"Il faut trouver la façon d'intégrer la technologie qui sera acceptée par le client"
La technologie du commerce de détail peut vous aider à répondre encore mieux aux besoins de vos clients, sans vous coûter trop cher. À condition toutefois que votre client accepte la technologie, qu'il en perçoive les avantages. Quelles sont les tendances les plus prometteuses en matière de technologie pour le marché belge de la vente au détail? Nous avons posé la question à Alex Declerck, directeur général de Wanzl.
Une technologie visible
"Les magasins déploient aujourd'hui beaucoup de technologie en coulisses", insiste Alex Declerck. "Par exemple, pour éviter les rayons vides, grâce à une chaîne d'approvisionnement optimisée. Mais en même temps, les détaillants utilisent aujourd'hui de nombreuses technologies que les clients peuvent voir en magasin. Et c'est là qu'un grand défi se présente."
Avant d'aborder les tendances, quel défi cela représente-t-il?
"Les clients n'acceptent les technologies de vente au détail en magasin que s'ils ont l'impression d'en tirer un avantage significatif. S'ils se demandent pourquoi ils devraient utiliser telle ou telle technologie, ils ne changeront jamais d'avis. Il y aura toujours des gens qui aimeront vraiment la technologie et d'autres qui la rejetteront totalement.
Le problème est souvent que la technologie de vente au détail s'attache quelque peu à la personne qui la met en œuvre. Ces derniers ignorent alors le fait que de nombreux clients ne la demandent pas du tout. Ça a été le cas avec l'introduction du self-scanning. Certains clients l'ont directement adopté, étant convaincus qu'ils perdaient beaucoup moins de temps de cette manière. D'autres préfèrent toujours le passage en caisse classique."
Vous devez donc vous concentrer sur les souhaits des clients lorsque vous introduisez une technologie?
"En effet, de nombreux clients demandent par exemple des heures d'ouverture plus larges. La seule question qui se pose est la suivante: comment rester ouvert plus longtemps sans augmenter considérablement les prix des produits? Ce n'est pas possible d'augmenter la marge. Et la technologie permet d'y parvenir."
À quoi faut-il s'attendre?
Ce qui nous amène à la première tendance possible: celle du supermarché hybride.
"Cela pourrait devenir une tendance, oui. J'ai récemment visité une filiale de la chaîne de supermarchés Edeka à l'aéroport de Stuttgart, en Allemagne. De six heures du matin à dix heures du soir, le magasin est ouvert avec du personnel et des caissiers. Mais on peut aussi y faire ses courses la nuit. Vous accédez au magasin avec votre carte bancaire, vous faites vos achats, vous payez électroniquement sans caissier et vous quittez le magasin avec votre carte."
L'essentiel est donc que le client en ait envie et l'accepte?
"Le client doit en avoir réellement besoin et accepter la technologie utilisée. À l'aéroport de Stuttgart, il y a non seulement énormément de passage avec les voyageurs (bien sûr), mais aussi beaucoup de personnes qui travaillent pendant de longues heures et qui doivent encore pouvoir faire leurs courses. Ces clients vont profiter des heures d'ouverture tardives et acceptent que cela se fasse automatiquement. Mais je ne pense pas que cela soit possible dans un village moyen en Belgique tant qu'il n'existe pas de demande réelle."
Quelles sont les chances de succès du magasin 24/7 entièrement automatisé en Belgique?
"Pour cela, nous devons examiner de près notre paysage commercial. En Allemagne, on trouve de nombreux petits magasins 24/7 dans des conteneurs joliment décorés, où l'on peut faire ses achats et payer sans caissier. La technologie leur permet de laisser les clients payer en personne, de suivre la clientèle dans le magasin et de maintenir l'assortiment à jour grâce à des commandes passées automatiquement, livrées à temps et en quantités suffisantes.
Chez nos voisins allemands, ces magasins fleurissent par dizaines, mais pas en Belgique. Pourquoi? Je pense que cela a beaucoup à voir avec l'environnement: nous avons déjà tellement de commerces de proximité."
Un tel magasin entièrement automatisé n'augmente-t-il pas le nombre de vols?
"Pas chez Edeka. Mais chez Jumbo, c'est apparemment le cas: ils envisagent de fermer leurs caisses automatiques en raison du trop grand nombre de pertes. En tant que fournisseur ou détaillant, vous devriez au moins essayer de limiter les vols autant que possible. Mais vous ne devez pas vous concentrer uniquement sur cet aspect lorsque vous envisagez de déployer une nouvelle technologie. Il s'agit de peser le pour et le contre: la perte due au vol par rapport au chiffre d'affaires supplémentaire dû à l'augmentation des heures d'ouverture."
"Dans le magasin Edeka, une caméra vérifie l'âge du client en se basant sur son visage."
L'intelligence artificielle peut-elle jouer un rôle dans le magasin physique de demain?
"Sans aucun doute. En Allemagne, il est interdit d'acheter des spiritueux si l'on a moins de 18 ans. Mais comment vérifier l'âge d'un client s'il n'y a pas de caissier? Dans le point de vente d'Edeka, une caméra vérifie l'âge du client sur la base de son visage.
Toutefois, cette méthode soulève quelques inquiétudes. Que se passe-t-il si j'ai l'air beaucoup plus jeune que mon âge? Et qu'en est-il de la vie privée? Un tel système peut-il légalement me filmer et m'analyser? De nombreuses technologies émergentes dans le domaine de la vente au détail ne disposent pas encore d'un cadre juridique clair. Et encore une fois: les clients eux-mêmes acceptent-ils de telles solutions?"
Qu'est-ce qui existe déjà?
Quelles sont les technologies de vente au détail qui contribuent déjà à optimiser l'environnement physique des magasins?
"Grâce aux cartes de fidélité, les détaillants disposent d'une quantité incroyable de données sur le comportement d'achat des consommateurs et sur ce qu'ils achètent. C'est donc le rêve de nombreux détaillants de pouvoir s'adresser entièrement au client avec des publicités personnalisées, sans avoir à s'occuper de quoi que ce soit d'autre. Seulement, la législation vous en empêche.
En revanche, ce qui peut se faire, et se fait déjà d'ailleurs, c'est la subdivision des clients en fonction de leur âge, de leur lieu de résidence, du nombre d'enfants, etc. Cela permet aux détaillants de créer un profil de client et d'approcher les clients de ce profil de manière personnalisée. Toutes les chaînes de supermarchés procèdent ainsi. Surtout pour soumettre aux clients des publicités personnalisées."
"Si l'on recoupe différents ensembles de données et que l'on en extrait des modèles (avec l'aide de l'IA), c'est comme si l'on avait trouvé le Saint-Graal"
Jusqu'où peut-on aller avec de telles données?
"Supposons maintenant que vous preniez votre chariot grâce à votre carte de fidélité. À partir de ce moment, le détaillant sait que vous êtes dans le magasin, avec votre profil. Le supermarché sait peut-être que vous aimez boire un bon vin de temps en temps. Ainsi, lorsque vous passez dans le rayon, vous verrez des publicités pour votre vin préféré sur l'écran de votre panier.
Ce n'est pas encore appliqué, mais c'est techniquement possible. Et nous nous dirigeons indubitablement dans ce sens. Aujourd'hui, les supermarchés déterminent déjà les itinéraires optimaux sur la base des données relatives aux itinéraires empruntés par leurs clients. De même qu'ils vérifient déjà où les clients se rendent fréquemment et rarement, sur la base de cartes thermiques, afin d'adapter l'agencement en conséquence: placement des produits, des nouveautés et des promotions.
Si l'on relie ensuite différents ensembles de données et que l'on en extrait des modèles (avec l'aide de l'IA), on obtient le Saint-Graal. Vous pouvez alors adapter l'ensemble du fonctionnement de votre supermarché (placement des produits, acheminement, réception, communication...) aux clients de manière à ce qu'ils viennent, prennent plaisir à faire leurs courses dans votre magasin et achètent davantage. C'est en fin de compte de cela qu'il s'agit."
Les centrales des chaînes investissent dans ce domaine. Mais qu'en est-il des exploitants indépendants?
"En fin de compte, c'est eux qui décident de l'introduction ou non de la technologie, car c'est eux qui devront payer l'installation. En fait, la question est de savoir si l'exploitant indépendant sera d'accord. Quels sont donc le prix et le retour sur investissement? Avec l'affichage numérique des prix, le gain d'efficacité était évident, est-ce cependant forcément toujours le cas avec les nouvelles technologies, quelles qu'elles soient? Et encore une fois: le client sera-t-il prêt à l'accepter?
Il y a donc toujours une différence entre ce dont nous parlons ici et ce que l'on trouve dans la réalité. Les technologies continueront d'être adoptées, mais de manière prudente et quelque peu conservatrice. Il arrive aussi que nous fassions marche arrière, mais que nous tirions les leçons de nos expériences. Quoi qu'il en soit, nous ne nous réveillerons pas demain dans un monde où les supermarchés seront totalement différents. Mais nous évoluons dans cette direction pas à pas."