Les scientifiques misent surtout sur les matériaux d'emballage biosourcés
24e World Packaging Conference de l’IAPRI
Pas question de gaspiller de la nourriture à cause de propriétés barrières insuffisantes. Un domaine où beaucoup reste à faire concernant les matériaux d'emballage biosourcés. Des scientifiques du monde entier consacrent dès lors des recherches à des matériaux barrières biosourcés pour ce type d'emballages. Ainsi est-il ressorti de la 24e World Packaging Conference de l’IAPRI, à Valence.

Fuensanta Monzo Sanchez, du centre de recherche CETEC, en Murcie, privilégie elle aussi l’option des matériaux biosourcés/biocompostables. "La transition de la société vers un mode de vie plus durable est cruciale pour garantir le bien-être des générations futures." Dans ce contexte, le remplacement des plastiques d’origine fossile par des matériaux biosourcés est actuellement considéré comme une stratégie prometteuse pour réduire l’impact du plastique sur l’environnement. "Dans le cadre du projet upPE-T, nous nous concentrons sur la production de poly(3-hydroxybutyrate-co-3-hydroxyvalérate), ou PHBV, comportant une teneur molaire élevée de monomère de 3-hydroxyvalérate, ainsi que sur la mise au point de formulations à base de PHBV appliquées au secteur de l’emballage. Nous avons produit jusqu’ici une série de films composites avec d’autres polyesters biodégradables, convenant pour une transformation par injection, extrusion à plat et extrusion-soufflage. Des barquettes ont aussi été fabriquées par thermoformage. "Tous les additifs utilisés étaient eux-mêmes biosourcés et biodégradables afin de garantir une totale biodégradabilité des matériaux développés au cours du projet", précise Sanchez. "Nous espérons que les efforts investis dans ce travail contribueront à faire sortir le PHBV du monde académique pour bénéficier au marché réel."
Diminution de moitié des pertes alimentaires

Jesus Paluenzula Conde, de l’institut scientifique espagnol ITENE, voit le développement durable et la réduction des pertes et gaspillages de nourriture comme deux des principaux défis, par ailleurs reconnus par les Nations Unies dans son Agenda 2030 pour le développement durable. "Conformément à ces objectifs, le projet ZeroW, financé par l’Europe, ambitionne de jouer un rôle clé dans la transition des systèmes alimentaires actuels, en diminuant par deux les pertes et gaspillages alimentaires d’ici 2030, et en les rendant quasi nulles à l’horizon 2050."
Dans le cadre de ZeroW, l’ITENE apporte une contribution significative à travers le développement de technologies d’emballage permettant de résoudre efficacement le problème des pertes et gaspillages de nourriture dans les emballages de poissons gras. Le premier moyen consiste à mettre au point un ravier à plusieurs compartiments rendant superflu l’emploi de coussinets absorbants destinés à retenir les exsudats du poisson, afin d’en prolonger la durée de conservation tout en améliorant en même temps la durabilité de la barquette.
L’ITENE développe par ailleurs une couche de revêtement pour le couvercle, destinée à améliorer les propriétés barrières à l’oxygène par rapport au matériau durable d’origine.
Enfin, l’institut planche sur un indicateur de fraîcheur comportant une encre à changement de couleur, qui en réagissant aux changements au niveau des métabolites et de la microbiologie dans l’aliment, fournit ainsi une indication de la durée de conservation restante du produit conforme à son état réel. Cette étiquette peut être lue avec une application mobile, également en cours de développement dans le cadre du projet.
Dispersion biosourcée pour enduction de papier

Rajesh Koppolu, de l’institut de recherche finlandais VTT, a présenté une couche barrière biosourcée pour le papier. Celle-ci est composée de subérine, un polyester trouvé dans les parois de cellules végétales. Koppolu: "La subérine, qui peut être hydrolysée et extraite sous la forme d’acides gras à partir d’écorce de bouleau, peut être un matériau prometteur pour les emballages barrières." Cette substance protège la plante contre la perte d’humidité et a donc de facto un effet hydrofuge.
"Les barrières anti-humidité actuellement utilisées dans les emballages sont principalement constituées de matériaux d’origine fossile, une ressource limitée et non renouvelable. On compte dès lors sur les couches barrières biosourcées pour améliorer la durabilité des produits et réduire l’utilisation de ressources néfastes pour l’environnement, ainsi que la production de déchets."
Dans la recherche du VTT, des dispersions aqueuses de subérine ont été préparées suivant une approche thermomécanique. "Les conditions de traitement douces de ce procédé bon marché et respectueux de l’environnement minimisent la dégradation des polymères pendant la préparation de la dispersion." La dépose de la dispersion de subérine a été testée d’abord à l’échelle du laboratoire sur deux supports différents en papier et carton. La formulation et le processus d’application ont été optimisés avant le passage en production sur une échelle semi-pilote (la ligne pilote du VTT pour les concepts de traitement de surface). Les performances barrières du papier et du carton enduits ont été caractérisées dans des conditions d’humidité variables. Un débit de perméation (WVTR) de 10 - 18 g/m² a été obtenu à 23°C et 50% HR. Le WVTR a encore été maintenu sous les 80 g/m²/jour dans des conditions d’humidité plus élevées (23°C et 80% HR), ce qui est comparable aux performances de certaines couches en dispersion d’origine fossile. Les performances barrières contre la graisse et l’huile se sont elles aussi révélées concurrentielles. Les performances de thermoscellage des supports revêtus de subérine ont également été jugées satisfaisantes dans les processus d’ensachage en emballages souples et de découpe.
Pelures de pommes de terre

La chercheuse suisse Susanna Miescher (Université des Sciences appliquées de Zürich) a rendu compte de ses travaux visant à mettre au point un film à base de pommes de terre. Des épluchures de ce tubercule et du BioPBS (polysuccinate adipate de butyle biosourcé) ont été utilisés dans des rapports de 1:0, 3:2, 1:1 et 2:3 pour la production de films par un processus d’extrusion en deux étapes dans une extrudeuse double vis co-rotative. On y a ajouté de l’anhydride maléique et de l’acide tartrique comme compatibilisant (pour augmenter l’adhésion entre les différentes couches) et de la cire de carnauba pour améliorer le film en termes de caractéristiques mécaniques, de perméabilité à la vapeur d’eau et de propriétés thermiques.
Les films à forte teneur (50-100%) en pelures de pomme de terre présentaient des microfissures et des caractéristiques mécaniques médiocres. L’augmentation de la teneur en BioPBS dans un rapport pelures/ PBS de 2:3 a toutefois permis une amélioration significative de la résistance à la traction et de l’étirabilité. La perméabilité du film à la vapeur d’eau s’en est en outre trouvée fortement réduite.
L’utilisation de 1% d’anhydride maléique pour améliorer l’adhésion interfaciale des composants n’a pas eu d’effet significatif sur la résistance à la traction (6,23 MPa), mais a encore augmenté l’élasticité à 65,48% sans effet supplémentaire sur les propriétés barrières. L’ajout de 0,15% d’acide tartrique a montré un allongement à la rupture similaire (56,23%), mais la limite d’élasticité a été fortement augmentée, à 6,56 MPa. L’incorporation de 5% de cire de carnauba s’est traduite par une augmentation significative de l’hydrophobie de surface, avec un angle de contact passant de 69,5° à 99,7°, mais au détriment des caractéristiques mécaniques.
Épluchures de pommes de terre et acide citrique

La doctorante allemande Katharina Miller (KU Leuven) reconnaît, elle aussi, l’importance croissante, dans le contexte de la bioéconomie circulaire, de la valorisation des épluchures de pommes de terre pour la production de couches barrières dans les emballages alimentaires. "Nous avons déjà démontré dans une étude antérieure que les propriétés physicochimiques des films à base d’épluchures de pomme de terre sont comparables à celles des films à base d’amidon, de protéines et de polyamide. Mais si l’on veut accroître le potentiel d’application des pelures de pommes de terre, il convient d’améliorer encore leurs propriétés intéressantes pour la fabrication des emballages. Une modification à l’acide citrique (AC) a été testée afin de réduire la perméabilité à l’oxygène des couches et des films à base d’épluchures de pommes de terre et de remédier à des défauts tels que l’affinité pour l’eau et la faible résistance à la traction."
Des suspensions d’épluchures de pomme de terre contenant de 10 à 50% d’AC ont été appliquées sur un support en PLA, après quoi les films ont été extrudés.
Des valeurs croissantes de perméabilité ou de transmission ont été observées avec l’augmentation ou la diminution de la concentration d’AC. "L’utilisation de faibles concentrations d’AC dans les couches-barrières à base d’épluchures de pommes de terre peut être bénéfique pour leurs propriétés barrières à HR élevée, mais leur souplesse peut être insuffisante pour des applications multicouches." Ainsi ressort-il de cette étude.
Miller: "Dans l’ensemble, les couches et les films à base d’épluchures de pommes de terre contenant 10 à 50% d’AC ont montré des propriétés de barrière comparables à celles de l’EVOH, même sans purification industrielle ou fractionnement des pelures. L’incorporation d’épluchures de pommes de terre comme barrière à l’oxygène dans les multicouches sera évaluée dans de futures études afin de valider davantage leur potentiel d’application notamment dans des aliments sensibles tels que la viande."
Couche barrière en légumineuses

Carolina Peñalva, chercheuse au centre technologique espagnol Aitiip, à Saragosse, étudie le potentiel de résidus de légumineuses comme couches barrières pour des films biosourcés et biodégradables en PLA. "Les protéines de soja, de pois et de lentilles peuvent constituer la base de biofilms minces à propriétés barrières destinés à protéger les aliments contre l’humidité ou les gaz. Les propriétés barrières peuvent aider à contenir la prolifération microbienne, améliorer la sûreté alimentaire et prolonger la durée de conservation des denrées."
La couche barrière est appliquée sur les films PLA par couchage à barre rotative. Une autre méthodologie fondée sur l’activation superficielle par plasma atmosphérique a également été étudiée pour une adhésion efficace du revêtement sur les films biosourcés et biodégradables. La modification de surface a présenté une amélioration maximale de 29% associée à la couche barrière ajoutée.
Structure multicouche en PLA/TPS

La recherche d’Hayden McGreal, diplômé de la Toronto Metropolitan University, porte sur la possibilité de combiner l’acide polylactique (PLA) et l’amidon thermoplastique (TPS) en une structure multicouche coextrudée. La question centrale était celle de l’efficacité des films multicouches en PLA et TPS en termes de caractéristiques mécaniques et de propriétés barrières.
Pour y répondre, un dispositif de coextrusion à 3 voies a été construit sur mesure afin de fabriquer des échantillons de films à l’échelle du laboratoire, lesquels ont également été testés en conditions de moulage par compression. Ceux-ci se composaient d’une couche centrale de TPS, en sandwich entre deux couches externes de PLA. "Ce choix de construction est stratégique, car il exploite les capacités barrières du TPS contre l’oxygène et celles du PLA contre l’humidité", explique le chercheur canadien. Après chaque expérience, on a analysé les propriétés de traction, la force d’adhésion et les caractéristiques morphologiques et thermophysiques des films ainsi fabriqués. On a également étudié les propriétés rhéologiques de cisaillement et d’extension des films afin de s’assurer de la machinabilité de leurs composants.
"Il a été démontré que les caractéristiques de traction du film stratifié constituent une accumulation des propriétés des composants", dit McGreal. La force d’adhésion des films dépendait des conditions de traitement et de la quantité de compatibilisant utilisée dans la formulation du TPS. "Les études thermophysiques ont confirmé la stabilité thermique à haute température des films développés, ce qui les rend compatibles avec la plupart des applications d’emballage. Les données ont montré que les films stratifiés pourraient convenir pour des processus où l’extension est dominante, comme le thermoformage."
Film PE/PA recyclable

Jordy Montfort est chercheur en R&D focalisé sur les applications des polyamides auprès de la multinationale japonaise UBE. Son employeur, dit-il toutefois, axe surtout son effort de développement durable sur les films à base de PE. "De nombreux organismes, dont APR, How-2-Recycle, CEFLEX, Cyclos-HTP, RecyClass et d’autres, ont fourni des lignes directrices pour concevoir des structures d’emballage tout en garantissant leur recyclabilité dans le flux correspondant. Dans le cas des emballages souples, il s’agit principalement du flux polyéthylène."
C’est ainsi que l’utilisation de structures en PE monomatériau a constitué la première proposition rapide pour répondre à la préoccupation de durabilité. "Mais parfois au prix de la perte de certaines performances essentielles de l’emballage et singulièrement la protection des aliments."
UBE mise dès lors résolument sur des films PE contenant une quantité de PA suffisamment limitée pour que le matériau reste compatible avec le flux PE. On obtient ainsi, assure Monfort, un film durable sans compromis au plan des performances. Chez UBE, il s’agit d’un film PE/PA recyclable, intégrant une part d’UBE Nylon 5036B, une nouvelle génération de la famille de copolymères 6/66 d’UBE. Son point de fusion bas lui confère une recyclabilité encore meilleure, dit Montfort.
Nous revenons plus en détail sur cette conférence scientifique de l’emballage dans les pages de ce même numéro.
Photographie: IAPRI/ITENE