LA PROGRESSION DES PRAIRIES FLEURIES DEMANDE DES CONNAISSANCES SPECIALES

TOUT SUR LA STRUCTURE DU SOL, LES MELANGES FLORAUX ET LA STRATEGIE DE TONTE

Chaque professionnel du jardinage le sait: les prairies fleuries sont à nouveau en vogue. Souvent comme alternative aux prairies herbeuses, à la gestion des espaces verts publics et sur les terrains en friche. Hormis l'aspect décoratif, elles attirent des insectes utiles, tels que les papillons, les abeilles et les bourdons. L'aménagement exige des connaissances de la structure du sol des sortes de mélanges floraux et une stratégie de tonte adaptée. Nous vous apportons une réponse nuancée à de nombreuses questions. Car une prairie fleurie ne se choisit pas au hasard.

 

BIODIVERSITE

En raison du cycle répété de la tonte et de la fenaison, nous voyions auparavant partout des pâturages fleuris à la campagne. Mais l'expansion et l'agriculture intensive, avec notamment la surfertilisation et l'utilisation de produits phytosanitaires chimiques, ont entraîné des pâturages plutôt monotones avec peu ou pas de valeur écologique. Finie la diversité, finies les prairies fleuries. Ce qui restait, c'étaient souvent des terres arables peu attractives, des bordures de route et des terrains en jachère. Seules les variétés les plus résistantes et les plus compétitives survivaient: finie la diversité.

Forte progression

Ces dernières années, les prairies fleuries (ou champs de fleurs) sont en forte progression. Ces champs de fleurs sont une alternative bienvenue au gazon traditionnel, à fort coefficient de travail. De plus en plus de services publics sèment aussi des prairies fleuries comme autre choix pour la gestion traditionnelle des espaces verts. Ceci résulte en partie de l'interdiction depuis le 1er janvier 2015 de lutter les mauvaises herbes avec des pesticides. Les fleurs attirent par ailleurs les insectes, que les oiseaux apprécient. Il existe aussi de plus en plus de prairies fleuries pop-ups: sur des terrains en jachère, par exemple, encore en plein développement. Les communes peuvent inclure dans leurs prescriptions environnementales législatives l'obligation de prévoir des prairies fleuries.

 

ANALYSE DU SOL

L’état du sol de votre client est important pour aménager une prairie fleurie et choisir des semences de fleur. Une analyse du sol donne une idée du taux d’acidité, du type de sol, de la présence des différents nutriments et de la teneur en humus. Vous savez dans quelle mesure la terre est riche ou pauvre. Puis vous pouvez décider par exemple si un chaulage est nécessaire. Il vaut mieux prélever des échantillons à une profondeur de 10 à 20 centimètres et à différents endroits, afin d’avoir une meilleure vue globale de la parcelle entière. Vous pouvez vérifier par vous-même la différence entre par exemple un sol sablonneux, argileux ou glaiseux. Prenez un peu de terre et humidifiez-la. N’utilisez pas trop d’eau et frottez entre le pouce et l’index.

• Sol sablonneux: vous ne pouvez pas former de petites boules, le sol paraît un peu granuleux et ne colle pas.
• Sol limoneux sablonneux: le sol semble un peu granuleux au toucher, mais vous pouvez rouler une petite boule.
• Sol argileux sablonneux (limon argileux): Le mélange est un peu collant, vous pouvez en faire une petite boule.
• Véritable sol argileux: vous pouvez même plier la boule.

Pour chaque type de sol, il existe différentes sortes de mélanges floraux. La nature du sol détermine le choix de la variété de plante: acide, pH neutre ou calcaire. Bien entendu, vous pouvez influencer le taux d’acidité du sol, pour que chaque plante ou graine de fleur reçoit le milieu de culture idéal.

 

AVEC OU SANS GAZON

Premier point d'attention: optons-nous pour une prairie fleurie avec ou sans graminées? On s'attend à des graminées sur une prairie, mais vous pouvez opter sans crainte pour une prairie fleurie sans graminées. Si vous voulez des graminées, vous devez tenir compte que chaque sorte de mélange de semences et de fleurs ne s'utilise pas avec les graminées. Les graminées poussent vite et privent les jeunes plantes de beaucoup de lumière et de nutriments. En qualité d'expert en espaces verts, vous pouvez aussi choisir de semer immédiatement des graminées. La principale raison est que votre client cherche lui-même les variétés de graminées. Il ou elle préfère par exemple des variétés plus fines et à croissance lente, comme la flouve odorante, les amourettes communes, la crételle des prés et la fétuque rouge. A défaut, vous obtenez dans les prairies fleuries des variétés de graminées très générales, assez grossières et à croissance rapide, comme la houlque laineuse, la fétuque et le ray-grass anglais. Si vous voulez éviter ces variétés de graminées, il vaut mieux que le sol ne soit pas trop riche en nutriments. Autrement, vous revoyez pousser entre les plantes tôt ou tard, et dans ce cas-ci plutôt tôt, des variétés moins appréciées par votre client.

 

AMAIGRISSEZ LE SOL

Amaigrir a pour effet de diminuer les nutriments dans le sol. Après peu de temps, la vie souterraine se développera déjà et l'équilibre ente les nutriments, souvent très subtil, sera rétabli. Les semences peuvent pousser et les plantes qui poussaient, mais avaient disparu à cause du sol trop riche en nutriments, revivent. Evitez absolument de fertiliser! Cette fertilisation a pour seul effet que les graminées atteignent leur plein développement et que les fleurs sont totalement évincées et ne reçoivent plus de lumière, de nutriments et d'oxygène. Néfaste pour le développement du tapis floral espéré. Les prairies fleuries se développent le mieux sur des terres plus pauvres.

Ajouter du sable

Vous amaigrissez le sol plus vite en ajoutant du sable ou un sous-sol sablonneux. La couche de sol est d'abord creusée. L'inconvénient, ce sont bien entendu les coûts. Le déplacement de la terre proprement dite est une solution peu durable. Creuser le terrain crée des transitions entre sec et humide, riche en nutriments et pauvre en nutriments, acide et riche en calcaire. Les nutriments sont rincés des parties plus hautes vers les parties plus basses dans un terrain. Utilisez cette donnée dans l'aspiration à la diversité. On peut par exemple réaliser des monticules de la couche de culture riche en nutriments, recouverts par une couche plus maigre. Encore ce conseil: ce serait un gâchis de détruire irrémédiablement de précieuses structures paysagères ancestrales.

Tondre et évacuer

Une autre manière consiste à tondre et évacuer la végétation existante. Ce processus est accéléré en donnant un peu d'azote la première année, ce qui accélère la croissance de la végétation et améliore l'absorption de nutriments tels que le potassium et le phosphate. Vous tondez après l'ensemencement, parce que la plante a besoin de potassium et de phosphate. Naturellement, cette méthode est aussi contestée. Tondre après l'ensemencement engendre une métastase et vous n'êtes pas encore débarrassé de la végétation à croissance rapide. Pour épargner la structure du sol, vous devez veiller à ne pas tondre avec une machine lourde. Un point d'attention est que l'amaigrissement par la tonte ou le pâturage diminue vite, il est vrai, l'azote et du potassium dans le sol, mais ce phosphate reste dans le sol, parce qu'il est peu sensible à la lixiviation et est absorbé de façon limitée par les plantes. Ceci crée assez bien de végétation de rumex à feuilles obtuses, chardon et houlque laineuse. Diminuer le phosphate est fastidieux. Une solution est d'étaler un peu dans le temps le processus d'amaigrissement en donnant un peu d'azote au printemps pour stimuler la croissance des plantes et évacuer plus de phosphate. Il vaut mieux compter sur un délai d'au moins cinq ans pour transformer une terre riche en une terre pauvre.

SORTES DE MELANGES

Le choix de la sorte de mélanges de semences de fleur dépend de la durée souhaitée: nous distinguons les prairies fleuries annuelles et bisannuelles ou les prairies fleuries permanentes, avec des plantes permanentes. Selon le type de sol, différentes mélanges sont disponibles. Une bonne idée du sol est donc déterminante. Par ailleurs, il existe des mélanges plus intéressants pour le développement de la biodiversité et l'arrivée des abeilles et des bourdons. Il existe aussi des mélanges avec des fleurs et des plantes comestibles. Pour les annuelles ou bisannuelles, vous obtenez vite une grande splendeur de fleurs et beaucoup de couleur. Le travail paie et le résultat est immédiat. Mais comme toujours, il y a un revers à la médaille: après quelques années, vous devez à nouveau semer. Celui qui veut profiter des mêmes plantes pendant plusieurs années, opte pour des mélanges avec exclusivement des plantes persistantes. Une combinaison des deux est bien entendu possible. Pour les prairies fleuries à partir de quelques centaines de mètres carrés, on combine le plus souvent fleurs et graminées.

 

QUAND SEMER?

La durée de la floraison d'une prairie fleurie peut être anticipée par des bulbes et tubercules de fleurs. C'est joli et cela procure plus de pollen et de nectar pour les insectes. Il vaut mieux semer à partir de mi-mars/avril quand nous ne devons plus craindre de grandes périodes de gel. Les fleurs aiment le soleil. Encore un conseil: choisissez des variétés indigènes! Des espèces exotiques et des fleurs annuelles fleurissent vite, mais les insectes doivent toutefois consentir nettement plus d'efforts pour extraire le nectar de ces fleurs.

 

SEMER

Préparation

Avant d’ensemencer n’importe quel mélange, nous débarrassons la parcelle des mauvaises herbes et des graminées, si vous choisissez une prairie fleurie sans graminées.

• Grattez et évacuez le tapis de graminées. Intensif, mais la partie la plus riche du sol est ainsi éliminée.
• Couvrez le sol quelques mois avec un film opaque, afin que tout meure.
• Labourez le sol avant l’hiver, retournez le tapis de graminées au moins sur trente centimètres ou utilisez un herbicide sans effet secondaire.

Plan par étapes

• Maintenant que le sous-sol est prêt à l’ensemencement, nous utilisons une fraise de sol ou retournons la terre à la main.
• Ensuite, nous enlevons tous les détritus: des mauvaises herbes et racines aux pierres et autres imperfections.
• Répandez ensuite le mélange de semences de fleur. Le nombre de grammes de semence nécessaire par mètre carré dépend fortement du mélange et du fabricant. Cela se situe entre 1 et 5 grammes par mètre carré. Votre fournisseur de semences propose à chaque fois une dose à utiliser. Pour veiller à ce que les semences puissent être joliment réparties lors de l’ensemencement sur les surfaces à semer, les semences sont de préférence diluées avec un produit de remplissage.
• Puis, ratissez légèrement dans le sol. Attention de ne pas recouvrir entièrement les semences. Une couverture complète peut entraîner l’échec total de l’aménagement de la prairie fleurie. Les semences n’arriveront plus jamais à germination.
• Puis, arrosez le sol et gardez le sol bien humide les premières semaines.

TONDRE

Annuelle: une fois par an

Une prairie fleurie annuelle ne se tond qu'une fois par an. De préférence à la fin de la saison de floraison, en septembre/octobre. Encore ceci: laissez reposer le produit de la tonte durant quelques jours, afin que toutes les semences matures puissent aussi tomber. Mais ensuite, vous évacuez les déchets pour éviter d'enrichir le sol. Car l'enrichissement n'est pas bon pour les prairies fleuries. En vue du meilleur résultat, il vaut mieux traiter un peu superficiellement la couche supérieure chaque année, environ 5 centimètres. Et il est conseillé d'ajouter légèrement des semences dans les premières années. Les fleurs seront plus nombreuses et l'ensemencement est aussi plus robuste et plus durable.

Plantes persistantes

Une prairie fleurie persistante, avec des plantes persistantes, se tond une à deux fois par an. Dans la première année une fois, et uniquement en automne. Une seconde tonte se fait l'année suivante au printemps. Ceci se fait principalement sur les sols riches en nutriments, ce qui assure une croissance plus robuste des mauvaises herbes. Tolérer ces mauvaises herbes dépend du goût personnel de votre client. Une tonte en phases est aussi une option. On peut parfaitement tondre une première partie de la prairie fleurie début juillet et l'autre moitié par exemple fin octobre. Les insectes continuent de se sentir chez eux. Enfin, vous pouvez choisir de ne pas tondre une partie. Il subsiste ainsi éventuellement des abris et des sources de nourriture en hiver.

 

CAS PRATIQUE: BART BACKAERT DANS LE PARC URBAIN D'ALOST

Convertir les gazons en pâturages fleuris à valeur écologique n'est pas lettre morte à Alost. Bart Backaert du service des espaces verts s'occupe depuis des années de la recherche de pollinisation croisée entre jardinage et gestion naturelle, et a vite abouti aux prairies fleuries. Un premier point d'attention fut le parc urbain d'Alost, 15 hectares aménagés en style rural au début du vingtième siècle. “Des archives nous ont appris qu'une grande partie des prairies herbeuses dans le parc étaient gérées comme pâturages jusque dans les années 50. Notre expérimentation était le rétablissement de la gestion historique", indique Bart Backaert.

Gestion

Les pâturages présents sont gérés depuis plus de 25 ans comme suit:

• 1 tonte par an (fin septembre, début octobre) avec évacuation des déchets: la tonte se fait avec la poutre de coupe sur un tracteur avec un seul axe, avec une débroussailleuse autour des arbres. Ratissage mécanique et évacuation manuelle locale avec un tracteur à pneus à faible pression. On choisissait une seule tonte, parce qu'une première tonte en juin créerait une trop forte pression de foulage en période de vacances.
• les zones riches en nutriments (sous les arbres et le long des rives d'étang) reçoivent un régime de tonte supérieur (tonte ciblée des broussailles telles que les chardons et les orties).
• les bords le long des routes de promenade durcies sont tondus de façon intensive (gestion du gazon) avec évacuation des déchets (tracteur de pelouse: type tondeuse circulaire avec ramassage). Ceci offre un aspect entretenu et évite la prolifération de plantes sauvages sur les durcissements.
• les axes de circulation créés par les promeneurs ont été tondus la saison de tonte suivante comme des sentiers de tonte dans le pâturage (même régime que les bords), ceci a accru la valeur d'expérience et évite d'aplatir inutilement le gazon du pré.
• après la fenaison (fin septembre, début octobre), le pâturage est tondu court jusqu'à l'hiver avec un tracteur de pelouse, pour que le pâturage entame l'hiver très court. Ceci facilite l'évacuation des feuilles en automne et procure une courte végétation au printemps qui facilite la germination de nouvelles sortes de pâturages.
• dans les pâturages ont été plantés des bulbes de fleur (en groupes) pour augmenter la valeur d'expérience au début du printemps, on a utilisé un mix de sortes indigènes, on a bel et bien choisi des variétés botaniques (Galanthus, Erythronium, Eranthus, Leucojum, Camassia, Fritilaria, …).
• après quelques années, quand l'effet d'amaigrissement a fait son effet, on a semé le Rinanthe Crête de coq (Rhinanthus angustifolius), cette sorte de pâturage annuelle parasite les graminées et a donc un effet favorable sur l'amaigrissement du pâturage.

Avantages

Pour terminer, le spécialiste des espaces verts Bart Backaert résume les aspects de la tonte extensive (fenaison) des prairies dans les parcs. Valeur culturelle et historique, moins de pollution (moins d'émission, moins de carburants fossiles, moins de travail), moins de nuisances sonores (utilisation réduite de la machine), biodiversité accrue, stimulation de la flore et la faune spontanées, stratification, valeur d'expérience accrue et comportement du sol et de l'eau optimisé.