Comment réaliser des ouvertures dans les maçonneries existantes?
Afin de créer de plus grands espaces, voire de gagner en luminosité, il est fréquent que l’on supprime des murs de maçonnerie ou qu’on les modifie en réalisant de nouvelles ouvertures. Pour garantir la stabilité durant les travaux et une fois ceux-ci terminés, l’entrepreneur doit respecter certaines règles ainsi que les prescriptions de l’architecte et d’un bureau d’études en stabilité.
Charges à considérer
Le choix de la technique d’exécution et le dimensionnement du futur linteau, mais également le choix du dispositif de soutien temporaire durant les travaux, nécessitent de tenir compte des charges sollicitant la maçonnerie.
Lorsque la hauteur de la maçonnerie au-dessus d’un linteau est suffisante, c’est-à-dire lorsqu’elle est supérieure à la moitié de la longueur de l’ouverture, un arc de décharge se forme dans la maçonnerie. Les charges appliquées au-dessus de cet arc ne sont pas supportées par le linteau, mais par les maçonneries adjacentes. La surface comprise entre l’arc de décharge et le linteau peut être représentée par un triangle (voir figure 1).
Lorsqu’aucune charge supplémentaire (poutre, plancher …) n’agit sous le sommet de ce triangle, le linteau ne supporte que son poids propre et celui du triangle de maçonnerie. Dans les cas contraires, très fréquents, on tiendra compte également de toutes les charges ponctuelles ou réparties.
La réalisation d’ouvertures dans les maçonneries portantes ainsi que la suppression de ces dernières amoindrissent la résistance globale du bâtiment, en particulier lorsque celui-ci est confronté à des charges horizontales (vents, séismes …). En fonction de l’importance de ces sollicitations potentielles, le bureau d’études considérera des limites dans le nombre et l’étendue des ouvertures pour que le bâtiment conserve sa stabilité d’ensemble, à moins de prévoir des mesures de renforcement localisées.
Techniques de réalisation d’ouvertures
En général, on pourra réaliser des ouvertures sans mesures particulières (étaiement …) quand, simultanément:
- leur longueur est inférieure ou égale à 1 m (ouverture de porte, par exemple);
- la maçonnerie est pleine et en bon état (cohésive et exempte de fissures);
- la hauteur de la maçonnerie est telle qu’un arc de décharge se forme sans charge supplémentaire sous le sommet du triangle (voir figure 1).
Le nouveau linteau assurera au final le maintien à long terme du triangle de maçonnerie.
Dans les autres cas, les principales techniques de réalisation d’ouvertures, brièvement décrites et illustrées ci-après, ont en commun de garantir un soutien temporaire pendant les travaux et d’offrir ensuite un soutien définitif à l’ouvrage final.
La plupart de ces méthodes nécessitent une opération essentielle: le matage adéquat, c’est-à-dire le calfeutrage optimal des cavités (entre le nouveau linteau et la maçonnerie, par exemple) à l’aide d’un mortier de rebouchage sans retrait. Le linteau peut in fine être enrobé ou habillé au besoin (résistance au feu, par exemple).
Méthode des deux demi-linteaux
Cette méthode consiste à créer une première entaille horizontale sur la moitié de l’épaisseur du mur et d’y poser un demi-linteau avec matage (voir figure 2). On procède de la même manière pour l’autre moitié de l’épaisseur du mur avant d’éliminer la maçonnerie sous les demi-linteaux.
Cette méthode, qui est à éviter notamment en cas de grandes portées, impose de s’assurer de la stabilité du mur au droit de la section affaiblie, car le risque de flambage (voir figure 3) et d’écroulement est élevé. Une alternative plus sécuritaire consiste à limiter les entailles au tiers de l’épaisseur de la maçonnerie et à mettre en oeuvre des linteaux moins larges.

Méthode par chevalement et étaiement
En présence d’un mur de forte épaisseur et/ou d’une structure de plancher non continue de part et d’autre de la maçonnerie, on privilégiera la méthode par chevalement et étaiement (voir figure 4 et figure 7). Celle-ci consiste:
- d’abord, à réaliser au-dessus de la future ouverture des percements ponctuels espacés de quelques dizaines de centimètres (sans jamais dépasser 1 m);
- ensuite, à placer avec matage des profilés de chevalement (traverses) perpendiculairement au mur. Ceux-ci reposeront sur des étançons placés à chacune de leurs extrémités;
- puis, à créer l’ouverture en démolissant la maçonnerie sous-jacente;
- enfin, à placer le linteau définitif (éventuellement constitué de plusieurs éléments) avec matage avant d’enlever les étançons et les profilés de chevalement.
Méthode des tabourets
Utilisée notamment lorsque l’accès à des éléments préfabriqués est problématique, la méthode des tabourets (voir figure 5) consiste:
- d’abord, à réaliser dans la hauteur du futur linteau des percements ponctuels espacés de quelques dizaines de centimètres (sans jamais dépasser 1 m);
- ensuite, à insérer avec matage les tabourets (voir figure 6) avant de démolir la maçonnerie entre les tabourets;
- puis, à mettre en place un armaturage adéquat avant de bétonner la poutre dans laquelle sont noyés les tabourets;
- enfin, à réaliser l’ouverture une fois que le béton a pris.
Usage averti d’étançons
Les moyens d’étançonnement et de soutènement devront permettre un accès aisé à la zone de travail. Pour ce faire, il convient de les écarter d’environ 1 m de la maçonnerie à démolir.
Les étançons, lorsqu’ils sont requis, devront supporter temporairement les charges considérées et les reporter vers la structure portante. Leur bon fonctionnement à l’étage concerné par les travaux peut nécessiter de les prévoir également aux étages inférieurs pour reporter les charges jusqu’aux fondations, ou de les appuyer à leur extrémité inférieure sur des poutrelles posées transversalement sur le mur porteur (voir figure 7).
Choix du linteau
Le linteau consiste généralement en un profilé métallique ou, plus souvent, plusieurs profilés juxtaposés pour former un linteau. D’autres solutions, comme les éléments préfabriqués en béton, le béton coulé in situ, les poutres en bois ou en pierre naturelle, ne sont pas exclues.
Un des critères de choix réside dans la facilité de manutention. Voilà pourquoi on considère en particulier la masse du linteau ainsi que les possibilités d’accès pour acheminer les éléments préfabriqués sur le lieu des travaux.
Le linteau de la future ouverture doit être dimensionné de sorte qu’il puisse résister aux charges avec suffisamment de sécurité tout en se déformant de façon limitée (maximum 1/500, voire 1/1.000 de la portée si la paroi supérieure comporte des ouvertures; voir à ce sujet la norme NBN B 03-003).
Appuis du futur linteau
La longueur d’appui des linteaux sera déterminée à l’aide de calculs de stabilité. Elle sera de préférence supérieure ou égale à 20 cm, mais en aucun cas inférieure à 10 cm.
En fonction de l’importance de la charge considérée et de la résistance de la maçonnerie, il sera peut-être requis de répartir les réactions d’appui de part et d’autre de l’ouverture créée, en interposant des asselets adaptés en béton armé (voir figure 8), voire en transférant les réactions d’appui au moyen de colonnes métalliques (jambages) vers la structure sous-jacente (voir figure 9). Cette dernière doit dès lors pouvoir reprendre les charges ponctuelles engendrées.
Protection des ouvrages
L’entrepreneur prendra toutes les précautions durant l’exécution des travaux pour éviter d’endommager les ouvrages non concernés. Ces derniers devront être suffisamment protégés. Si des réseaux sont présents (gaines, interrupteurs ou prises électriques, canalisations d’eau, de gaz ou de chauffage …), il faudra les dévier ou les mettre hors service.
Gestion des matériaux déposés
Il est recommandé d’envisager les possibilités de réemploi des matériaux qui seront déposés. Par exemple, si certaines briques pleines en terre cuite sont présentes en nombre suffisant, elles peuvent être récupérées et réutilisées, dans le même projet ou dans d’autres projets par l’intermédiaire de revendeurs de matériaux. Sinon, elles seront recyclées comme granulats via les centres de recyclage.
Avertissement
Même si les travaux sont réalisés conformément aux recommandations de cet article, la réalisation d’ouvertures dans une maçonnerie portante crée inévitablement un nouveau cheminement de la descente de charges. Celui-ci modifie la réponse structurelle de la maçonnerie et engendre une nouvelle distribution des contraintes et des déformations. Il peut en résulter des fissures d’ampleur limitée, parfois aux étages supérieurs, sans pour autant que la stabilité ne soit mise en péril.
Source: Dossier du CSTC 2022-01.08