La réutilisation de l'eau profite à l'industrie alimentaire

Fevia Vlaanderen a élaboré, en collaboration avec certains partenaires, dont Vlakwa (Centre flamand de connaissances sur l'eau), une brochure et un guide complet contenant des conseils sur la réutilisation de l'eau. Dans le contexte d'une raréfaction mondiale de l'eau, de l'augmentation des coûts et de diverses dispositions légales, ils offrent aux entreprises alimentaires un outil utile pour la mise en œuvre de mesures de durabilité.

Une action urgente s'impose

Bien que la surface de la Terre soit constituée d'eau à environ 70%, le problème de la pénurie d'eau ne sera pas résolu tant que nous ne disposerons pas de la technologie permettant de convertir l'eau salée en eau potable à grande échelle et de manière abordable. Cette pénurie est en premier lieu due à l'augmentation de la population mondiale. Si nous faisons un zoom sur la Belgique, nous constatons que le problème réside généralement dans une densité trop élevée de la population mais aussi des entreprises industrielles et agricoles. En outre, cela fait des années que le réchauffement climatique exacerbe le problème de la pénurie d'eau.

Le gouvernement, les particuliers et les entreprises peuvent tous prendre des mesures pour faire face aux pénuries d'eau. Pour l'industrie alimentaire, il existe de nombreuses possibilités dans le domaine de la réutilisation de l'eau.

Chez un producteur laitier, l'eau du produit devient de l'eau potable 
Ruben Puype, responsable du développement durable chez Milcobel: "Nous tirons toute notre eau circulaire de notre lait. Dix litres de lait donnent environ un kilo de fromage ou de poudre. La fraction restante est principalement de l'eau, que nous récupérons et purifions pour obtenir une qualité d'eau potable. Ce que nous ne faisons pas encore, c'est purifier nos eaux usées pour en faire de l'eau potable à usage interne. Il est prévu de le faire sur le site de Langemark, à partir de 2027. Avec cette réutilisation supplémentaire de l'eau, nous aurons même un excédent net d'eau. Nous ne vendrons pas cette eau comme eau potable, car c'est le privilège des compagnies d'eau potable.

l'utilisation circulaire de l'eau devient la règle

"Les entreprises alimentaires doivent tenir compte de toutes sortes de réglementations dans leur politique en matière d'eau, imposées par les différents niveaux de gouvernement", explique Liesje De Schamphelaire, conseillère au département Environnement et énergie de la Fevia, la Fédération de l'industrie alimentaire belge. Elle est responsable des dossiers concernant les aspects environnementaux de l'utilisation de l'eau dans ce secteur. "Au niveau fédéral, il y a la question de la sécurité alimentaire, qui est contrôlée par l'AFSCA. Les régions imposent des règles sur le déversement des eaux usées, le pompage des eaux souterraines, etc. Elles contribuent à ce que nous puissions atteindre les objectifs globaux de la directive-cadre européenne sur l'eau, à savoir atteindre un bon état de toutes les rivières, eaux souterraines, etc. En ce qui concerne spécifiquement la réutilisation de l'eau, il existe au niveau européen un règlement sur la réutilisation de l'eau des stations d'épuration publiques dans l'agriculture, un règlement qui a été introduit en réponse à la pénurie croissante de l'eau."

De plus en plus d'entreprises se demandent ce que la réutilisation de l'eau peut leur apporter. Fevia a participé au projet CARVE (Récupération des eaux usées sans produits chimiques dans l'industrie alimentaire), qui s'est déroulé dans le cadre de l'appel ouvert Vito-Vlakwa et qui a testé  des installations de réutilisation de l'eau dans des PME. Les partenaires ont recueilli de nombreuses informations qui pourraient servir de base à une ligne directrice pour un projet de réutilisation de l'eau. "Cependant, nous avons obtenu un document plutôt technique, explique De Schamphelaire, et nous avons pensé qu'il serait intéressant de présenter le sujet dans une brochure plus accessible. Cette brochure explique de manière compréhensible les avantages et les points les plus importants de la réutilisation de l'eau pour les entreprises alimentaires."

"Lors de la rédaction des documents, le sujet figurait également à l'agenda du gouvernement flamand, sous la forme du Blue Deal contre la pénurie d'eau. Celui-ci met en avant l'eau circulaire comme la règle pour les secteurs prioritaires. La Wallonie mise également sur la réutilisation de l'eau, à travers sa stratégie Circular Wallonia."

"Afin d'amortir l'impact de la pénurie d'eau et des mesures de sécheresse, il est intéressant pour les entreprises alimentaires de voir si elles peuvent intégrer des techniques de réutilisation de l'eau dans et autour de leur production."

Cinq avantages de la réutilisation de l'eau
En réutilisant l'eau :
- une entreprise peut réutiliser en moyenne 50 à 80 % des eaux usées traitées
- une entreprise est moins vulnérable aux sécheresses prolongées, aux plans d'arrêt ...
- une entreprise a des coûts moindres pour l'achat ou le pompage de l'eau et le traitement de l'eau de process est moins cher (moins d'énergie et de produits chimiques)
- une entreprise se conforme à la législation future, car le gouvernement flamand s'engage pleinement en faveur de l'utilisation circulaire de l'eau
- une entreprise qui a atteint sa limite de déversement sans réutilisation, peut encore se développer.

économiser à différents niveaux

"L'eau coûte de l'argent. Au prix de l'eau s'ajoutent les prélèvements, les coûts de pompage, de purification, etc. Ainsi, plus une entreprise réutilise l'eau, moins elle devra prélever d'eau douce, et plus les coûts associés seront faibles. Si une entreprise doit prélever moins d'eau, elle doit aussi moins prétraiter, car l'eau circulaire a déjà été prétraitée. Enfin, à la fin du processus, l'entreprise se retrouve également avec moins d'eaux usées, ce qui peut également réduire le coût du déversement."

"La réutilisation permet d'atténuer l'impact de la pénurie et des mesures de sécheresse"

extension des capacités

"Certaines entreprises ont atteint leur limite de déversement en termes de charge polluante dans les eaux usées et ont donc des difficultés à se développer davantage, car elles n'obtiennent plus de licence pour leur situation de déversement. VMM souligne que la réutilisation de l'eau peut encore rendre l'expansion possible pour ces entreprises. Avec la réutilisation, il faut adoucir moins d'eau souterraine ou d'eau du robinet, ce qui réduit la charge en sel des eaux usées."

"D'autre part, le volume des eaux usées est plus faible avec la réutilisation, mais la concentration est plus élevée, ce qui peut entraîner des problèmes en termes de permis de déversement. Concrètement, pour chaque entreprise et chaque situation, il est nécessaire de considérer l'impact du déversement par rapport aux eaux réceptrices au lieu de déversement. Les entreprises doivent examiner les possibilités en termes de déversement en consultation avec VMM."

Les eaux usées circulaires sont sans danger pour les aliments

Une entreprise alimentaire doit utiliser une eau de qualité potable pour la plupart des processus: pour toute l'eau qui entre en contact direct ou indirect ou qui peut entrer en contact avec le produit. Beaucoup se demandent si les eaux usées traitées peuvent offrir cette qualité. En fait, il s'agit d'utiliser les techniques de manière à garantir la qualité de l'eau potable. Dans ce cas, l'AFSCA permet l'utilisation des eaux usées purifiées pour toutes les applications possibles.

"Pensez par exemple à l'eau qu'une entreprise alimentaire utilise pour nettoyer les murs ou les sols. Pendant ce processus de nettoyage, des éclaboussures d'eau peuvent se produire sur les installations, l'eau doit donc être de qualité potable. En pratique, si vous voulez une exception à la règle de la qualité de l'eau potable, vous devez soumettre une demande accompagnée d'une analyse des risques à l'AFSCA, l'organe qui prend les décisions. Une qualité inférieure à celle de l'eau potable est possible, par exemple, si la circulation de l'eau est garantie dans un processus entièrement clos."

Les eaux usées deviennent de l'eau potable dans une brasserie
Jan Adriaensens, directeur de production à la brasserie trappiste Westmalle: " En 2017, nous avons installé une installation d'osmose inverse, avec laquelle nous purifions les eaux usées qui passent par notre station d'épuration MBR pour obtenir une qualité d'eau potable. Alors que nous avions jusqu'à 12 litres d'eaux usées par litre de produit fini, nous en avons plus que 5,5 en 2020. Grâce à l'osmose inverse, nous devons également pomper beaucoup moins d'eau souterraine, car nous pouvons désormais réutiliser plusieurs fois une quantité considérable d'eau circulaire. Nous utilisons cette eau pour rincer les chaudières, les réservoirs et les tuyaux, et nous l'utilisons également pour les solutions de nettoyage et de désinfection dans les installations CIP. En principe, nous pouvons aussi utiliser cette eau potable pour la brasserie, mais nous ne le faisons pas. La première raison est liée au processus. Le processus d'osmose inverse extrait les minéraux qui sont importants pour le goût et pour le bon déroulement du processus de brassage. L'autre raison est l'idée répandue - bien qu'injustifiée, il est vrai - que l'utilisation d'eaux usées recyclées dans les processus alimentaires est dangereuse."

D'autres brasseurs sont également conscients du problème. Johan Frooninckx, Process & Project Engineer Utilities (Brasserie AB InBev): "Nous avons un accord avec AB InBev Global pour n'utiliser l'eau circulaire que là où elle n'entre pas ou ne peut pas entrer en contact direct avec le produit. Cependant, nous travaillons avec De Watergroep sur une certification qui garantit la qualité de l'eau potable. Si un site peut démontrer qu'il est sûr de cette manière, nous pouvons plus facilement "greffer" cette technologie sur nos nombreuses autres brasseries. De cette façon, non seulement nous consommons beaucoup moins à grande échelle, mais nous prouvons au monde entier que la réutilisation des eaux usées est effectivement sûre."

COMBIEN COÛTE LA RÉUTILISATION DE L'EAU ?

Le démarrage d'un projet de réutilisation de l'eau implique certains coûts, comme ceux de l'installation et ceux de l'étude de faisabilité et d'impact. Néanmoins, selon De Schamphelaire, les entreprises doivent garder une vue d'ensemble. "De nombreuses possibilités d'économies attendent ceux qui osent investir dans la réutilisation de l'eau", conclut-elle.

Vous vous lancez vous-même dans la réutilisation de l'eau?
Via le site de Fevia, vous pouvez télécharger une brochure abrégée sur la réutilisation de l'eau ainsi qu'une version plus détaillée.