L'ARCHITECTURE DOIT SOUTENIR L'HISTOIRE DU DÉTAILLANT ET NON LA DOMINER
Les matériaux, les couleurs et l'éclairage sont des elements determinants
Michiel van der Bos, architecte et membre du jury des Shop Design Awards, a un CV impressionnant. Des concepts retail aux installations artistiques … rares sont les choses qu'il n'a pas encore faites. De plus, une collaboration avec un architecte ne doit pas forcément coûter les yeux de la tête. “Ma créativité est encore plus stimulée, lorsque le budget est limité”, déclare Michiel. L'erreur la plus fréquente? Lorsque l'architecte laisse son ego et son style supplanter l'histoire du détaillant.
Hors des sentiers battus
“Comparé à d'autres architectes, mon parcours est plutôt atypique. D'aussi loin que je me souvienne, j'ai toujours été passionné par l'architecture. Lorsque nous allions dans un parc de vacances, je m'amusais toujours à observer les petites maisons et à les dessiner. C'est donc sans grande surprise que j'ai voulu étudier l'architecture. Après mes études, j'ai fait un stage d'un an dans un bureau à Hasselt. J'y ai appris énormément de choses, mais je trouvais encore ça insuffisant. J'étais angoissé à l'idée de rester définitivement à Hasselt et de créer des maisons. Je voulais voir et faire plus de choses. Et c'est ce que j'ai fait. J'ai suivi un stage de six mois dans un bureau à Curaçao. Après dix ans comme salarié, j'ai suivi ma propre voie et je suis devenu indépendant. J'ai choisi mon parcours de manière délibérée. En travaillant sans être enchaîné à un endroit précis et sans frontières, j'ai pu élaborer beaucoup de concepts intéressants. J'ai de l'expérience dans le secteur retail, les installations d'art et les particuliers. Ainsi, j'ai toujours pu laisser libre cours à ma créativité.”
Des concepts précis vers plus d'authenticité
“J'ai vu le paysage retail changer énormément, depuis que je travaille comme architecte. Autrefois, on voyait des concepts mieux définis avec des tendances claires. Aujourd'hui, tout est plus libre. L'accent est mis davantage sur l'authenticité. On peut très bien imaginer un fauteuil d'occasion dans un magasin. De plus en plus de concepts retail jouent la carte de la durabilité et de l'écologie. C'est très intéressant, mais je constate souvent que ce n'est pas très sincère. Il s'agit plutôt d'une attitude qui s'inscrit dans une campagne marketing. Quand on fait ça, il faut être cohérent. C'est aussi une répercussion de la crise, chose que j'ai moi-même ressentie. Je constate aussi une évolution: les gens ne jouent plus que la sécurité.”
L'histoire doit etre claire
“Quand un détaillant vient vers moi pour élaborer le nouveau de son magasin, je commence toujours par plusieurs discussions approfondies. Cela me permet de percevoir qui il est, ce qu'il veut, vers quoi il veut aller et quel groupe-cible il veut toucher. Dans cette discussion, je remarque souvent que ce qui se dit, correspond rarement à ce que le client souhaite effectivement. Parfois, il faut faire preuve d'une certaine impertinence au cours de cette phase. Sur la base de ces discussions, on obtient une histoire à partir de laquelle je peux travailler.“
Eviter de copier
“L'esthétique, les couleurs, les matériaux et l'éclairage doivent arriver à traduire au mieux l'histoire de l'entrepreneur. Souvent, la difficulté est que l'on commence par se laisser inspirer par d'autres pays et magasins, et que l'on souhaite alors copier ce qu'on voit. Les gens sont constamment stimulés par de nouvelles choses, si bien que les clients veulent parfois des adaptations de dernière minute pour arriver à avoir la dernière nouveauté.”
Effet sur le chiffre d'affaires
“Il ne faut pas sous-estimer l'impact de l'architecture sur la vente. Si l'histoire est bonne, elle influencera le comportement d'achat. Le client peut être stimulé ou au contraire freiné dans son expérience d'achat. Un autre point à ne pas sous-estimer dans la conception est de vérifier la situation précise du magasin. Cela commence par la pays où sera implanté le concept de magasin. Par exemple, en Belgique, les magasins ont un degré de finition plus élevé.”
“Le consommateur actuel a plus que jamais besoin d'une histoire univoque et claire. C'est a l'architecte de transposer cette histoire dans la conception”
Mettre son ego de côté ...
“Je considère donc l'architecture comme l'une des briques de l'histoire de l'entrepreneur et non comme l'élément ultime qui domine tout le reste. Et c'est précisément l'une des plus grosses erreurs que l'on puisse faire en tant qu'architecte. Une chose dont beaucoup d'architectes se rendent coupables. Quelque part, je les comprends, car les gens viennent vers eux, parce qu'ils ont un style bien précis. Et bien sûr, cela flatte leur ego. Mais il ne faut pas laisser son propre style supplanter l'histoire d'un individu ou d'un détaillant. Car au final, ça ne fonctionne pas.”
… et laisser l'histoire parler
“Le consommateur actuel a plus que jamais besoin d'une histoire claire et univoque. Un magasin de grossesse doté d'un concept sobre et froid avec des néons ne sera pas très accueillant pour la cliente. Une femme enceinte, qui est constamment confrontée à son corps, doit être mise à l'aise. Le concept aura beau être sublime, s'il ne répond pas parfaitement aux souhaits du groupe-cible, cela n'a aucun sens. Personnellement, je ne trouve pas si difficile de laisser mon concept prendre le dessus. Peut-être parce que j'ai un parcours atypique et que j'ai travaillé sur beaucoup de projets variés, allant des installations d'art au commerce de détail et des missions pour les particuliers aux immeubles de bureaux. Je pense que c'est là ma force.”
Un monde éphémère
“Nous vivons dans une société très éphémère. Un jour c'est rouge, le lendemain c'est vert. Cette instabilité est surtout frappante dans le monde de la mode. L'architecte y est confronté lui aussi. Une collaboration peut prendre fin d'un instant à l'autre. De plus, il n'est pas toujours facile de réaliser un concept s'inscrivant dans cette instabilité. Souvent, la meilleure solution est alors d'opter pour un système modulaire. C'est ce qu'on voit dans les grandes chaînes où la structure de base reste la même, mais où on peut apporter des modifications en peignant un mur dans une couleur différente ou en accrochant un rideau pour diviser l'espace. Ainsi, un concept de magasin peut constamment évoluer avec son temps.”
“Souvent, je retire une plus grande satisfaction des projets à petit budget que des projets avec un budget illimité.”
La plus grosse erreur
“Lorsque des clients potentiels viennent me trouver, ils pensent souvent que cela va leur coûter un os. Au cours de ma carrière, j'ai pu travailler pour des marques très exclusives, si bien que les gens ont parfois du mal à franchir le pas. Mais quand on fait appel à un architecte, cela ne signifie pas forcément que cela va coûter cher. Souvent, je retire une plus grande satisfaction des projets à petit budget que des projets avec un budget illimité. Lorsque je dois tenir compte des restrictions imposées par le budget, cela m'incite à faire preuve de créativité. Ceci dit, il est vrai que le processus est devenu plus cher qu'autrefois. A l'époque, on pouvait ouvrir une petite boutique et le tour était joué. Aujourd'hui, il faut parfois des années pour obtenir toutes les autorisations. Et l'aspect technique a aussi changé du tout au tout. Les architectes doivent plus souvent se faire assister par des experts. Désormais, il est impossible de tout savoir et de rester au courant.”