Les contrats de chaleur, l'avenir?
"Il est conseillé aux installateurs de surveiller leur indépendance"
71% des entreprises d'installation belges travaillent sans personnel. Cela fait de Bouwunie, qui représente les intérêts des indépendants et des PME, l'interlocuteur idéal pour recenser les principaux défis et solutions pour le secteur HVAC. Jean-Pierre Waeytens, administrateur délégué de Bouwunie, et Jean-Pierre Geerts, président de Bouwunie Technieken, partagent le même avis: "Pour les PME, la paperasserie reste la plus grande menace." Bien que pour le secteur des installations, ils s'inquiètent également du pouvoir croissant des fournisseurs d'énergie et des fabricants.
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RÔLE AU SEIN DE LA BOUWUNIE
Après une courte carrière chez Liantis, Jean-Pierre Waeytens est entré chez Bouwunie en 1999 en tant que conseiller socio-fiscal. Il est ensuite devenu secrétaire général pour faire preuve de plus de fermeté lorsqu'il s'agit de défendre son organisation au sein des organes consultatifs. Ses chevaux de bataille? La législation sociale et la fiscalité, avec au premier plan la lutte contre la paperasse et le dumping social. Depuis 2018, Jean-Pierre Waeytens est l'administrateur délégué de Bouwunie.
Jean-Pierre Geerts a commencé sa carrière comme installateur. Après avoir travaillé pendant huit ans pour une grande puis une petite entreprise d'installation, il a créé sa propre entreprise, Plumco, en 1995. Ses sujets de prédilection? Écologie, énergies renouvelables et circularité. Il est actif au sein du conseil d'administration de Bouwunie depuis près de vingt ans et est président de Bouwunie Technieken depuis six ans.
DÉFIS À COURT TERME
hausses des prix et délais de livraison
Les défis pour le secteur de l'installation, et pour le secteur de la construction en général, sont légion. À court terme, les augmentations de prix constituent une lourde charge pour les entreprises d'installation. "Cela a l'apparence de l'opportunisme des grands fabricants", estime Jean-Pierre Geerts. "Comment expliquer autrement que les prix des métaux et de l'électronique baissent depuis des mois et que pourtant les prix des chaudières continuent d'augmenter? Je reçois des augmentations de prix, courriel après courriel, sans aucune explication. Une explication que je dois néanmoins à mes clients. Avec Bouwunie, nous aidons nos membres à formuler un bon argumentaire vis-à-vis de leurs clients afin qu'ils n'aient pas à supporter eux-mêmes les hausses de prix et qu'ils puissent continuer à entretenir une bonne relation avec leur client."
Geerts: "Les délais de livraison dépassent toute limite. Les pompes à chaleur pour lesquelles il faut attendre un an ne font pas exception. Mais malgré tout, notre secteur se maintient. La crise énergétique a ,engendré une forte demande de nouveaux systèmes énergétiques et, par conséquent, plus de travail que les installateurs ne peuvent fournir."
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DÉFIS À LONG TERME
Moins de paperasse et plus de travail
"Il y a aussi des problèmes structurels qui perturbent le marché de la construction", explique Jean-Pierre Geerts. "Songez juste aux tracasseries administratives. Cela reste une épine dans le pied pour une PME belge. En moyenne, un indépendant ou une PME du secteur du CVC consacre 40 % de son temps à l'administration. Il ne reste donc que 60% pour l'exécution. Seulement 60% de temps pour gagner de l'argent."
Jean-Pierre Waeytens ajoute: "Les grandes entreprises emploient une équipe d'employés pour s'occuper de l'administration. Les indépendants et les dirigeants de PME doivent s'en charger eux-mêmes. Depuis 23 ans que je travaille pour Bouwunie, je n'ai pas vu la charge administrative diminuer. Aujourd'hui, de nouvelles obligations s'ajoutent encore aux anciennes. Depuis des années, Bouwunie applique l'adage suivant: une nouvelle obligation ne peut être introduite que si deux obligations sont d'abord abolies."
"Malheureusement, les décisions politiques laissent parfois à désirer", poursuit Jean-Pierre Waeytens. "Il y a l'afflux important de sous-traitants étrangers suite à l'ouverture des frontières européennes. Par ailleurs, les gouvernements successifs ne cessent d'ajouter de nouvelles réglementations. Le problème est que les entreprises malhonnêtes continuent de les ignorer, tandis que nos PME et nos indépendants croulent sous la paperasserie."
Apprendre dans l'atelier
"Comme dans tous les secteurs de la construction, le secteur de l'installation connaît également une pénurie de personnel. Bien que notre secteur gagne en popularité", affirme Jean-Pierre Geerts, "Nous constatons une forte augmentation du nombre de débutants. Seul inconvénient: ce sont souvent des jeunes sortis de l'école qui créent une nouvelle entreprise et, à mon avis, ils n'ont pas toujours les compétences suffisantes pour fournir un travail de qualité. D'après une enquête menée auprès de nos membres, il est certain qu'il faut au moins 6 à 7 ans d'expérience professionnelle avant de pouvoir se proclamer un installateur compétent."
"L'éducation doit être réformée de toute urgence", précise Jean-Pierre Waeytens. "Par exemple, quelqu'un peut-il m'expliquer comment il est possible que les chaudières à mazout soient interdites depuis 2022, mais que les niveaux de réussite finaux indiquent toujours que les étudiants doivent être capables d'installer et d'entretenir des chaudières à mazout?". Et qu'il n'est toujours pas question d'un module de pompe à chaleur ? Alors que le même gouvernement impose les pompes à chaleur à notre population ? Ce n'est pas une politique cohérente."
"Chez Bouwunie, nous sommes un grand défenseur de l'apprentissage dual à 100%", poursuit Jean-Pierre Waeytens. "En effet, le chantier garde toujours une longueur d'avance sur l'éducation en termes d'innovation et de technologie. Aujourd'hui, cependant, le double apprentissage a une connotation négative. Cela doit changer. Le double diplôme devrait être assimilé à celui de l'enseignement secondaire à temps plein, de sorte que les personnes titulaires d'un double diplôme puissent également étudier dans une &école supérieure ou une université. C'est déjà le cas en Allemagne, en Suisse et en Autriche. Ce n'est que si un double diplôme est revalorisé ici, que les formations aux métiers cu bâtiment seront relancées."
Jean-Pierre Waeytens: "Le double diplôme devrait être assimilé à celui de l'enseignement secondaire à temps plein, afin que les personnes titulaires d'un double diplôme puissent également étudier dans une école supérieure ou une université"
"Bouwunie est fortement engagée dans cette voie", poursuit Jean-Pierre Waeytens. "Avec notre campagne d'image sectorielle nationale 'De bouw kijkt verder', nous voulons passer les dix prochaines années à travailler sur l'image du secteur de la construction et à convaincre les parents et les élèves de choisir une formation aux métiers du bâtiment dans l'enseignement secondaire. Nous continuons également à plaider auprès du ministre de l'éducation pour qu'un élève ne doive pas nécessairement être scolarisé à temps plein pour obtenir un diplôme de qualité. Au contraire."
"Nous pensons que le recours à des installateurs indépendants est également une solution à la pénurie de personnel", poursuit Jean-Pierre Waeytens. "Jusqu'à aujourd'hui, le recours à des freelances dans le secteur de la construction est considéré comme un faux travail indépendant et est punissable. Nous aimerions que cela soit perçu autrement. Un freelance est et reste un indépendant. Vous décidez du prix auquel vous travaillez et des projets que vous acceptez."
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Chaleur à vendre
"Si vous travaillez pour un géant de l'énergie aujourd'hui, vous n'avez pas cette indépendance. Les géants de l'énergie vendent aujourd'hui de la chaleur", affirme Jean-Pierre Waeytens. "Tout comme vous prenez un abonnement téléphonique. Le système de chauffage n'appartient plus au client, mais au fournisseur d'énergie. Et le géant de l'énergie? Il rachète des sociétés d'installation entières, personnel compris, réduisant ainsi l'installateur au rôle d'exécutant servile."
"Les fabricants de chaudières cherchent depuis de nombreuses années un modèle de marché pour la location de systèmes de chauffage", explique Jean-Pierre Geerts. "Cependant, pour les fabricants, c'est un trop grand risque de mettre un tel plan sur le marché. Aujourd'hui, ce sont les géants de l'énergie qui exploitent ce marché, et avec succès. Ils ont suffisamment de capital et sont des créanciers privilégiés, ce qui renforce encore leur position sur le marché. Dans une telle histoire, malheureusement, ce sont à nouveau les installateurs qui sont laissés pour compte. En effet, les particuliers ont aujourd'hui quasiment les mêmes conditions d'achat que les installateurs. Et cela pose un autre défi pour maintenir votre activité en tant qu'installateur."
"C'est pourquoi je pense qu'il est très important de mettre en avant votre propre entreprise et les services que vous offrez, et non les marques avec lesquelles vous travaillez", poursuit Jean-Pierre Geerts. "Je vois souvent des camionnettes où le nom de l'entreprise disparaît au second plan entre les marques avec lesquelles l'installateur travaille. À mon avis, ce n'est pas la stratégie la plus intelligente pour l'avenir."
Jean-Pierre Geerts: "Je vois souvent des camionnettes où le nom de l'entreprise disparaît au second plan entre les marques avec lesquelles l'installateur travaille. A mon avis, ce n'est pas la stratégie la plus intelligente pour l'avenir"
Conclure des partenariats
"Je conseille également aux installateurs de se former en permanence", confie Jean-Pierre Geerts. "Si vous travaillez dans le secteur du HVAC, vous choisissez en fait l'apprentissage tout au long de votre carrière. C'est aussi le moyen idéal de s'armer face aux défis futurs. Ceux qui veulent suivre le rythme ont un partenaire solide avec le CSTC. Ces dernières années, ils ont réussi à transmettre les résultats de leurs études et leurs conseils à l'entrepreneur de manière claire et accessible."
"La collaboration reste peut-être la clé la plus importante pour l'avenir", conclut Jean-Pierre Geerts. "Osez également entamer des collaborations avec vos concullègues. Pour les petites entreprises d'installation, je vois beaucoup de potentiel ici. Pensez à constituer des équipes ou à collaborer avec des entreprises d'installation spécialisées, par exemple, dans le soudage, les techniques de régulation ... Vous craignez les pièges lors de la conclusion de contrats de coopération? Bouwunie peut vous y aider!"