celui qui contrôle la chaîne d‘approvisionnement domine le marché. Nous avons un stock important et cela nous a bien aidés, les détaillants ont pu continuer à commander sur notre plate-forme. Mais nous avons nous aussi souffert des coupures dans la chaîne d‘approvisionnement. Le défi était de taille au lendemain du déconfinement. La chaîne d‘approvisionnement était mise à mal. Heureusement, nos magasins d‘électros sont souvent en mesure d‘offrir une alternative en cas de rupture de stock. Nos détaillants savent faire preuve de flexibilité.“
Le secteur va-t-il garder des séquelles de cette crise?
Fallon Declerck (conseillère à la direction Nelectra): “Il est encore trop tôt pour le dire. Nos entrepreneurs ont fait preuve de créativité pour limiter les pertes, c‘est bien. Le Bureau fédéral du Plan s’attend à une forte contraction de notre économie. Notre secteur en souffrira. Mais, du côté positif, les gens ont compris à présent - et pour longtemps j‘espère – l’importance d’acheter local. La campagne flamande Winkelhier existe depuis longtemps, mais la crise lui a conféré bien plus d’ampleur. Elle ne soutient pas que les magasins locaux physiques: de plus en plus de magasins locaux sont également actifs en ligne.“
Vanthienen: “A plus long terme, je vois des conséquences positives. Tout le monde est resté à la maison pendant une longue période et a très bien vu ce qu‘est l‘innovation dans son intérieur. Nous n‘avons pas pu voyager, nous n‘avons pas pu aller au restaurant, les gens ont pu économiser pour une belle rénovation de leur cuisine. Les achats locaux sont certes importants, mais le client doit y trouver un intérêt. Il recherche le meilleur service au meilleur prix. Si les magasins locaux lui offrent ce service, ils y gagnent.“
Claus: “Faire ses courses ici, c‘est beau, mais le consommateur le fait si c’est intéressant pour son achat. C‘est notre travail de faire en sorte que ce choix soit pertinent.“
Un peu de répit grâce aux mesures de soutien
Quels ont été les effets des mesures de soutien?
Claus: “Elles ont surtout apporté un peu de répit. Nous pouvons remettre en question le montant alloué et sa répartition équitable, mais c‘était une bonne mesure. La demande a également été très facile. Le chômage temporaire était une bonne chose aussi, grâce à sa flexibilité. Cela a permis de réduire considérablement les coûts pour les travailleurs indépendants. Ils gagnaient moins, ou différemment, mais ils ont continué à travailler. Le gouvernement a bien géré cela.“
un coup de boost pour le commerce en ligne?
La crise sanitaire aura-t-elle boosté l’e-commerce à terme?
Camphyn: “53% des détaillants en électroménagers ayant une boutique en ligne ont enregistré une hausse des ventes en ligne pendant la période de confinement. On réfléchit de plus en plus à des concepts de commerce électronique adaptés aux petits indépendants. C‘est ce que je pense.“
Claus: “La gestion d‘un site Web demande beaucoup de travail. C‘est complexe. En tant que personne seule, c‘est difficile, en tant que groupement d‘achat, il y a moyen de se faire aider. La mise en œuvre d‘un nouveau système ERP et de gestion des données a pris de l‘ampleur après la crise du COVID-19. Les ventes en canaux multiples sont déjà une réalité. Le commerce électronique n‘est pas le monopole des grands acteurs exclusivement actifs en ligne. Le détaillant indépendant doit juste bien réfléchir à ce qu‘il peut faire pour son client. Lorsque les choses doivent aller très vite, un client est mieux servi dans un magasin proche. C‘est un vrai avantage. C‘est le client qui décide comment il achète.“
Les livraisons à domicile coûtent cher. Est-ce indispensable pour le petit détaillant, ou y a-t-il d’autres solutions?
Claus: “Avec l‘aide d‘un groupement d‘achat, tout peut être envoyé de manière centralisée. Sans ce système, c‘est beaucoup plus difficile. Chez nous aussi, tout ce qui concerne le service ou l‘installation est confié au détaillant. Il se charge aussi de l‘entretien avec le client, après quoi la livraison et l‘installation auront lieu au moment et de la manière souhaités par le consommateur. Le dernier kilomètre dépend du service proposé par le détaillant.“
Vanthienen: “C‘est moins marqué pour le secteur des cuisines. Néanmoins, les ventes d’électroménagers ont également un impact positif pour nous. Les clients comparent, analysent les caractéristiques. Cela nous permet de mettre davantage en évidence ces caractéristiques et de vendre souvent des appareils un peu plus chers - et de meilleure qualité. C‘est une bonne évolution.“
Observez-vous d’autres glissements dans le secteur?
Claus: “Je pense que cela se complique pour le segment intermédiaire. Si ce segment n‘avait pas fait partie d‘un grand groupe international, la crise sanitaire l‘aurait touché de plein fouet. Je pense que les prestataires ayant un profil clair s‘amélioreront avec le temps. Ils sont indépendants. Ils peuvent être pratiques et offrir une valeur ajoutée évidente.“
Vanthienen: “Nous devons également réfléchir à la mise en œuvre de la politique dans les grands groupes de distribution. Les grandes entreprises qui n‘ont jamais fait de bons résultats par le passé doivent maintenant être ‘sauvées‘, alors que nos détaillants indépendants sont souvent des entreprises très saines qui ont fait preuve d‘une grande résistance pendant la crise. Le gouvernement doit-il les soutenir? Nous devons y réfléchir. Une crise offre toujours un cadre de réflexion idéal.“