une architecture entre ville et port
architectuurplatform Terwecoren Verdickt explore la charnière fascinante où l'infrastructure devient architecture
Le travail du bureau d'études Architectuurplatform Terwecoren-Verdickt se situe dans les zones de contact remarquables et originales entre la ville et le port. Entre le public et la logistique, entre l'infrastructure et l'architecture, entre les flux efficaces et le théâtre urbain, entre le travail et le regard sur le travail,... l'œuvre offre une vue kaléidoscopique de la riche diversité de la double relation port-ville: d'un centre d'accueil des visiteurs à de nouvelles typologies de bâtiments urbains avec une production superposée en passant par une plateforme de transbordement logistique pour les matériaux de construction, un terminal de passagers et des jetées pour les touristes.
Garder le cap
"Annekatrien Verdickt et moi-même avons obtenu notre diplôme en 2000. Notre trajectoire a d'abord été assez classique. Annekatrien a eu la chance de réaliser une maison en béton à Gistel pendant ses années de stage. Moi aussi, j'ai rapidement eu quelques missions. On part d'une certaine passion pour maîtriser et approfondir le métier, une caractéristique forte dans notre agence".
Vous n'avez pas choisi délibérément une spécialité particulière? Jan Terwecoren: "Nous n'avons jamais voulu réduire la profession au profit d'une spécialisation particulière. Nous voulions avant tout garder une vision large et travailler à différentes échelles. Nous ne sommes pas dans une niche particulière, mais les mêmes thèmes reviennent en raison de missions spécifiques. La passion et la motivation de s'immerger dans un sujet particulier sont ce qui compte pour nous. Les projets durent souvent de deux à cinq ans, ce n'est donc pas vraiment gratuit. Nous considérons un projet comme un voyage. Le fait de travailler à différentes échelles offre un avantage concurrentiel quelque part. Le masterplan, par exemple, se déroule à grande échelle et nécessite de réfléchir aux concepts initiaux, y compris à l'interprétation de l'architecture. L'astuce consiste alors à travailler à différentes échelles et à passer rapidement d'une grande à une petite échelle".
"La couche productive dans la ville offre une belle valeur ajoutée et des opportunités pour contrebalancer la construction sauvage d'appartements"
L'art de vivre en point de mire
Vous concevez à partir de différentes perspectives? Jan Terwecoren: "L'avantage de la non-spécialisation, c'est qu'elle permet de voir les choses sous différents angles. Prenons l'exemple du projet D'Ieteren (projet de concours): grâce à sa taille, le projet a pu plier l'environnement à sa volonté. Le projet est situé dans la zone du canal, une zone qui s'est arrêtée pendant un certain temps et qui est maintenant en pleine transformation. Ce n'est pas comme à Ostende, où les activités portuaires sont abandonnées et remplacées par des logements. On observe le même phénomène à Rotterdam (rive sud; Kop van Zuid) et à Amsterdam (Borneo Sporenburg et l'île KNSM). À Duisbourg, à Gand (Oude Dokken) et à Anvers (Het Eilandje), l'accent a également été mis sur le logement.
Ateliers de construction
Bruxelles ne jure que par une approche différente? Jan Terwecoren: "À un moment donné, les administrations ont eu d'autres idées. Bruxelles est parfois lente dans certains développements, mais cela présente l'avantage de pouvoir encore corriger le tir. La capitale a choisi de maintenir la petite production industrielle dans la ville. Il y a à Bruxelles une grande industrie, comme à Buda, le long du canal, où il y a beaucoup de grandes entreprises. À Forest, il y a aussi beaucoup de grandes entreprises comme Audi. Ensuite, il y a le tissu industriel à grain fin, comme les garages et les ateliers de construction, une typologie que l'on retrouve ici à Molenbeek. Dans les années 1990, Bruxelles a vu l'industrie s'éloigner. Cela est principalement dû à la pression immobilière. En effet, il est plus lucratif de transformer des bâtiments en bureaux ou en complexes résidentiels. L'industrie est également perçue comme une nuisance, quelque chose qui pue, qui fait de la poussière et qui fait du bruit. Cependant, cette image n'est plus vraie à l'ère actuelle de l'Industrie 4.0, où la numérisation dans l'industrie intelligente est très à l'ordre du jour. En outre, les réglementations relatives aux odeurs, à la poussière et au bruit dans la ville sont devenues particulièrement strictes. Cette couche productive dans la ville offre une belle valeur ajoutée et des opportunités pour contrebalancer la construction sauvage d'appartements et la création de quartiers dortoirs. Bruxelles joue un rôle de pionnier avec cette approche et expérimente en même temps.
"Il est important de rendre un peu de visibilité aux zones oubliées de la ville"
Métabolisme de la ville
Le rôle d'Olivier Bastin, le précédent Maître-Architecte bruxellois, a été crucial... Jan Terwecoren: "Le rôle de pionnier européen de Bruxelles a été consolidé par l'élaboration d'un Plan Canal. La Région de Bruxelles-Capitale a lancé un concours international qui a été remporté par le Français Alexandre Chemetoff. Un bureau de projet - l'Equipe Canal - a ensuite été créé spécialement pour la zone du canal. Ce bureau a rassemblé une grande expertise et a reconnu que la zone du canal était une "figure" solide pour le développement futur de la ville. Kristiaan Borret, le successeur de Bastin, continue aujourd'hui dans cette voie. Le plan Canal a mis en place une stratégie à Bruxelles pour intégrer l'industrie manufacturière dans le tissu urbain. Les architectes se sont vu confier des missions totalement inédites. L'industrie et la production étaient des territoires quasi vierges.
Jan Terwecoren: "Dans cette perspective, l'aspect de la visibilité est important, comme le montre notre projet de village des matériaux de construction. Nous montrons un ballet de mouvements autour de l'implantation des flux de marchandises. Cela fait partie du métabolisme de la ville, un flux de matériaux que nous rendons visible. Il est important de rendre un peu de visibilité aux zones oubliées de la ville".
penser en strates
"Outre la visibilité, la densification est un autre point important. Il s'agit de créer des strates de production, une tâche qui nécessite une organisation totalement différente. Les pentes, les ascenseurs, les charges lourdes... posent de nombreux défis. Mélanger, par exemple, un bâtiment de production avec une fonction récréative sur le toit ou le combiner avec une fonction résidentielle est un autre sujet de préoccupation. NovaCity de Bogdan & Van Broeck architects en est un exemple. Les projets de production doivent trouver leur confort dans une architecture impartiale.
Le ventre du port de Gand plus visible que jamais
L'une des premières grandes commandes de Jan Terwecoren et Annekatrien Verdickt a été le centre d'accueil des visiteurs du port de Gand. "Ce projet nous a ouvert un nouveau monde. Les exigences étaient la durabilité et la visibilité; la maison du port devait agir comme un point de pivot entre la ville et la zone portuaire. Si l'on considère la zone portuaire de Gand, sa superficie est supérieure à celle de la ville de Gand. Avant le concours, le bâtiment se tenait dans un coin du site, de manière quelque peu invisible. Si l'on veut un centre d'accueil représentatif dans un tel environnement de docks, de hangars et de grues, un positionnement et une localisation plus forts s'imposent d'eux-mêmes. Dans notre projet, nous avons placé le bâtiment sur le bord du quai pour cette raison, plutôt qu'à l'endroit prévu. En raison de ce positionnement atypique, le bâtiment devient une "charge ponctuelle" dans son environnement, en particulier du point de vue de la visibilité.
Un deuxième aspect du programme était que vous receviez les gens sur place et qu'il s'agissait alors d'une question de représentativité. De plus, nous étions également confrontés à un programme de production, à savoir le nettoyage des huiles et l'approvisionnement en eau potable des navires par le service de la navigation, situé au rez-de-chaussée du même bâtiment. L'accueil et la production sont donc formellement imbriqués dans la conception. De cet endroit, vous voyez les docks et, en tant que visiteur, vous regardez trois kilomètres dans le ventre du port de Gand. En même temps, le même visiteur est initié à toutes sortes d'activités portuaires, qui forment une toile de fond animée".
Le centre d'accueil est une structure en acier revêtue de bois. Jan Terwecoren a calculé sa stabilité en mettant à profit les connaissances qu’il avait acquises lors de son stage au bureau d’étude Mouton. Jan Terwecoren: "Si vous regardez nos projets portuaires, nous avons fait quelque chose de différent à chaque fois. Les ports sont devenus trop grands pour la ville, nous nous en sommes éloignés. Pourtant, il s'agit d'une zone spéciale, cruciale pour notre économie et notre prospérité."
Une bonne ville doit intégrer son volet industriel
Votre deuxième projet portuaire à Bruxelles présente un aspect socio-économique fort, associé à une architecture remarquable. Jan Terwecoren: "En 2013, notre cabinet a remporté le concours qui avait été lancé. C'est alors le Maître-Architecte bruxellois Olivier Bastin à qui nous devons le début de cette histoire. L'exposition A good city has industry (conçue par AWB et Mark Brearley) a également attiré l'attention des milieux architecturaux sur ce nouveau type de mission. Le port de Bruxelles ne doit pas être comparé à Anvers ou à Gand. Il s'agit d'un port intérieur comme celui de Duisbourg. La particularité du port de Bruxelles est qu'il divise la ville en deux et qu'il se trouve en plein milieu. La zone du canal est une rupture dans le tissu urbain, avec ce caractère unique que l'on retrouve très profondément dans la ville. Les matériaux de construction et la liqueur sont des charges lourdes qui se prêtent très bien à la navigation intérieure. Il est donc tout à fait intéressant de les transporter par bateau à l'intérieur de la ville.
Corridor logistique
Pour Olivier Bastin, il fallait un concours en raison de l'architecture. À l'époque, le port était encore sur la défensive car, comme partout en Europe, les activités portuaires proches de la ville étaient vouées à disparaître au profit de la construction d'appartements. Durant cette période (2013), le port de Bruxelles a connu une transition et a en fait promu sa position de port urbain. Terwecoren et Verdickt ont conçu un bâtiment industriel très flexible avec une structure de toit emblématique pour le village des matériaux de construction sur le Vergotedok à Bruxelles. L'architecture frappante redonne dignité, fierté et prestige à l'industrie, auparavant très décriée. L'industrie n'est plus isolée à Bruxelles, elle est indispensable et fait partie de la ville. L'évacuation des déchets de construction et des terres libérées par les chantiers bruxellois constituait également un élément important du projet. Ce n'est plus le village des matériaux de construction qui s'en charge, mais des sites apparentés dans le port.
Jan Terwecoren: "Les sites de notre projet étaient très encombrés, il n'y avait pas de relation entre le port et l'Avenue du Port. Dans notre conception, nous avons mis en place une grille modulaire avec des obstacles visuels. Nous avons également remporté un prix international pour ce projet: le prix de la construction durable décerné par Holcim.
Port de Papeete
Le projet portuaire bruxellois a amené Terwecoren et Verdickt au port d'outre-mer de Papeete (Polynésie française). Ce port appartient à un groupe d'îles (atolls) avec de nombreuses montagnes volcaniques qui ne sont habitées qu'en périphérie. Le port de Papeete est situé sur un promontoire. Jan Terwecoren: "La demande portait sur la construction d'un terminal pour passagers, mais elle était erronée à tous points de vue, car tous les terminaux pour passagers sont soumis à la norme ISPS. Le Code international pour la sûreté des navires et des installations portuaires (ISPS) est une réglementation internationale qui impose des mesures pour sécuriser les navires et les installations portuaires. En conséquence, la ville a perdu son lien avec l'eau. Papeete n'est pas un lieu privilégié où accostent de très grands navires de passagers. Nous avons donc conçu le concept de manière à pouvoir accueillir à la fois des navires et des événements culturels pour la communauté locale: une zone d'accueil au bord de l'eau, une salle de danse dans la zone des bagages et une cafétéria avec une terrasse surplombant le lagon".
Nouvelle fonction publique
Le projet revêt une grande importance pour Papeete et la Polynésie française. Pour les milliers de visiteurs qui accostent, le terminal passagers et la place Vaiété sont l'espace représentatif d'où partent et se terminent les croisières locales et internationales, bref, la première et la dernière image d'un voyage. Jan Terwecoren: "Le terminal représente une énorme source d'enrichissement pour la ville de Papeete et ajoute une nouvelle fonction publique à la place. Le projet doit traiter cette question de manière créative, en tenant compte des exigences de l'ISPS et de l'importance de la continuité spatiale entre les navires du terminal et le front de mer.
La région ne connaît que deux saisons et la température oscille généralement toujours entre 25 et 30 degrés, de sorte qu'il n'y a pas de frontière entre l'intérieur et l'extérieur. Jan Terwecoren: "On pourrait tout aussi bien attendre dehors dans un agréable jardin public. Le tourisme a aussi ce phénomène de métabolisme que l'on ne voit jamais. Il s'agit de l'approvisionnement, de l'élimination des déchets sanitaires, de l'alimentation en électricité, de l'approvisionnement en carburant, de la manutention des bagages. Ils influencent fortement la conception. Au lieu d'installer une clôture en raison du code ISPS, nous avons détaché la structure du quai existant sur des pieux du continent. On obtient ainsi une coupure naturelle à l'intérieur de la zone ISPS tout en conservant la vue sur l'océan. Une fois la zone libérée des navires, les quais sont de nouveau accessibles. Le projet a malheureusement été interrompu au stade de l'appel d'offres en raison d'un changement dans la politique locale."
Le Havre: Le quai des jumeaux
Le projet Le quai des jumeaux vise à stimuler l'activité économique le long du canal du Havre à Tancarville. Pour ce faire, il s'appuie sur le contexte existant et se concentre sur le transbordement et les jeunes entreprises apportant une valeur ajoutée aux flux de transbordement et de fret.
Les sites se trouvent à un endroit très stratégique du tissu urbain, plus précisément à la frontière entre la ville et le port. Le quai des jumeaux est tout autant un projet urbain: un contrepoint où l'activité portuaire et, en particulier, le transbordement de marchandises, sont montrés à la population urbaine. Le quai des jumeaux offre aux riverains, aux étudiants et aux travailleurs un nouveau type d'espace public qui prend l'activité portuaire comme toile de fond pour animer le domaine public. La visibilité joue un rôle majeur. Les façades sont conçues comme des panneaux d'affichage.
Le projet coïncide avec un ensemble plus vaste - Réinventer la Seine - dans lequel Paris, Rouen et Le Havre ont mis à disposition une quarantaine de sites pour accueillir des projets et des applications innovantes afin d'accroître l'attractivité et le rayonnement des villes concernées .
Rostock
L'analyse de la ville de Rostock révèle les qualités, les difficultés et les possibilités de relier le front de mer à la ville et d'intégrer une forme de tourisme de croisière plus durable et à plus petite échelle dans le contexte du centre-ville. L'objectif est d'amener les habitants au bord de l'eau et les touristes au centre-ville. Une première intervention structurelle est la transformation de la route côtière en un système de boulevard. La conception de la zone ISPS et des installations lorsqu'un bateau de croisière accoste a été envisagée dans une perspective plus large, celle du paysage. Comment un espace fermé et temporaire peut-il être intégré dans une chaîne d'espaces publics au bord de l'eau?
Le pavillon temporaire situé sous la grue est une zone de transit, avec un scanner, un bar et une zone d'accueil lorsque les bateaux de croisière accostent, mais aussi un lieu de rencontre avec des expositions, une billetterie et un contrôle d'accès.
