"CHAQUE intervenant dans LA CONSTRUCTION DOIT S'ENGAGER DANS LA PENSÉE SYSTÉMIQUE"

le PROF. IR. WIM BOYDENS PLAIDE POUR UNE AUTRE réflexion

Nous avons été gâtés au cours des cinquante dernières années, déclare le professeur Wim Boydens, parce que la construction énergétique était toujours basée sur des certitudes. Aujourd'hui, c'est loin d'être le cas. Et cela nécessite une façon de penser complètement différente, car de nos jours, chaque facteur affecte la performance du système énergétique.

PROCESSUS LINÉAIRE

"Auparavant, il était relativement facile de concevoir un bâtiment sur le plan énergétique", explique Wim Boydens. "C'était une question linéaire pour le concepteur standard: nous devons nous assurer qu'il fait assez chaud, une chaudière est la moins chère, donc nous l'installons – à moins que nous ayons vraiment plus d'ambition – et nous pouvons travailler. Et il ne fallait pas chercher plus loin que la dernière nouvelle chaudière ou pompe à chaleur sur le marché, car c'était la meilleure."

"Aujourd'hui, non seulement les technologies sont plus nombreuses, mais elles sont aussi devenues plus complexes. Tout doit être coordonné. Le surdimensionnement, par exemple, est quelque chose que nous ne pouvons plus nous permettre."

"Nous sommes donc maintenant dans un contexte complètement différent. L'aspect financier a toujours joué un grand rôle, mais aujourd'hui plus que jamais. Par ailleurs, il y a aussi la question de la forme d'énergie que nous employons. Ces deux éléments deviendront deux moteurs clairs de l'optimisation des systèmes énergétiques."

INTÉGRATION DEs SYSTÈMES

"Il est très clair qu'on se concentre sur la recherche vers l'intégration des systèmes au niveau européen. Comment faire en sorte que les différentes technologies électriques et thermiques interagissent et comment en tirer le meilleur parti?"

Un exemple – qui est en fait trop simple – est un système de panneaux solaires avec une pompe à chaleur et une batterie, explique Wim Boydens.

"Comment faire interagir les différentes technologies électriques ainsi que les technologies thermiques et comment en tirer le meilleur parti?"

"Tout le monde se rend désormais compte du potentiel de ces technologies et de leur combinaison. Le défi ne réside pas tant dans l'élaboration d'un tel concept que dans la manière dont vous allez le concevoir pour qu'il puisse être traduit dans la réalité. Quelle puissance doit avoir cette pompe à chaleur? Combien de mètres carrés de panneaux solaires posez-vous sur le toit? Quelle doit être la capacité de cette batterie?"

"De plus, dans un processus de construction, vous vous asseyez autour de la table avec différents intervenants. En tant que concepteur, vous devez donc être capable de démontrer quelle combinaison permet de tirer le meilleur parti du système, en tenant compte de l'investissement que vous pouvez faire. Cette optimisation multicritères sur un concept, ce n'est pas négligeable."

BUREAU D'ÉTUDE

"Aujourd'hui, quelques bureaux d'étude travaillent déjà sur ce sujet. Pour réaliser de telles simulations, il faut des jeunes talents qui maîtrisent les bonnes compétences en matière de calcul, mais il faut aussi avoir une bonne compréhension de ce qui peut être combiné. Il ne s'agit pas seulement de chiffres que l'on introduit dans un algorithme: il faut encore que la conception puisse réellement être exécutée et utilisée par l'installateur, la société de régulation, le constructeur ..."

"Chaque composant est "connecté" aux autres composants, pour ainsi dire. Que vous choisissiez une pompe à chaleur plus petite ou moins de panneaux solaires: chaque choix a un impact sur le coût total, sur le confort et sur les performances de l'ensemble du système."

MÉTHODOLOGIES

"Cela signifie que vous avez un nombre incalculable de combinaisons différentes, toutes menant à des résultats différents. La question est donc de savoir comment trouver la meilleure combinaison. De nombreux petits bureaux d'étude travaillent alors rapidement avec certaines astuces qu'ils connaissent, ou ils copient et collent une certaine combinaison d'un autre projet. Naturellement, c'est loin d'être optimal."

Pour quantifier cette optimisation, Wim Boydens plaide en faveur d'une recherche accrue sur les méthodologies. "Bien sûr, cela ne signifie pas que l'on dispose alors d'une seule méthode que l'on peut appliquer partout. Cependant, au moins, vous avez déjà une base pour la solution optimale."

"De cette façon, vous pouvez également convaincre les différents intervenants à la table de réunion d'un chantier, car vous disposez d'une base pour démontrer qu'une combinaison fonctionne mieux qu'une autre."

NOUVELLES TECHNOLOGIES ET TECHNIQUES

Aujourd'hui, le concepteur n'est souvent pas encore assez catégorique car il n'y a pas de méthodologie claire, dit M. Boydens. "Et à la table de réunion, ce sont encore les euros à investir qui mènent les débats. C'est pourquoi nous devons miser beaucoup plus sur les nouvelles technologies, les logiciels, les techniques ... Des choses que ma génération d'ingénieurs n'a pas apprises à l'école."

"Nous devons donc consacrer beaucoup plus d'efforts aux nouvelles technologies, aux logiciels, aux techniques ... Des choses que ma génération d'ingénieurs n'a pas apprises à l'école"

Ce qu'il faut faire à long terme, c'est un modèle comme celui des États-Unis, déclare Wim Boydens. "Là-bas, la construction d'un gratte-ciel fait l'objet d'un concours et l'accent est mis très clairement sur: quelle performance ce bâtiment va-t-il fournir? Les entreprises qui veulent remporter ce contrat vont alors naturellement se donner beaucoup de mal pour démontrer qu'elles tireront le meilleur parti du bâtiment."

"Dans notre région, nous avons naturellement moins de projets de cette envergure. De plus, les honoraires ne permettent pas encore de procéder à ces optimisations intensives. Mais il faut naturellement nuancer le propos: oui, cela coûte de l'argent de faire de telles simulations, et c'est parfois un obstacle pour l'investisseur dans une phase précoce, mais l'optimisation rapporte aussi immédiatement."

 

LE REGROUPEMENT DES BÂTIMENTS

La pensée systémique peut donc être appliquée à l'échelle des petits bâtiments, mais il est également intéressant de faire un zoom arrière un peu plus loin. "Tracez un cercle de dix kilomètres autour de l'église de votre village. Dans ce rayon, vous avez de nombreux bâtiments, tous avec des usages, des années de construction, une qualité d'isolation différents ..."

"Supposons que vous puissiez connecter ces bâtiments ensemble. Dans ce cas, vous pouvez, par exemple, utiliser la chaleur d'une porcherie en hiver pour chauffer un bâtiment scolaire mal isolé. En fait, ceci est à nouveau cette intégration systémique, mais au niveau du cluster."

"De cette façon, nous nous assurons que les composants au sein de ce cluster qui nécessitent effectivement encore beaucoup d'énergie primaire sont inclus et remédiés autant que possible dans le système plus global."

COMMUNAUTÉS ÉNERGÉTIQUES

"À partir de là, on aboutit logiquement à des communautés énergétiques, où les citoyens, les écoles, les organisations, les gouvernements locaux, les PME ... peuvent partager et échanger de l'énergie. L'introduction de ces dernières a déjà été suggérée il y a environ cinq ans et a été imposée par la Commission européenne entre-temps. Mais en Flandre, nous ne sommes encore pratiquement nulle part. Alors que c'est précisément là que la différence peut être faite dans les dix prochaines années."

Le gouvernement a un rôle très important à jouer lorsqu'il s'agit de déployer les communautés énergétiques, déclare Wim Boydens. "Les collaborations entre le monde académique et le terrain doivent être encouragées. Les méthodologies sur lesquelles travaillent les chercheurs ne sont pas encore opérationnelles sur le terrain."

 

LA COOPÉRATION EST ESSENTIELLE

Bien sûr, cela est également dû en partie aux forces du marché et à la différence entre les secteurs public et privé. "Les entreprises se basent sur ce qu'elles savent par expérience. Trouver une solution qui leur donne une longueur d'avance sur la concurrence est souvent suffisant pour être satisfait. Même si cette solution n'est pas forcément la meilleure dans une situation donnée."

"Un bon chercheur élargira son horizon et se dira: je dois m'assurer que je trouve la meilleure solution possible. Eh bien, cette solution doit aussi trouver sa place dans la pratique. Souvent, le fossé est encore trop profond entre les deux parties: les universitaires ne comprennent pas toujours suffisamment le fonctionnement technique et économique du marché. Le gouvernement devrait faciliter et soutenir ces collaborations."

LA COALITION DES VOLONTés

De nombreuses raisons expliquent pourquoi le déploiement des communautés énergétiques est si lent. Selon Wim Boydens, nous avons surtout commencé trop tard. Mais la peur de l'inconnu joue également un rôle.

"Une communauté énergétique est par définition une "coalition des volontés". Je comprends cette peur. Si vous donnez certaines libertés à une communauté, il se crée une mini-société très complexe autour de l'histoire de l'énergie, avec tous les problèmes qui en découlent. Que faire si quelqu'un ne peut pas payer sa facture, par exemple? Mais devons-nous avoir peur de cela? Ou devrions-nous dire: nous allons le faire, et voir quels résultats nous pouvons obtenir?"

"Les communautés énergétiques englobent bien plus que la simple utilisation de systèmes énergétiques alternatifs. Les projets pilotes et les laboratoires n'ont que trop tardé; nous les avons lancés bien trop tard."

"Nous avons été gâtés ces 50, 60 dernières années par le fait de pouvoir toujours travailler avec des certitudes: quelque chose qui va mal a une cause, un coupable et un volet juridique. Rares sont ceux qui osent encore tenter quelque chose ensemble, alors que cela devrait être le point de départ d'une communauté énergétique."

LA SENSIBILISATION À L'ÉNERGIE

Dans les premières années, boydens engineering a joué un rôle de pionnier en matière de sensibilisation à l'énergie. Aujourd'hui, cette prise de conscience est omniprésente et de plus en plus urgente, même chez les propriétaires de bâtiments.

"La sensibilisation des maîtres d'ouvrage à l'énergie a toujours existé dans une certaine mesure, je pense. La crise énergétique actuelle a bien sûr accéléré ce processus. Mais en Belgique, l'écart entre le prix des combustibles fossiles et de l'électricité a toujours été le grand frein au déploiement des pompes à chaleur, des réseaux de chaleur ..."

"Le fait que le secteur des combustibles fossiles, que nous voulons toujours éliminer progressivement à l'avenir, bénéficie d'un tel soutien par rapport au secteur des énergies renouvelables dépasse l'entendement."

"La prise de conscience énergétique chez les maîtres d'ouvrage a toujours existé dans une certaine mesure, je pense"

"Avec ODE Vlaanderen (Organisatie voor Duurzame Energie), nous militons depuis au moins dix ans pour une adaptation dans ce domaine. Mais en raison de la fragmentation des pouvoirs et des politiques dans notre pays, il s'agit d'un processus très lent. Ce n'est que maintenant que cela commence peu à peu à bouger."

Mais il est également important pour les gouvernements de créer une prise de conscience. "Il faut communiquer beaucoup plus sur la transition énergétique, dans un langage simple. Pour que les consommateurs comprennent aussi de quoi il s'agit et réfléchissent eux-mêmes aux bonnes solutions."

RÔLE DE L'INGÉNIEUR

Le rôle de l'ingénieur dans le processus de construction a également changé ces dernières années.

"L'interaction avec les architectes s'est beaucoup améliorée. Autrefois, c'était aussi un processus linéaire: l'architecte, qui connaît peu la technique, dessine son plan et le transmet à l'ingénieur. Vous pouvez toujours le faire de cette façon, mais encore une fois: vous n'arrivez pas à la solution la plus optimale."

Le processus de construction est donc devenu beaucoup plus interactif. "En fait, il doit y avoir une collaboration dès le départ. Je ne dis pas qu'il faut toujours impliquer tous les exécutants dès le début, mais une fois les grandes lignes définies, vous devez pouvoir faire appel à leur expertise."

Et nous voilà revenus au point de départ: la pensée systémique. "Chaque intervenant doit prendre conscience de cette pensée systémique. Même un ingénieur spécialisé dans une discipline particulière doit être capable de le sentir: quelle place pour la créativité existe-t-il autour de ma discipline? Tout le monde devra un jour ou l'autre élargir sa vision."