"Il faut que les clients puissent se perdre dans mon magasin"

La longue vitrine du Kookwinkel d'Oosterzele attire l'attention de tous les passants. Les étalages sont décorés avec une créativité débordante par la gérante, Mariane D'Hont. Et on est envahi par le même sentiment dès qu'on pénètre dans le magasin. "L'atmosphère est extrêmement importante pour moi", nous dit-elle. "Ici, tout n'est pas convenablement rangé par groupe de produits. Mais c'est justement ça que mes clients apprécient." Dans ce magasin, les clients peuvent littéralement se perdre parmi les ustensiles de cuisine, ce qui crée une atmosphère très particulière.

115 ans

Poêles de louvain, ustensiles de cuisine et FIGURINES  

C'est en 1906 qu'ont été posées les premières fondations du Kookwinkel d'Oosterzele. "Mon grand-père Jules Sacks a construit lui-même cette maison, en prévoyant de la place à l'avant pour une petite boutique, qui s'appelait alors Oud Huis Sacks", raconte Mariane D'Hont, qui incarne la troisième génération à la tête du Kookwinkel. "Lui et ma grand-mère y vendaient de la quincaillerie, des poêles de Louvain, des ustensiles de cuisine et des figurines. Mon grand-père était un homme de métal; il était plombier et forgeron et il allait lui-même installer les poêles chez les clients. Quand ma mère a eu 18 ans, elle a rejoint le magasin et a continué à le gérer après mon grand-père. Elle a agrandi le magasin il y a 55 ans et elle a élargi la gamme."

"Née dans une casserole"

En 1996, le magasin a été cédé à Mariane, alors qu'elle y travaillait déjà depuis un certain temps. "J'ai vu le jour dans cette maison, à l'étage. Je suis donc née dans une casserole, pour ainsi dire", dit-elle en riant. "Mais quand j'ai repris le magasin, j'ai immédiatement décidé de tout changer. J'ai liquidé le magasin et je l'ai entièrement vidé, malgré la panique de ma mère. Les figurines et les tableaux qu'elle avait vendus pendant des années ont disparu. J'ai recouvert les fenêtres et je me suis occupée de l'intérieur. Ce que j'allais faire ici devait rester une surprise pour les clients afin qu'ils découvrent quelque chose de complètement nouveau à l'ouverture. Et j'ai relevé le défi."

"Le concept du magasin de cuisine tel que nous le connaissons aujourd'hui a commencé ici avec le Kookwinkel"

Le premier magasin d'articles de cuisine en Belgique

Et c'est ainsi que l'Oud Huis Sacks a été rebaptisée Kookwinkel. Avec ce nom, Mariane a inauguré une nouvelle ère pour la boutique, qui s'est concentrée sur les ustensiles de cuisine, l'art de la table, la décoration, les cadeaux et une petite part d'électro. "En soi, j'ai été le premier magasin d'articles de cuisine de Belgique. Il y en avait un autre à  Anvers, le Kookhuis, mais il avait un assortiment très large et vendait aussi des cuisines. A l'époque, les gens achetaient simplement leurs ustensiles de cuisine au supermarché. Mais le concept de magasin d'articles de cuisine tel que nous le connaissons aujourd'hui a commencé ici."

Grande fête

Le 1er octobre, Mariane a célébré le 115e anniversaire de son magasin avec une véritable fête. Tout le grand Oosterzele a été invité, ainsi que des clients bien au-delà. "Ce n'était pas une journée portes ouvertes", précise Mariane. "On organise une journée portes ouvertes pour vendre. Avec cette fête, je voulais célébrer, manger, boire et socialiser. C'était ma façon de remercier les clients qui viennent à la boutique depuis des années. Et cela a été très apprécié."

L'intérieur chaleureux, empreint de la créativité de Mariane, donne l'impression d'être à la maison, dans son propre salon

comme à la maison

Intérieur chaleureux

Lorsqu'on entre dans le Kookwinkel, on pose le pied sur le carrelage original posé par le grand-père Sacks en 1906. Et ce sol donne immédiatement le ton de ce qu'on va découvrir plus loin dans la boutique. L'intérieur chaleureux, empreint de la créativité de Mariane, donne l'impression d'être à la maison, dans son propre salon. "L'ambiance dans mon magasin est très importante pour moi. Ici, tout n'est pas soigneusement rangé par groupe de produits. Tout est mélangé, par couleur ou par fonction, fourré dans des armoires ou posé sur une table. Il faut que les clients puissent se perdre et explorer. Ceci dit, ça ne me facilite pas les choses: il m'arrive de passer une heure à chercher un produit au milieu du chaos. Souvent, je me suis dit qu'un produit se vendrait mieux s'il était exposé de manière plus visible à l'avant du magasin. Mais je n'ai jamais été capable de m'éloigner de ma façon de décorer. Pour moi, créer un sentiment et une atmosphère est plus important que de vendre. Et au final, la vente suit d'elle-même."

La vitrine comme exutoire créatif

"Ma vitrine est l'accroche-regard de mon magasin. J'ai six grandes fenêtres qui courent sur deux murs, ce qui fait beaucoup de mètres que je peux utiliser pour attirer l'attention des clients existants et nouveaux." Et Mariane le fait avec aisance. Pour elle, la vitrine est l'endroit où elle peut déployer toute sa créativité. Et elle va loin dans ce domaine. Des lustres faits maison, des peintures qu'elle a réalisées elle-même et un mode d'étalage plutôt éclectique... tout cela attire immédiatement le regard des passants. "Une fois, j'ai même trimballé une pierre de pompe en granit", dit-elle en riant. "Pour construire ma vitrine autour. En effet, c'est là que commence la création d'une atmosphère. Mais après 25 ans, cela devient un défi, on en oublierait presque de mettre les fleurs sur la table. Mais tout est dans les détails. D'ailleurs, je n'achète jamais de décorations de vitrine. Tout ce que j'expose dans ma vitrine peut être acheté. Si j'installe un sapin de Noël vers la période de fin d'année, les boules et les décorations de Noël sont à vendre."

Confirmé par les clients

Le fait que le travail que Mariane consacre à ses vitrines et à ses intérieurs porte ses fruits lui est confirmé par ses clients. "J'écoute ce que les clients se disent ici dans mon magasin. Ou je les entends chuchoter au téléphone: "Je suis au rayon cuisine". Cela me fait plaisir parce qu'ils se sentent bien ici. Ou encore, j'ai eu récemment un homme qui est venu pour acheter un cadeau et qui a dit qu'il pourrait vivre ici. Ou j'entends quelqu'un dire: "Je voudrais gagner au Lotto pour venir acheter tout le magasin". Je conserve toutes les déclarations des clients dans un carnet, pour me rendre compte que j'ai créé quelque chose de beau ici et que je fais toujours du bon travail."

un bel intérieur n'est rien

Sans une offre solide

Cependant, la décoration intérieure n'est rien sans une offre solide pour la remplir, jure Mariane. "J'ai des marques avec lesquelles je travaille depuis 25 ans, mais j'aime toujours acheter de nouvelles choses. Et je le fais entièrement à l'instinct. Parfois même à contre-courant", dit-elle en riant. "Si un représentant me présente quelque chose, je vais très souvent vers le produit qu'il ne montre pas. Je choisis tout en fonction de ce que j'aime moi-même, et par là, il faut comprendre 'ce que mes clients aiment'. Je dois regarder dans la même direction que mes clients. Si je n'achetais que ce que j'aime, je ne pourrais pas toucher tout mon public. C'est aussi la raison pour laquelle je préfère me rendre seule dans les salons. Je connais mes clients et je sais ce qui va marcher. Si une personne m'accompagne, elle examine les choses à partir de ses propres préférences et cela m'a déjà influencée de manière négative."

Un grossiste de confiance

En outre, Mariane fait aveuglément confiance aux grossistes avec lesquels elle travaille depuis le début. "A l'époque, ils venaient encore avec des valises remplies de matériel et ça fonctionnait bien. Il est toujours bon de voir, de toucher et de tester un produit. Mais je suis en phase avec les grossistes avec lesquels je travaille depuis si longtemps. Je pense par exemple à Kook51. C'est deux filles, comme moi, incarnant la troisième génération, qui ont repris l'affaire. Nous sommes vraiment sur la même longueur d'ondes, tant dans la vie qu'au travail. Si elles me recommandent un produit, je peux l'inclure en toute confiance dans ma boutique. Par ailleurs, j'aime aussi me rendre aux salons pour trouver de nouvelles choses. Là, je regarde autour de moi avec la plus grande attention et au premier coup d'oeil, je sais où je dois aller."

Clients roses

Les clients considèrent Mariane comme une visionnaire en matière d'offres. Les objets qu'elle vend sont souvent en avance sur les tendances. "Le seul exemple que je peux citer à cet égard est celui des casseroles roses", dit-elle en riant. "Il y a quelques années, je voulais des casseroles roses dans la gamme parce que j'étais sûre à 100% d'avoir un public pour elles - je les appelais mes clients roses. J'ai abordé plusieurs marques, et même si certaines fabriquaient des casseroles roses, elles ne les vendaient qu'au Japon, à l'époque. Elles disaient qu'il n'y avait pas de marché pour ça en Belgique. Maintenant, on voit des casseroles roses partout. Je pense que la couleur est très importante. Même si le noir, le blanc et l'acier inoxydable se vendent mieux, ce sont les couleurs dans ma vitrine qui attirent l'attention."

"Ne rien vendre, c'est aussi vendre"

Les connaissances et les conseils sont un service très important pour Mariane. "Lorsque les clients viennent ici, il est plus important pour moi de les aider que de réaliser une vente. Parfois, ils ont déjà beaucoup de casseroles à la maison et mon seul conseil est que la casserole qu'ils recherchent se trouve déjà dans leur placard. Dans ce cas, je ne vends rien. Mais cela représente aussi une vente, car ces personnes reviendront et commenceront à parler de ma boutique. Il en va de même pour l'acceptation des retours de produits qui n'ont pas été achetés chez moi. C'est un service pour moi, car je représente cette marque. Et rendre le shopping amusant est un service important. Chaque cadeau, de 1 à 1.000 euros, est emballé avec amour et attention. Même si les clients affirment qu'il n'est pas nécessaire de prévoir un bel emballage, j'insiste. Je suis la pro des emballages cadeau!", s'amuse Mariane.