EFFETS NON VISUELS DE L'ECLAIRAGE
Human Centric Lighting veut accorder plus d'attention aux effets de l'éclairage sur l'homme, et cherche un équilibre entre bien-être et efficacité. Parmi les différents aspects de l’éclairage ayant une influence sur le bien-être de l’homme, Peter Bracke (KU Leuven et Groen Licht Vlaanderen) fait une distinction entre les effets visuels et non visuels. Dans cette partie du dossier Human Centric Lighting, nous discutons des aspects non visuels les plus importants.
EFFETS NON VISUELS
Tous les effets de l’éclairage sur l’homme ne peuvent pas être observés directement ou discernés visuellement. “Nous éclairerons naturellement suffisamment pour pouvoir lire notre livre facilement,” déclare Bracke, “mais cela n’est peut-être pas suffisant. Dans certaines circonstances, une intensité d’éclairage encore plus élevée peut, en effet, aussi avoir un effet positif sur notre santé. Nous ne le remarquons pas directement, et l’impact n’est pas non plus forcément aussi marqué chez tout le monde, mais les effets non visuels peuvent néanmoins jouer un rôle important.”
RYTHME DE SOMMEIL-EVEIL
Parmi ces aspects, l’un des plus importants est l’influence de la lumière sur le rythme de sommeil-éveil de l’homme.
“Tout le monde a un rythme de sommeil-éveil naturel se situant quelque part entre 23,5 et 24,7 heures”, explique Bracke. “S’il n’y avait pas de lumière, nous vivrions autrement dit en cycles de 23,5 à 24,7 heures. Sous l’influence de la lumière, notre rythme est toutefois synchronisé avec le déroulement de la journée.”
D’un point de vue historique et évolutionnaire, notre rythme de sommeil-éveil est donc ainsi synchronisé depuis des siècles déjà par la lumière du jour. On peut, selon Bracke, en déduire différentes choses. “L’intensité lumineuse à l’extérieur est tout d’abord extrêmement élevée et deuxièmement, il n’y a pendant la journée quasiment pas de changements dans le spectre. Ce n’est donc pas tant la température de couleur de la lumière qui influence notre rythme de sommeil-éveil, mais plutôt l’intensité lumineuse.”
Des études ont démontré comment on pouvait, en exposant quelqu’un à des moments spécifiques à une lumière blanche vive (8.000 lux), générer un déphasage dans le rythme circadien. Ici, une impulsion lumineuse positive tôt le matin s’avère la manière la plus efficace de synchroniser le rythme, surtout pour les gens dont le rythme de sommeil-éveil naturel est supérieur à 24 heures.
Influence de la mélanopsine
Des études révèlent cependant aussi que l’impact de différentes sources lumineuses avec une même intensité lumineuse n’est pas nécessairement le même. “Le spectre de la source lumineuse a p.ex. une grande influence sur la suppression de l’hormone du sommeil mélatonine dans notre corps”, explique Bracke. “Il y a ici une bonne corrélation avec la sensibilité spectrale de la mélanopsine, qui a une sensibilité de pointe à 490 nm et une bande passante 50% de 80 nm, et cela correspond à la zone bleu-vert du spectre. Plus l’intensité d’éclairage pondérée en mélanopsine est élevée, plus la production de mélatonine sera supprimée. Le matin, cela peut avoir, comme nous l’avons dit, un effet positif sur la synchronisation du rythme de sommeil-éveil, mais il faut évidemment aussi tenir compte du fait que, le soir, cette suppression comporte d’importants risques pour la santé (voir encadré).”
Dans la pratique, cela signifie qu’on peut tout à fait, en adaptant le spectre d’une source lumineuse – avec un creux, ou une crête dans la plage mélanopsine – faire correspondre celle-ci aux besoins spécifiques du moment. Cela implique également qu’une source d’éclairage avec un creux dans la plage de la sensibilité au niveau de la mélanopsine pourra être utilisée le soir à une intensité lumineuse plus élevée qu’une source d’éclairage avec la même température de couleur, mais une part pondérée en mélanopsine plus importante.
Bracke prévient tout de même que tout ceci n’est pas simple du tout. “On ne sait finalement pas encore parfaitement comment la pondération spectrale du flux lumineux doit se faire. Aujourd’hui, on utilise la pondération melanopic ou α-opic, qui semble adéquate dans de nombreux cas, mais qui ne suffit p.ex. pas encore en cas de faibles intensités d’éclairage.”
“ATTENTION A L’ECLAIRAGE POUR LE TRAVAIL DE NUIT”
Un spectre adapté pour le travail de nuit
L’idée de pouvoir rendre les gens plus productifs et de pouvoir les faire travailler plus efficacement au moyen de la lumière constitue probablement pour les entreprises l’un des principaux arguments pour le Human Centric Lighting, notamment dans le cas de travail de nuit. Mais Bracke prévient que cela comporte aussi de gros risques pour la santé. “Aujourd’hui, le travail de nuit à long terme est considéré comme cancérogène 2A. Il est donc probablement cancérogène. Des études démontrent notamment que le risque de décès à la suite d’un cancer du sein augmente considérablement au fur et à mesure que les femmes travaillent longtemps en équipes de nuit. Le risque de décès à la suite de maladies cardiovasculaires augmente aussi avec le travail de nuit longue durée.” La cause? La suppression de la mélatonine. “La mélatonine est une hormone et un anti-oxydant nous protégeant des radicaux libres. Si sa production est bloquée perpétuellement, cela a donc un sérieux impact sur notre santé.”
Dans le cas de travail de nuit, il s’agit autrement dit d’éviter la suppression de la mélatonine. Pour cela, on adapte le spectre de la source lumineuse de manière à ce que la mélanopsine soit filtrée au maximum. Selon la source lumineuse et l’intensité lumineuse, on peut alors toujours obtenir de bons résultats en matière de capacité de concentration et d’activité, tandis que la production de mélatonine peut suivre son cours.
PERFORMANCE
Fonctions cognitives
Outre le rythme de sommeil-éveil et la production ou la suppression de mélatonine, nos fonctions cognitives sont, par ailleurs, aussi influencées par l’intensité lumineuse. Des études ont démontré qu’une forte dose de lumière avait notamment un impact positif sur la vigilance, la capacité de concentration et la faculté analytique. Ici, on note à nouveau l’effet le plus marqué avec un flux lumineux fort en mélanopsine. La créativité est, en revanche, plutôt stimulée par un flux lumineux faible en mélanopsine.
Selon la fonction de la pièce en question, il peut autrement dit être intéressant de choisir une source d’éclairage avec un autre spectre. Lors de l’aménagement d’un espace multifonctionnel, une option consiste à sauvegarder plusieurs préréglages pour l’intensité lumineuse et le spectre.
Performances sportives
Les performances sportives peuvent également être influencées positivement par la lumière. Elles sont, en effet, notamment déterminées par notre rythme circadien. Les performances de pointe sont obtenues à notre température corporelle maximale, généralement en début de soirée. En générant un déphasage du rythme circadien, les pointes et creux peuvent toutefois être déplacés.
Les performances peuvent également être influencées immédiatement. Une impulsion lumineuse de 4.400 lux pendant un certain nombre d’heures peut générer, selon des chercheurs, une amélioration de 5 à 6%, même si cet effet dépend à nouveau dans une importante mesure du moment circadien. L’effet de pointe de 5 à 6% n’est obtenu qu’en début de soirée.
PERSONNES PLUS AGEES
Bracke souligne, enfin, encore que la mesure dans laquelle l’éclairage a une influence sur tous ces aspects, ne dépend pas seulement de la personne, mais également fortement de l’âge. “Plus nous vieillissons, plus notre transmission du cristallin diminue et nos pupilles rétrécissent. De ce fait, les personnes plus âgées reçoivent simplement moins de lumière, et donc moins de mélanopsine”, explique Bracke.
“L’effet sera donc en effet moins marqué, mais même chez ces personnes, l’éclairage peut néanmoins toujours avoir un impact positif démontrable. En augmentant l’intensité d’éclairage, on peut, en outre, déjà compenser beaucoup.”