"L'architecture du futur est organique"
Claerhout-Van Biervliet mise sur la 3D pour réaliser des conceptions sculpturales
Le travail de Claerhout-Van Biervliet ne peut pas être résumé en un mot. Il s'agit d'un bureau multidisciplinaire primé qui travaille dans les domaines de l'architecture, de l'architecture d'intérieur, du design et de la conceptualisation. Avec le concept qu'ils ont élaboré pour la 'Periscope House', ils se sont distingués aux prestigieux ARCHITIZER A+ Awards 2024 dans la catégorie 'Unbuilt Residential' et peuvent se targuer de figurer sur 'l'A+list': The 220 Best Architecture and Design Firms Worldwide in 2024'. Le concept résume l'essence de leur travail: oser rêver de manière innovante et rendre ces rêves réalisables.
"Nous sommes arrivés à Knokke par hasard. J'avais fait un stage chez Coussée et Goris, Barbara en avait fait un chez Stéphane Beel. Il nous semblait logique de créer un bureau à Gand ou à Bruxelles. Mais nous n'avons pas trouvé d'endroit. À l'époque, nous habitions à Damme et nous avons trouvé ce bâtiment-ci par hasard. Cela fait maintenant 12 ou 13 ans que nous sommes installés ici. Nous avons des clients dans toute la Flandre: nous remarquons que personne ne rechigne à venir à Knokke", déclare Xaveer Claerhout en souriant.
Rêves et attentes
Barbara Van Biervliet voulait devenir architecte dès son plus jeune âge. À la maison, on s'attendait à ce qu'elle fasse des études universitaires. "D'où le choix d'ingénieur civil-architecte. Le côté ingénieur m'intéressait moins, même si je m'y suis toujours frottée avec plaisir et avec succès. Mais cela m'a permis de réaliser mon rêve de devenir architecte", explique-t-elle.
"Notre motivation est artistique mais la fonctionnalité reste un point de départ important"
Claerhout a également répondu aux attentes de sa famille. "Mon père était sculpteur. C'était un homme merveilleux, mais il était comme un grand arbre qui ne supportait pas grand-chose autour de lui. Il ne voulait donc pas que je devienne un artiste moi aussi. Il a préféré me mettre sur une autre voie. Dans un premier temps, ça a été l'histoire de l'art. Aujourd'hui encore, je lui en suis très reconnaissant. Il s'agissait d'une formation théorique agréable qui m'a donné un solide background en histoire de l'art. Mais ce que je voulais surtout, c'était être créatif". Claerhout enchaîne donc avec des études d'architecture. D'abord à Tournai, puis à La Cambre à Bruxelles: "C'est une école extrêmement créative et libre d'esprit avec un enseignement merveilleux". C'est à cette époque que Claerhout et Van Biervliet ont fait connaissance, et le reste appartient à l'histoire.
Motivation artistique
"Le marché de l'architecture est très vaste. Nous nous intéressons davantage à l'architecture en tant qu'œuvre d'art, en tant que sculpture", explique Claerhout. "Notre motivation est artistique", ajoute Van Biervliet, "mais la fonctionnalité reste un point de départ important. Un espace qui est correct en termes de fonctionnalité et de proportions et qui possède une certaine qualité sculpturale a le pouvoir d'encourager une vie meilleure, plus agréable."
En outre, le duo est animé par un fort désir d'innovation. "Nous devons réfléchir à la manière de faire la différence aujourd'hui", déclare Claerhout avec enthousiasme. "Le centre de gravité de la société se déplace lentement de la vie physique à la vie numérique. Ce qui nous intéresse, c'est comment rivaliser avec le monde numérique d'une manière physiquement réalisable et réellement viable. Depuis une quinzaine d'années, nous sommes convaincus que l'avenir est à l'architecture organique ou métamorphosante. Mais nous ne pensons pas à une forme organique pour le simple plaisir de la forme. Nous entendons par là la capacité d'un objet, d'un bâtiment, à s'adapter aux besoins du moment. Un bâtiment qui change de forme, s'aère, se déplace... quand il le faut", s'enthousiasme Claerhout.
Metamorphic art studio
Pour approfondir cette question, le couple Claerhout-Van Biervliet et leur fils artiste Adriaan ont fondé le Metamorphic Art Studio. Ils ont notamment développé le lampadaire 'New York', qui fait désormais partie de la collection permanente du Centre Pompidou. Avec la table sculpturale 'Fuga', ils ont remporté l'Iconic Design Award 2024.
Leur projet le plus récent est 'Periscope House', une idée née lors de longues promenades dans les magnifiques champs de Damme et de ses environs, à l'époque du corona. Van Biervliet: "Nos projets conceptuels sont plus que des excès artistiques. Nous prenons le temps de nous prononcer sur des problématiques concrètes et d'explorer les moyens de créer un impact écologique. Aujourd'hui, les terrains constructibles sont rares et chers. Il est également important de préserver le paysage autant que possible. D'où l'idée de commencer à exploiter les avantages du sous-sol (température plus basse, limitation de l'impact visuel, etc.) et de rendre cet espace habitable en y ajoutant une vue et de la luminosité grâce au principe ancestral du périscope."
Periscope House
Claerhout poursuit: "L'idée d'utiliser une construction de miroirs, que nous plaçons selon un certain angle, afin d'avoir de la lumière et une vue à l'intérieur, est très séduisante. Nous avons développé cette idée avec notre fils, qui est un artiste 3D. Nous partons d'une construction souterraine fixe dont la forme est inspirée des villas palladiennes de Rome: un carré très simple avec un patio rond au milieu. Cela donne une image très symétrique et reconnaissable. Autour de ce bâtiment se déplace une construction de miroirs et de jardinières qui est soulevée au moyen de l'énergie solaire. Grâce au reflet des miroirs, le tout reste camouflé dans le paysage. Vers le soir, la construction baisse en suivant le soleil et son énergie. À ce moment-là, la structure commence à agir comme une batterie gravitaire. Via une dynamo, on extrait l'énergie de descente du système et on peut la convertir en énergie utilisable. Il s'agit d'un système bien pensé, basé sur le principe d'une batterie non polluante."
Van Biervliet: "Le système périscope est multifonctionnel: c'est à la fois la batterie et le dispositif qui apporte lumière, vue et verdure."
Claerhout souligne l'importance de la conception spatiale et cinématographique de ce projet: "Nous avons élaboré tous les plans, toutes les coupes transversales et toutes les façades du projet. Il est important pour nous qu'un projet soit réalisable. Lorsque nous l'avons vu prendre vie grâce au logiciel suffisamment puissant pour reproduire le reflet des miroirs un à un, cela a donné une dimension supplémentaire et créé des effets surprenants qu'il est impossible de simuler en 2D et en 3D statique."
L'architecture comme sculpture
Pour Claerhout-Van Biervliet, le dessin en 3D a été décisif dans le développement de leur style sculptural. Claerhout: "Cela fait maintenant 10 à 12 ans que nous dessinons l'ensemble du modèle en 3D dès la phase d'avant-projet. Une fois que nous avons convaincu le client, nous transformons cette forme conceptuelle en un modèle détaillé. Nous dessinons tout le béton et tout l'acier tels qu'ils seront construits. En fait, nous créons une sorte d'avatar numérique du bâtiment: le BIM, mais sans les limitations 3D de certains de ces logiciels."
Van Biervliet ajoute: "Notre conception sculpturale commence très tôt dans le processus de conception. Dès que les principaux paramètres sont clairs - accès au site, ensoleillement, distinction privé/public - nous commençons la sculpture. Il est difficile de saisir ces formes dans des façades et des coupes en 2D, à moins d'en avoir déjà dessiné une centaine."
Villa à Knokke
Un projet est actuellement en cours pour lequel ils ont dû relever le défi d'intégrer leur look signature dans le style caractéristique de Knokke. Claerhout explique: "Au Zoute, nous avons eu l'occasion de concevoir la maison de rêve d'un client fantastique qui a acheté un terrain exclusif à cet endroit. Naturellement, nous avons dû tenir compte des réglementations en vigueur: toit en pente obligatoire, hauteur de corniche maximale, faible pourcentage d'occupation de la maison par rapport au terrain. Dès le début, nous nous sommes concertés avec l'autorité chargée de délivrer les permis et ce processus s'est avéré très constructif."
"Pour nous, la conception ne s'arrête pas à la porte d'entrée. L'aménagement de l'intérieur et du jardin est indissociable de notre architecture"
Nous avons commencé à jouer avec ces caractéristiques typiques pour en faire notre propre version. Le toit en pente classique est agrémenté d'une corniche organique en cuivre et de lucarnes dans un esprit nautique. Les briques typiques peintes en blanc seront remplacées par des briques de parement blanches cuites sur mesure qui suivront la courbure des formes ondulantes de la façade. Pour nous, il va sans dire que les lumières et les vues dans la maison sont très bien pensées. Dans le cas d'une maison de vacances à Knokke, cela comprend également une expérience aquatique. Le bruit de l'eau qui ondule et le reflet des douces vagues dans les pièces contribuent énormément à l'expérience de la maison. Nous avons obtenu cet effet grâce à deux jeux d'eau, l'un dans la cour anglaise et l'autre à la porte d'entrée."
Développement durable
Le thème de la durabilité et de la limitation des émissions de CO2 est une évidence dans le processus de conception de Claerhout-Van Biervliet: "Nous utilisons un chauffage géothermique par le sol pour chauffer toute la maison, et la chaleur résiduelle est utilisée pour chauffer la piscine. Cela semble évident aujourd'hui, mais cela fait 20 ans que nous travaillons de la sorte. La première maison que nous avons construite à Knokke était déjà équipée d'une pompe à chaleur et de panneaux solaires. Les panneaux solaires produisaient de l'eau chaude pour la maison et le reste était utilisé pour chauffer la piscine. À l'époque, il s'agissait d'un système très complexe. Viessmann est venu spécialement d'Allemagne pour le faire fonctionner de manière optimale."
Mais la durabilité va au-delà des techniques et du respect des règles. Van Biervliet: "Pour nous, il est très important que la durabilité reste humaine. Qu'il y ait de l'air et de la lumière, qu'il soit agréable d'y vivre et d'y travailler. C'est comme pour les objets de design. Un objet peut être incroyablement durable s'il est apprécié, s'il plaît. Il dure alors des générations, il est soigné, entretenu et restauré. Ça aussi, c'est de la durabilité."
"L'impact de l'architecture sur la vie quotidienne (professionnelle) ne doit pas être sous-estimé"
Multidisciplinaire
Claerhout-Van Biervliet ne se limite pas à la conception d'une enveloppe. Pour eux, la conception intégrée de l'architecture, de l'intérieur et même du design et de l'aménagement des jardins est une nécessité. Van Biervliet explique cette ambition: "Pour nous, la conception ne s'arrête pas à la porte d'entrée. Nous avons une idée précise de l'intérieur, des lignes de construction, de l'aménagement du jardin... Pour nous, c'est indissociable de notre architecture. Nous avons la chance que la plupart de nos maîtres d'ouvrage nous suivent dans cette voie."
Claerhout donne l'exemple de la rénovation d'un cabinet notarial à Termonde: "Il semblait s'agir d'une pure mission d'architecture d'intérieur. Pourtant, la conception est définie par des interventions architecturales déterminantes. Il s'agissait d'un bâtiment très sombre, nous avons donc cassé un coin entier du bâtiment et ajouté une baie vitrée ronde pour attirer la lumière. On retrouve les mêmes formes courbes à l'intérieur du cabinet notarial. Il en résulte un environnement de travail très agréable et lumineux."
Impact de l'architecture
Van Claerhout: "L'impact de l'architecture sur la vie (professionnelle) quotidienne ne doit pas être sous-estimé. Si la lumière est bonne et que l'espace dégage exactement ce qu'il faut, cela peut rendre quelqu'un heureux". Van Biervliet ajoute avec un sourire sincère: "Parfois, nous recevons un message dix ans après la fin des travaux: "Merci encore, je suis heureux ici, la lumière est si belle". Que demander de plus?"
