Dans les coulisses de la chocolaterie Darcis

de la difficulté à la gloire éternelle

Lorsqu'on arrive à Verviers, on ne peut pas rater l'imposant bâtiment blanc de la Chocolaterie Darcis. Il abrite les ateliers de chocolaterie et de pâtisserie, la boulangerie (au levain), une excellente académie et, last but not least, un véritable musée du chocolat. Jean-Philippe Darcis, ambassadeur du chocolat, chef pâtissier et entrepreneur, nous a emmenés découvrir les lieux tout en nous expliquant son parcours. 

des débuts chez wittamer

Après une formation classique et discrète à l'ITCA de Namur, JP Darcis travaille dans plusieurs boulangeries de la région. Dans les années 90, il n'y avait quasiment pas de formations professionnelles en chocolaterie et les écoles wallonnes n'étaient pas équipées de manière adéquate et professionnelle. Malgré sa formation scolaire et sa participation à plusieurs concours locaux, Darcis se voit refuser l'accès aux grandes maisons bruxelloises. Les listes d'attente à la Maison Wittamer, chez Mahieu et Nihoul ainsi qu'au Flan Breton étaient encore trop longues à l'époque. Grâce aux efforts de son collègue et ami Arnaud Stoffels, il réussit finalement à sacrifier deux semaines de vacances pour un stage chez Wittamer, sous l'œil attentif de Louis Briffaerts, alors chef cuisinier à Bruxelles aux côtés de Paul Wittamer.

les premiers pas

Peu après son apprentissage en 1996, Jean-Philippe Darcis trouve un modeste local dans le centre de Verviers. Sur une surface d'à peine 16 m², il y a un comptoir, une table de travail, un congélateur et un laminoir. Malgré son démarrage plutôt difficile, Darcis conseille à tout jeune créateur de commencer modestement car la croissance est toujours possible mais ce qu'il faut, c'est démarrer. Environ deux ans et demi plus tard, Darcis jette son dévolu sur un immeuble vide situé un peu plus loin dans la même rue. Il s'agit d'un ancien magasin de meubles disposant d'une surface assez importante et d'un deuxième étage. L'endroit est exploité de manière optimale avec un atelier bien équipé pour le pain et la pâtisserie. En outre, il offre suffisamment de place pour que Jean-Philippe Darcis puisse s'adonner à son premier amour: le chocolat. 

"Partir de quelques ingrédients de base, les transformer pour réaliser de belles créations, placer ces dernières dans le magasin afin d'émerveiller les clients puis les vendre, c'est ce qui me procure le plus de satisfaction. On voit immédiatement le fruit de son travail, comme un restaurateur ou un chef cuisinier qui sert ses plats à ses clients", explique Jean-Philippe Darcis.

la chocolaterie

La Chocolaterie était un rêve de longue date, qui a mûri pendant plus de 10 ans. Des rêves, des croquis, une persévérance obstinée... jusqu'à l'ouverture définitive en 2016. Il a fallu coordonner l'organisation, la production, la vente, le stockage, le financement et les subsides pour pouvoir mettre en place cet endroit de pointe. Dans son atelier de chocolat, Jean-Philippe Darcis fait découvrir au public toutes les étapes du processus de la fève à la barre, de la torréfaction au conchage, au cours d'une visite de musée éducative et surprenante. Oubliez les morceaux de chocolat poussiéreux et les moules à pralines en bakélite: vous ne trouverez ici que des pièces uniques provenant d'à peu près toutes les régions de chocolat du monde.

Vous embarquez pour un voyage virtuel aux origines du chocolat, dans les couloirs du temple maya puis vous traversez les océans vers l'Europe à bord de la Caravelle de Cortez. Vous arrivez ensuite en pleine époque de la Révolution française, dans un salon bourgeois. Enfin, vous plongez dans l'ambiance des premières boutiques de chocolat du début du 20e siècle, où les vieilles factures et les emballages des bâtons de chocolat Jacques vous ramènent à votre enfance. Une visite incontournable pour tous les amateurs et professionnels du chocolat.

le macaron 

Jean-Philippe Darcis est un adepte de la première heure du macaron français, ce qui se reflète quotidiennement dans son atelier. Chaque jour, des milliers de coques de macaron sont pochées, cuites et fourrées avec des combinaisons de saveurs classiques et tendance. Le macaron reste un produit très populaire, surtout en Wallonie. Outre le chocolat, les macarons et la pâtisserie, Jean-Philippe Darcis s'est récemment fait connaître par sa gamme de pains, limitée mais très appréciée.

"Quand je regarde mon parcours, je suis fier de ce que j'ai accompli aujourd'hui et je ne regrette rien. Bien sûr, tout ne se passe pas comme sur des roulettes et j'ai aussi des soucis. Dans le passé, il m'est peut-être arrivé d'hésiter trop longtemps à fermer des magasins qui n'étaient pas rentables, mais je considère cela comme un apprentissage. Je m'estime chanceux: j'ai pu participer à des concours professionnels nationaux et internationaux à Lyon et à Las Vegas. J'ai ouvert de belles boutiques à Singapour, en Espagne et à Taïwan. J'ai pu voir le monde et rencontrer des champions du monde comme Otto Tay et Loi Ming Ai, qui m'inspirent une grande humilité. Et tout ça uniquement grâce à mon métier", déclare Jean-Philippe Darcis.

écueils

"Tout le monde peut ouvrir une boutique mais pour la rentabiliser, c'est une autre histoire. Aujourd'hui, nous avons huit boutiques à Liège, que nous voulons amener à un niveau encore plus élevé en termes de service, de gamme et d'expérience d'achat. Il est possible qu'une autre boutique vienne s'ajouter à Bruxelles pour renforcer notre image. Je pense que nous devons absolument être présents dans la capitale du chocolat".

Jean-Philippe Darcis ajoute que les tracasseries administratives ralentissent la routine de travail. Pour lui, il y a trop de réglementations, qui ont un impact négatif sur la créativité du chocolatier. "Je vais vous donner un exemple: je vois une praline intéressante ou un biscuit unique sur les réseaux sociaux ou dans un magazine. Il y a une belle forme et une garniture intéressante, avec lesquelles je souhaite travailler dès le lendemain. Malheureusement, cela ne suffit pas. En effet, il faut se demander ce qui doit figurer sur l'étiquette. Quels sont les allergènes contenus dans le produit, quelle est la durée de conservation du produit, quel est l'emballage à utiliser, etc.? Si vous ne le faites pas, vous êtes en infraction, avec toutes les conséquences que cela implique. Cela pèse sur la spontanéité pour faire évoluer une création. Pourtant, on attend d'une entreprise qu'elle propose régulièrement des innovations et des créations commerciales. Ce n'est donc pas toujours évident".

l'avenir du chocolatier

La profession de pâtissier et de chocolatier a connu une évolution positive ces dernières années. Désormais, peu importe le bois dans lequel on est taillé. Il y a aussi bien des personnes avec que sans formation académique qui reconnaissent la valeur du métier. Les médias jouent un rôle important à cet égard, car si les émissions culinaires étaient encore courantes il y a une dizaine d'années, on constate aujourd'hui que le secteur de la pâtisserie est en train de rattraper son retard.

Indépendamment de l'évolution positive dans la perception du secteur, celle-ci ne correspond pas toujours à la perception du consommateur. "Le consommateur n'hésite pas à payer 10 euros pour une Dame Blanche dans une brasserie, où on lui sert une glace industrielle avec un nappage au chocolat qui ne contient presque pas de chocolat. En revanche, il trouvera qu'une pâtisserie est trop chère, malgré l'artisanat, les beaux ingrédients, la fraîcheur et le triple du travail qui y a été consacré. Il faut donc être extrêmement prudent dans la fixation des prix", explique Jean-Philippe Darcis.

stimuler avec un assortiment varié

"Je constate que les consommateurs ne s'attendent plus à trouver 20 variétés dans le magasin, mais qu'ils veulent être stimulés régulièrement par un assortiment varié. C'est pourquoi nous avons réduit notre assortiment et nous l'adaptons toutes les six semaines. Pas toujours avec des nouveautés, mais en mettant des produits en attente pendant quelques mois ou en nous inspirant des saisons et des fêtes. Il n'y a pas que les quatre saisons pour adapter un assortiment, il y a aussi des fêtes intéressantes qui permettent de faire preuve de créativité sans tomber dans la routine. Pensez par exemple à des classiques comme le MilleFeuille, le St. Honoré ou les choux, mais dans un format actualisé", explique Jean-Philippe Darcis.

la fierté du chocolat

Avec les frites et la bière, le chocolat est la fierté de notre pays. Ce n'est donc pas pour rien que la Belgique jouit d'une excellente réputation en matière de chocolat et de chocolatiers. Vous trouverez des produits de grande qualité dans toutes les catégories de prix. Par le passé, on a déjà eu la confirmation à plusieurs reprises que nos pâtissiers et nos chocolatiers connaissaient bien leur métier. En témoigne, par exemple, la vaste collection de médailles que notre pays possède à son palmarès. "La petite boutique ou l'entreprise individuelle qui offre une qualité correcte et la différencie des marques de supermarché peut mener une activité rentable. Le 'bean-to-bar' n'est pas pour tout le monde et, aujourd'hui, il faut déjà avoir une rotation importante pour gérer cette propre production."