"La surchauffe des bâtiments est un vrai problème"
Metiz propose une analyse des performances des bâtiments
Rendre les bâtiments plus performants: c'est ce que Geert Bellens et Tim Van Dyck font depuis plus de vingt ans. Depuis 2015, ils travaillent aussi ensemble chez Metiz, une société d'ingénierie qui mesure, visualise et analyse les performances des bâtiments. ”Cela doit être agréable de rester à l'intérieur d'un bâtiment, c'est devenu très important pour toutes les parties concernées ces dernières années.”
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Le juste equilibre
Pour ces deux messieurs, le confort d'un bâtiment se mesure à la qualité de l'air, au confort thermique et à la consommation d'énergie qui sont en équilibre. ”En Belgique, nous nous sommes beaucoup concentrés sur la consommation d'énergie au cours des dix ou quinze dernières années”, explique M. Bellens. ”Ce n'était pas un mal en soi, car nous devions nous rattraper dans ce domaine. Mais nous sommes allés trop loin dans cette direction, et la qualité de l'air et le confort thermique ont été quelque peu négligés.
Les nouveaux bâtiments sont donc efficaces sur le plan énergétique, mais la qualité de l'air est mauvaise et la chaleur au printemps et en été est inévitable. Très souvent, Metiz effectue des mesures dans un ‘bâtiment à la pointe de la technologie’ qui a à peine deux ans – inauguration dont on parle dans le journal, coupe de ruban et toutes sortes d'étiquettes BREEAM et BEN incluses. Mais au finale, les employés estiment que la qualité de l'air et le confort thermique étaient bien meilleurs dans leur ancien bâtiment. Cela arrive encore bien trop souvent et c'est vraiment dommage.”
Qui sont Geert Bellens et Tim Van Dyck?
Geert Bellens
Geert Bellens est ingénieur dans le secteur du bâtiment depuis plus de 20 ans. Il s'intéresse principalement au confort dans les bâtiments, comme le confort thermique et la qualité de l'air. Après quelques années passées dans des bureaux d'ingénieurs – où il a rencontré Tim Van Dyck – il a fondé en 2009 la société d'ingénierie BestBuildingConcept. En 2015, les deux hommes ont décidé de collaborer et Metiz a vu la lumière du jour.
Tim Van Dyck
Tim Van Dyck est également actif en tant qu'ingénieur depuis plus de 20 ans. Il s'intéresse principalement aux techniques de construction, en particulier à l'optimisation de la consommation d'énergie et des installations techniques dans les bâtiments ou les processus industriels. A la ville d'Anvers, il est responsable à temps partiel du département Energie & Techniques. Sa mission consiste également à améliorer les bâtiments en mesurant leurs performances.
Une bonne vue d’ensemble
Le défi consiste donc à trouver le juste équilibre. ”Et pour cela, il faut avoir une vision d'ensemble de son bâtiment. Nous fournissons cet aperçu en plaçant quelques petits capteurs. Ils sont tous beaucoup moins chers et plus simples qu'auparavant. Cela permet de voir rapidement l'effet des modifications apportées aux installations.”
Capteurs
Par exemple, Metiz installe un capteur qui peut mesurer la température, l'humidité et le CO₂. Toutes les quinze minutes, le capteur envoie ses données cryptées aux serveurs, si bien qu'elles apparaissent sur le tableau de bord en ligne sous forme de graphiques pratiques ou de tracés clairs. Le client décide qui a accès au tableau de bord. Avec les compteurs, il garde une vue globale du confort thermique, de la qualité de l'air ... par heure, jour, semaine, mois ou année.
Le tableau de bord est développé à partir de zéro pour chaque client et est donc entièrement personnalisable. Ce qui apparaît sur le tableau de bord dépend également du bâtiment. Par exemple, la consommation d'une pompe à chaleur ou la température d'entrée de la ventilation peuvent également être affichées.
Metiz, c’est quoi?
”Metiz est un bureau d'ingénierie en physique du bâtiment basée à Lier. Nous étudions les bâtiments dans leur intégralité, de l'enveloppe aux techniques de construction. Notre mission est de créer des bâtiments confortables et agréables avec la plus faible consommation d'énergie possible. Notre approche unique consiste à mettre en ligne les performances des bâtiments, à les visualiser, à les mesurer et à les contrôler à l'aide de capteurs. Pas de théories grandiloquentes ni de rapports interminables, comme cela arrive malheureusement trop souvent dans le secteur. Quelques heures suffisent pour objectiver le confort thermique, la qualité de l'air et la consommation d'énergie. A terme, cela nous permet d'identifier les tendances et de les optimiser.”
Mesures peu coûteuses
”Le gros avantage, c'est que ces mesures ne coûtent presque rien”, explique M. Bellens. ”Les capteurs sont devenus très bon marché ces dernières années. N'importe qui peut acheter des capteurs et prendre des mesures. Mais ce qui est au moins aussi important, c'est la manière dont vous utilisez les données collectées. Vous devez être capable d'extraire les données pertinentes et de les transformer en informations utiles.”
Les tendances sont importantes
Si les mesures sont prises pendant un certain temps, il est possible d'en extraire certaines tendances. Par exemple, l'air est-il trop sec même au printemps et en été? Si oui, cela peut indiquer que le bâtiment est surventilé. Mais le client peut aussi voir où l'énergie se perd ou dans quelle mesure la concentration en CO₂ est acceptable pendant les heures d'ouverture du bâtiment. De cette façon, les installations peuvent être mieux adaptées au bâtiment. L'objectif est de surveiller en permanence les bâtiments afin de pouvoir suivre de près ces évolutions.
Concepts a toute epreuve
Qu'est-ce que Metiz a appris en cinq années de collecte et d'analyse des données? ”Nous devons vraiment trouver un meilleur équilibre entre la qualité de l'air, le confort thermique et la consommation d'énergie”, déclare M. Bellens. ”Et cela ne peut se faire que par une conception soucieuse du climat: les conditions extérieures sont plus erratiques qu'auparavant, et les installations doivent y être adaptées. Chauffer jusqu'en mai puis refroidir jusqu'en septembre, ça ne marche plus. Mais c'est un pas que de nombreux acteurs de la construction doivent encore franchir.”
“Chauffer jusqu'en mai puis refroidir jusqu'en septembre, ça ne marche plus. Mais c'est un pas que de nombreux acteurs de la construction doivent encore franchir”
La phase de conception préliminaire devrait prendre de l'importance
Selon Van Dyck et Bellens, la conception d'un bâtiment doit donc être envisagée beaucoup plus dès la pré-conception, dans une perspective plus globale.
”Les installations doivent toutes être plus économiques, les capacités plus petites, les différences de température plus faibles ... Les dimensions doivent être beaucoup plus précises et toutes les installations doivent être mieux coordonnées entre elles. Il existe déjà de nombreux installateurs CVC très efficaces dans ce sens. Mais une partie du secteur réfléchit encore trop comme il y a dix ans. Et cela pose parfois des problèmes.”
Les grandes entreprises sont-elles les seules à innover?
Ce ne sont pas toujours aux grandes entreprises de s'informer au plus vite des dernières avancées, au contraire. ”Nous voyons beaucoup de petites entreprises de 2 ou 3 travailleurs qui évoluent en même temps que le marché. Les gens ont l'impression qu'un vent nouveau commence à souffler sur le secteur de la construction. Je pense que c'est une bonne chose. Tout ne doit pas venir des grands acteurs, car ils sont parfois très lents à réagir. Nous prenons des mesures dans les nouveaux bâtiments construits par ces grandes entreprises, où tout devrait être parfaitement en ordre sur papier. Et puis, après quelques mesures, vous constatez que les résultats ne sont pas ceux escomptés.”
une nouvelle approche
”Le client final est aussi devenu beaucoup plus conscient de toutes ces choses”, explique M. Van Dyck. ”Quand nous avons commencé comme ingénieurs, nous étions déjà heureux d'avoir un bureau et un ordinateur, pour ainsi dire. Mais aujourd'hui, les exigences sont beaucoup plus élevées, tant de la part du législateur que de l'utilisateur final. Ajoutez à cela le caractère capricieux de notre climat, et vous obtenez trois facteurs qui bouleversent l'ancienne façon de penser. En même temps, cela crée de nombreuses opportunités.
En conséquence, un nouveau marché a émergé, et force est de constater qu'il peut avoir beaucoup de succès. Un exemple qui illustre cette nouvelle approche? ”Il suffit de penser à l'installation d'un système de ventilation”, dit M. Bellens. ”Un installateur pouvait dire: j'ai placé tel système ici, et ce certificat de laboratoire montre que cela va très bien fonctionner. Aujourd'hui il doit pouvoir garantir la qualité de l'air indiquée dans les spécifications à tout moment pendant les heures de fonctionnement. Nous observons depuis cinq à dix ans cette transition des ressources aux performances. Et oui, si vous voulez garantir la performance, vous devez être capable de la mesurer et de l'objectiver.””
“Peu importe les pompes ou les valves qui seront remplacees, le client final paie pour un bon entretien et veut la garantie d'un batiment confortable”
maintenance
”Tout cela a également un impact sur la maintenance”, déclare M. Van Dyck. ”Avant, elle était surtout curative: c'est cassé, on le signale et l'installateur intervient. Ou bien, intervenir tous les x mois pour faire une chose ou l'autre. Grâce aux nouvelles technologies, il est possible de travailler de manière beaucoup plus proactive et d'effectuer une maintenance basée sur les performances. Peu importe les pompes ou les valves qui seront remplacées, le client final paie pour un bon entretien et veut la garantie d'un bâtiment confortable. En mesurant la performance des bâtiments, vous pouvez prouver noir sur blanc le bien fondé de votre intervention.”
Objectiver les plaintes
”Nous faisons beaucoup de consultations dans lesquelles nous mesurons pendant une semaine et nous mettons ensuite le doigt sur ce qui cloche. Parfois, les occupants touchent à tous les boutons des installations depuis trois ans et ne comprennent ce qui se passe que lorsque nous prenons des mesures. Mais nous travaillons aussi sur le long terme en veillant à ce que les bâtiments équipés de plusieurs petits capteurs puissent être surveillés en permanence. Ainsi, le constructeur ou l'installateur peut voir si il est protégé de la surchauffe, d'un air trop sec ou d'une mauvaise qualité de l'air seulement occasionnellement ou si il y a un problème structurel. Cela permet aussi d'objectiver les plaintes des utilisateurs.
Un confort sous contrôle
”Les gens se sentent à l'aise lorsqu'ils ont le contrôle de leur propre confort. A la maison, c'est facile: si vous avez envie d'ouvrir une fenêtre, vous le faites. Dans un environnement de bureau, vous ne pouvez pas contrôler votre confort personnel. C'est le grand problème dans les bâtiments où la climatisation n'est pas optimale. Nous entendons souvent parler d'entreprises où des employés talentueux partent parce qu'ils doivent travailler dans un bâtiment où la qualité de l'air laisse à désirer ou dans lequel le soleil tape et les éblouit constamment. Ces problèmes peuvent aller loin, parfois même jusque devant les tribunaux. L'installateur et le client sont diamétralement opposés l'un à l'autre. Alors qu'en deux semaines, vous pouvez facilement désamorcer une telle situation, en installant quelques capteurs.”
Gestion des bâtiments
Van Dyck et Bellens tiennent à préciser que leur système fonctionne parallèlement aux systèmes de gestion des bâtiments existants. En théorie, un système de chauffage intelligent pourrait apprendre de leurs données, mais en pratique, ces systèmes – de marques différentes – communiquent encore trop peu entre eux, selon M. Bellens. ”Un système de gestion des bâtiments est aussi très technique, alors que nous ciblons plutôt le résultat”, explique M. Van Dyck. ”Ce que nous pouvons faire, c'est déclencher des alarmes intelligentes si une valeur est dépassée. La seule chose que nous savons, c'est que nous devons rester très prudents avec cela: si vous recevez vingt alarmes par jour, vous allez les ignorer à la fin, donc vous devez programmer ces alarmes intelligemment. Cela ne sert à rien d'envoyer une alarme à midi ou le soir pour quelque chose qui n'a pas d’importance à cette heure-là.”
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surchauffe
Metiz ne se contente pas de prendre des mesures, il simule également des mesures futures, telles que l'effet de différentes technologies de chauffage et de refroidissement sur la consommation d'énergie et le confort. ”C'est un outil très précieux, surtout lorsqu'il s'agit de surchauffe”, déclare M. Bellens.
”C'est l'un des plus grands défis de notre époque et des années à venir. Tout comme la qualité de l'air, la surchauffe a été un peu négligée au profit de la consommation d'énergie. Et c'est maintenant un problème majeur dans les bâtiments sans refroidissement ou avec un refroidissement limité. De nos jours, les bâtiments doivent être hautement isolés et étanches à l'air. C'est bon pour le confort et la consommation d'énergie en hiver, mais quand il fait plus chaud, la charge de refroidissement augmente considérablement. Ce fait est souvent sous-estimé par les architectes, entre autres, mais certainement aussi par les constructeurs qui ont fait construire un bâtiment de ce genre il y a dix ans.
Cependant, ils oublient que les normes d'isolation actuelles signifient que la température moyenne d'un bâtiment est de 2 à 3 degrés plus élevée. C'est un problème majeur et sous-estimé dans les bâtiments qui, par définition, ne disposent jamais de système de refroidissement, comme les bâtiments scolaires. Les températures grimpent parfois autour de 30 °C dès le mois d'avril.”
qualite de l’air
”Pareil pour la qualité de l'air. Une norme régit la ventilation en Belgique, mais elle tolère une qualité d'air très moyenne.
Prenez, par exemple, les cours IDA. IDA3 indique que 30% des utilisateurs de bâtiments sont insatisfaits de la qualité de l'air. C'est beaucoup. Et le client ne s'en rend pas toujours compte: souvent, il faut ajouter au budget une ventilation suffisante et des stores solaires.
Il arrive souvent que nous soyons appelés à un stade assez avancé du processus de construction pour faire une autre simulation, parce que les gens s'inquiètent de la qualité de l'air et de la surchauffe.
Et puis nous arrivons à la conclusion que le débit de ventilation doit être augmenté et qu'il est nécessaire d'installer des stores extérieurs. Cela a un impact énorme sur le budget. Ces questions doivent donc être examinées beaucoup plus en détail dans l'avant-projet.”
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les batiments sains interessent de plus en plus
Le public s'intéresse de plus en plus à la surchauffe et à la qualité de l'air, non seulement du côté du secteur du bâtiment, mais aussi de plus en plus chez les occupants.
”Heureusement, en partie à cause de l'épidémie de coronavirus, tout le monde a voulu privilégier l’hygiène dans nos bâtiments. Ce qui se passe à l'extérieur a des conséquences. Il suffit de penser à l'attention portée aux particules fines.
C'est paradoxal: la qualité de l'air est bien meilleure qu'il y a dix ans, mais les gens sont bien plus conscients du fait qu'elle doit être meilleure. Et c'est aussi le cas dans nos intérieurs.”
Pas toujours dans la pratique
Toutefois, cela ne se traduit pas toujours par des conséquences directes lors d'une construction ou d'une rénovation approfondie, car le secteur de la construction est parfois assez conservateur à cet égard.
On entend régulièrement dire: nous faisons comme ça depuis dix ans. C'est peut-être bien beau, mais les choses ont changé en dix ans. Tant en termes de sensibilisation que de réglementation.
Et puis certains essaient encore de répondre aux besoins énergétiques en économisant sur la qualité de l'air. Mais rien n'est plus faux.”
revirement
Néanmoins, les dirigeants de Metiz observent un revirement. ”Nous sommes souvent sollicités par le segment moyen du marché, par exemple par les petits bureaux et organisations qui ont moins facilement accès aux grandes sociétés d'ingénierie et de consultance. Ils veulent eux aussi un bâtiment confortable, avec une bonne qualité de l'air et une faible consommation d'énergie. La prise de conscience a vraiment changé par rapport à ce qu'on voyait avant.”