La Belgique se chauffera-t-elle encore longtemps au gaz naturel?
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Aujourd'hui, environ la moitié des ménages belges se chauffent au gaz naturel. Comment cela va-t-il évoluer? Ce combustible fossile s'inscrit-il dans une stratégie globale visant la neutralité climatique? Dans cet article, nous nous concentrons sur un gaz alternatif dont les émissions sont beaucoup plus faibles (voire négatives dans certains cas): le biométhane. Cette source d'énergie est déjà plus largement déployée aujourd'hui et présente également plusieurs autres avantages.
Avec quoi nous chauffons-nous aujourd'hui?
Selon les dernières données disponibles, le gaz naturel reste la principale source de chauffage en Belgique, avec des pics de consommation importants durant les mois les plus froids (octobre à mars). Après la saison de chauffe 2023-2024, les réserves belges de gaz naturel se situaient à un niveau élevé, autour de 53,6% de capacité, ce qui était légèrement inférieur à la moyenne européenne, mais toujours plus élevé que d'habitude pour cette période de l'année.
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Suppression progressive et contrôlée du gaz naturel fossile
En tant qu'État membre de l'UE, la Belgique s'est engagée à atteindre les objectifs du Green Deal européen, qui comprend une réduction drastique des émissions de gaz à effet de serre – émissions nulles d'ici 2050'.
La transition énergétique vers un approvisionnement en énergie entièrement renouvelable nécessite l'utilisation d'un mélange de sources d'énergie aussi durables ('vertes') que possible.
Le gaz naturel n'est pas très performant à cet égard. La combustion de ce gaz fossile pour produire de l'énergie entraîne la formation de CO2. D'autre part, lors de l'extraction, du transport et/ou du stockage du gaz naturel, des fuites peuvent se produire – même si elles sont exceptionnelles.
Le gaz naturel est composé de 70 à 90% de méthane, qui a un potentiel de réchauffement global de 28, autrement dit, cela signifie qu'il retient la chaleur dans l'atmosphère 28 fois plus que le CO2.
Par conséquent, la part du gaz naturel dans le bouquet énergétique doit impérativement diminuer, et ce, au profit de sources d'énergie plus durables.
Bien entendu, le passage à ces alternatives ne se fera pas du jour au lendemain. Le gaz naturel restera en lice pendant un certain temps. Toutefois, la durabilité et l'efficacité sur l'ensemble du cycle de vie (production, distribution, stockage) peuvent être prises en compte au cours de l'élimination progressive.
À propos de Gas.be
Gas.be s'engage en faveur de gaz dont les émissions sont réduites, nulles voire négatives sur l'ensemble de leur cycle de vie (production, distribution et stockage). Elle s'engage également en faveur d'une consommation efficace et responsable du gaz naturel fossile encore utilisé aujourd'hui.
Le biométhane, une alternative plus durable
Plusieurs gaz à faible teneur en carbone sont considérés comme des alternatives au gaz naturel: le biométhane ('gaz naturel renouvelable'), l'hydrogène vert, le méthane synthétique (e-méthane), le biopropane... Dans cet article, nous nous concentrons sur le biométhane, pour lequel la technologie est déjà parfaitement au point pour une application à plus grande échelle aujourd'hui.
Processus de production du biométhane
Le biométhane est produit à partir du biogaz. La première étape de la production de biogaz consiste à collecter des matières organiques pour la décomposer lors d'un processus appelé digestion ou fermentation anaérobie: fumier organique de ferme, excédents de cultures, déchets alimentaires provenant d'usines ou de ménages, boues d'épuration...
Cette biomasse est prétraitée si nécessaire pour décomposer les grosses particules, éliminer les contaminants ou ajuster le taux d'humidité pour une fermentation optimale.
Elle est ensuite acheminée vers un digesteur anaérobie (cuve étanche et sans oxygène), où des micro-organismes décomposent la matière par étapes. Il en résulte du biogaz, qui se compose généralement de 50 à 70% de méthane, de 30 à 50% de CO2 et de digestat (un sous-produit riche en nutriments).
Le biogaz est collecté au sommet du digesteur et acheminé vers le stockage ou directement vers une usine de retraitement du gaz. Dans cette usine, la teneur relative en méthane est augmentée ('améliorée') pour atteindre généralement au moins 95% en éliminant les autres composants. Le 'biométhane' qui en résulte est comprimé à la pression requise pour être injecté dans le réseau de gaz naturel ou pour le transport (CBM).
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Avantages du biométhane
L'application du biométhane offre également de nombreux avantages supplémentaires.
Infrastructures existantes utilisables
Tout d'abord, le biométhane a pratiquement la même qualité et les mêmes caractéristiques que le gaz naturel et peut être injecté dans les réseaux de gaz naturel actuels pour les mêmes applications – y compris dans les systèmes de chauffage, de ventilation et de climatisation (chauffage des locaux et de l'eau, refroidissement par absorption, systèmes énergétiques de quartier...) – sans aucune modification préalable de l'infrastructure.
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"Un avantage important du biométhane est que les gazoducs sont déjà présents, il n'y a donc pas de coûts d'investissement supplémentaires dans ce domaine", explique Dirk Focroul, Green Gas Business Developer chez Gas.be.
"L'un des avantages clés lors de l'utilisation du biométhane est que les gazoducs existent déjà"
"Aujourd'hui, 0,5 TWh de biométhane est déjà injecté en Belgique. À moyen terme, ce chiffre pourrait facilement être porté à 10, 12, voire 15 TWh, à partir de matières premières belges."
L'installation la plus récente en Belgique est celle de Bio Blue, à Ypres (2022), qui reste aujourd'hui le plus grand digesteur agro-industriel flamand injectant du biométhane dans le réseau de gaz. D'ici la fin de l'année, deux installations similaires injectant du biométhane à Lommel (Green Logix) et à Bree (Biogas Bree) viendront s'y ajouter.
Une charge de base plus cohérente
"De plus, aucun renforcement du réseau n'est nécessaire", poursuit Dirk. "Les problèmes tels que l'intermittence ou les pics de consommation sont traités par les opérateurs d'électricité. Contrairement à certaines énergies renouvelables comme l'éolien et le solaire, le biométhane peut fournir une charge de base constante, ce qui contribue à stabiliser le réseau électrique et à compenser l'intermittence des énergies renouvelables."
Recyclage des déchets et économie circulaire
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L'inclusion de flux de déchets organiques à la base de la production de biométhane permet de réduire les déchets qui, autrement, seraient mis en décharge ou devraient être éliminés par d'autres moyens. La fraction liquide du digestat dans la production de biogaz peut être traitée pour être réutilisée comme engrais ou eau d'irrigation dans l'agriculture. La production de méthane favorise ainsi une agriculture plus durable.
La fraction liquide peut également subir un traitement supplémentaire pour éliminer les impuretés et les agents pathogènes, de sorte qu'elle puisse être utilisée à des fins industrielles ou pour être recirculée dans l'installation de fermentation anaérobie elle-même.
Production locale et sécurité énergétique
"En outre, le biométhane, en tant qu'élément du bouquet énergétique, contribue à notre sécurité énergétique et nous rend plus résistants", explique Dirk. "Il peut être produit localement à partir de matières organiques facilement disponibles."
"D'une part, cela crée de l'emploi. D'autre part, il n'y a pas d'avenir pour le gaz biométhane sans tenir compte du rôle des agriculteurs. L'application du biométhane ouvre de nouvelles sources de revenus pour le secteur agricole. En outre, elle réduit notre dépendance à l'égard des combustibles fossiles importés."
"L'application du biométhane ouvre de nouvelles sources de revenus pour le secteur agricole"
"Nous pouvons compléter notre production locale d'énergie par des importations lorsque cela est nécessaire, grâce au système de certification des garanties d'origine (GO). Celles-ci garantissent que l'électricité a été produite à partir de sources d'énergie renouvelables. Aujourd'hui, par exemple, la Belgique importe de l'électricité verte produite à partir de l'énergie hydraulique d'Islande et de Norvège, et de l'énergie éolienne et solaire d'Espagne. Un système similaire est en cours d'élaboration pour le biométhane."
Des émissions nulles, voire 'négatives'
Le biométhane est généralement considéré comme renouvelable s'il est produit à partir de ressources durables et renouvelables telles que les déchets agricoles, les déchets organiques ou les cultures énergétiques ('CO2 biogène').
Il est considéré comme neutre en carbone ou 'vert' si le carbone libéré lors de la combustion est compensé par le carbone absorbé lors de la croissance de la matière organique.
Dans certains cas, la production de biométhane peut même entraîner des émissions nettes négatives.
L'une des façons d'y parvenir consiste à utiliser des déchets organiques (principalement du fumier) qui, autrement, émettraient du méthane, ou par le captage et le stockage du carbone (CSC) au cours du processus de production.
Ce CO2 capturé peut ensuite être transformé en certains produits, comme les briques. Il peut également être comprimé et refroidi pour être converti sous forme liquide (liquéfaction) en vue d'une utilisation dans l'industrie. Ce processus se développera davantage dans les années à venir.
Au terminal LNG de Zeebrugge, la liquéfaction du biométhane est utilisée pour produire du bio-LNG destiné au transport de marchandises lourdes et aux navires. Un autre exemple d'application est le bioGNV (forme renouvelable de GNV obtenue à partir de biométhane) qui sert de carburant pour les véhicules.
Ces procédés peuvent permettre d'éliminer plus de CO2 de l'atmosphère qu'il n'en est émis, ce qui fait du biométhane une source d'énergie potentiellement neutre sur le plan du carbone.
Contribution à la production d'hydrogène
Le vaporeformage du méthane (steam methane reforming ou SMR) est à ce jour la technique la plus utilisée pour la production d'hydrogène. Dans ce processus, le méthane et l'eau réagissent pour former du monoxyde de carbone et de l'hydrogène (CH4 +H2O= CO + 3H2).
Traditionnellement, le gaz naturel sert ici de source de méthane. Le biométhane peut progressivement se substituer à ce gaz naturel, contribuant ainsi à rendre le processus SMR plus durable.
Le biométhane, première étape logique
En raison des avantages mentionnés, l'utilisation du biométhane est une première étape logique pour réduire la consommation de gaz naturel.
L'utilisation de pompes à chaleur hybrides, dont la popularité ne cesse de croître, constitue une deuxième partie de la solution.
Il peut s'agir de méthane à faible teneur en carbone (gaz de synthèse, gaz E) ou d'hydrogène à faible teneur en carbone. Le CSC et la CCUS peuvent également rendre les processus correspondants plus écologiques.
Enfin, la part des gaz 'verts' entièrement renouvelables dans le bouquet énergétique augmentera également, une fois que les technologies sous-jacentes seront pleinement en place et pourront être déployées à plus grande échelle.
Merci à Gas.be pour sa contribution