Surveillance d'état chez Tata Steel
prendre des décisions basées sur des données plutôt que sur l'intuition
Tata Steel est l'un des principaux producteurs d'acier au monde et produit à IJmuiden de l'acier de haute qualité pour une large gamme de produits. Dans cette industrie lourde, les machines sont soumises à des contraintes maximales et les coûts de maintenance sont parmi les plus élevés au monde. C'est pourquoi on a créé l'AMDC - Asset Monitoring Diagnostic Center -, où l'on recherche en permanence des techniques, des technologies et des méthodes permettant d'effectuer la maintenance de manière plus intelligente et à moindre coût. A cet égard a été développée une application qui permet de voir à distance l'état des pompes scalepit. En outre, un système d'acquisition de données a récemment été mis en place dans l'usine de recuit pour une surveillance en ligne et continue des vibrations des grands ventilateurs. Grâce à ces solutions, Tata Steel réduit les coûts de maintenance et augmente la disponibilité et la fiabilité de ses actifs.
"Une feuille de route sérieuse a été établie. Nous commençons relativement facilement par la surveillance des actifs puis, via l'inspection et la maintenance basées sur l'état, nous voulons arriver à une maintenance prédictive", dit Johan Bernard, Responsable de l'information chez Tata Steel. "Ce qui est formidable, c'est qu'au début, on peut utiliser les données des capteurs qui sont déjà là. En général, ces capteurs sont utilisés dans le cadre de l'exploitation, du contrôle ou de la régulation mais parfois, leurs données renseignent également sur l'état de l'actif".
Surveillance à distance des pompes scalepit
Un bon exemple de projet relativement simple mais très efficace est l'application (Asset Health Monitor) qui a été développée en collaboration avec le gestionnaire de l'installation d'eau à la Direct Sheet Plant, Ron Verkerk. Il gère entre autres quatre pompes d'une longueur d'environ 6 mètres, qui sont situées dans le sous-sol de l'usine. Ces grandes installations pompent l'eau du laminoir qui est polluée par de l'oxyde de fer (scale) et l'envoient vers un bassin de décantation. Comme cette pollution est fortement abrasive, les pompes s'usent relativement vite et le rendement diminue rapidement. C'est pourquoi un test d'état est normalement effectué chaque mois. Cependant, on n'arrive pas toujours à le faire car les collaborateurs de maintenance dépendent des arrêts de production pour effectuer leurs inspections.
Ron Verkerk: "Si nous constatons trop tard qu'une pompe est tellement usée que sa capacité est devenue insuffisante, l'oxyde de faire s'accumulera dans le puits. Les collaborateurs devront alors le retirer manuellement du bassin. Cela prend du temps et cause des contrariétés. En outre, une pompe a déjà été endommagée à un point tel que les coûts de révision sont plus élevés que si la pièce avait été remplacée à temps. Si la pompe doit être complètement remplacée, les coûts sont encore plus élevés".
Cas d'utilisation
En tant qu'employé du département Asset Managent Development (AMD), Els Rijnberg est chef de projet de l'AMDC et également responsable du thème de l'innovation. Elle considère ce problème comme un 'cas d'utilisation' parfait: "On peut examiner ce genre de cas depuis différents niveaux: par exemple, en utilisant des modules basés sur des statistiques (le plus simple), de manière prédictive ou sur base du machine learning. Nous avons utilisé le modèle présenté dans la figure ci-dessous".
Ce modèle montre en gros qu'un cas d'utilisation est sélectionné et qu'il y a ensuite une définition du problème. Après, on examine si les données disponibles peuvent être utilisées pour signaler la défaillance (imminente) de l'installation. La partie circulaire du processus joue un rôle central dans ce modèle. Cela signifie qu'une partie est souvent répétée plusieurs fois jusqu'à ce qu'il y ait suffisamment d'informations pour continuer. Els Rijnberg: "Le but ultime est toujours de fournir à l'administrateur les informations dont il a besoin pour évaluer l'état de son installation".
mesure de courant
Dans le cas des pompes scalepit, la solution a consisté à mesurer le courant prélevé à la pompe par le moteur électrique et à le mettre en relation avec la vitesse de fonctionnement de la pompe. Plus la roue s'use, moins elle pompe d'eau et moins elle consomme de courant. Cela se reflète directement dans la courbe de débit, qui diminue de plus en plus à mesure que la roue s'use.
Ces mesures sont notamment utilisées dans l'AHM qui reprend toutes les usines ainsi que les actifs qu'elles contiennent. Ainsi, chaque gestionnaire peut aborder ses propres actifs séparément et voir quel est leur état; indépendamment de l'endroit où ils se trouvent. Dans le cas de la pompe scalepit, l'application permet à Ron Verkerk d'économiser le temps nécessaire pour effectuer l'inspection mensuelle. En outre, elle contribue à la fiabilité et à la disponibilité de l'installation et elle permet d'éviter des coûts de maintenance élevés en cas d'intervention tardive.
Lien vers le SAP
Els Rijnberg: "Le système est également relié à notre système d'information sur la maintenance SAP. Ainsi, l'application permet de voir quelles sont les dernières modifications dans SAP. Et inversement, on peut indiquer à SAP quand la lecture des données sur place - ou depuis le bureau - donne lieu à la planification d'une maintenance. Cette façon de procéder est pratique et efficace. C'est devenu un merveilleux projet avec lequel on effectue la maintenance d'une manière relativement simple basée sur des chiffres et non pas (en partie) sur une intuition.
Dans la prochaine phase, nous voulons utiliser ce type de cas pour déployer une certaine approche à l'échelle de l'entreprise. Si ça fonctionne avec nos pompes, l'Inde et le Royaume-Uni, par exemple, peuvent également utiliser la connaissance ainsi accumulée et l'application associée".
Fours de recuit
L'application que nous venons de mentionner est destinée à lire les valeurs mesurées à distance. Mais ailleurs au sein du groupe, on travaille aussi à des solutions où un actif est surveillé en permanence. C'est le cas, par exemple, des fours de recuit dans lesquels les grands rouleaux d'acier sont portés à une température de 700 °C après le laminage à froid, puis refroidis de manière contrôlée. Ce recuit est nécessaire pour éliminer les tensions qui sont introduites dans le matériau lors du laminage à froid.

Le chauffage dans le four de recuit, une sorte de cloche placée sur les rouleaux d'acier à l'aide d'un pont roulant, s'effectue de manière indirecte. Dans ce processus, de grors brûleurs portent la cloche à température et un gaz inerte réalise le transfert de chaleur entre les rouleaux et la cloche. Ce gaz empêche également la formation d'oxydes. Tout au long du processus, la chaleur est répartie uniformément sous la cloche par un grand ventilateur situé sous la pile de rouleaux d'acier. Ce processus de chauffage, de recuit et de refroidissement progressif dure au total 117 heures (presque cinq jours).

Geert Huizing est responsable de la maintenance chez le géant de l'acier: "Le ventilateur est un élément essentiel de l'ensemble du processus. En cas de défaillance ou de mauvais fonctionnement, la chaleur n'est pas correctement répartie sous la cloche. Par conséquent, il fait trop chaud dans le bas et pas assez dans le haut, de sorte que la recristallisation du matériau ne se fait pas correctement. Toutefois, si le ventilateur tombe en panne, on ne le sait que lorsqu'on retire le four mobile après 117 heures et on peut alors liquider la totalité du lot. Outre les coûts liés à la perte de produits, nous n'avons pas le temps pour ça dans notre planning".
Jusqu'à présent, les ventilateurs sont inspectés chaque mois par des mesures de vibrations au niveau du palier. Mais là aussi, l'inspection est parfois impossible lorsqu'un four (il y en a 94) est en fonctionnement pendant les jours d'inspection. On a donc cherché une possibilité de surveiller les ventilateurs en continu. C'était une tâche difficile car l'environnement de mesure devient très chaud et à l'époque, on n'avait pas les connaissances nécessaires pour mettre en place et utiliser un tel système. C'est pourquoi un projet a été lancé avec Techport et le Fieldlab Smart Maintenance (voir également l'article sur la coopération entre Techport et la Marine royale néerlandaise).
Capteurs sans fil
Le projet implique la collecte continue de divers types de données permettant de déterminer si les ventilateurs fonctionnent toujours à la bonne vitesse. Deux entreprises sont impliquées dans ce projet. Dans un avenir proche, Semiotic Labs fournira les capteurs qui mesurent le courant et la tension des moteurs d'entraînement des ventilateurs. Sur base de ces données combinées à des analyses intelligentes, on pourra se prononcer sur le bon fonctionnement des ventilateurs mais aussi sur une éventuelle panne à venir. L'entreprise fournit également les connaissances nécessaires pour interpréter correctement ces données et en tirer des conclusions.
Cependant, on a commencé avec la société Inertia, qui a installé le système d'acquisition de données nexoDAQ et l'a relié aux capteurs de vibrations existants. Au début de cette année, le système de surveillance a été placé à proximité immédiate du ventilateur et relié par un câble aux deux accéléromètres qui se trouvaient déjà dans le ventilateur. Toutes les demi-heures, une mesure est effectuée. Ensuite, elle est traitée par le nexoDAQ et envoyée sans fil dans le cloud ou au serveur/base de données. Ensuite, les données peuvent être consultées via une connexion sécurisée et sont bien sûr stockées pour les analyses de tendance.

Geert Huizing: "Une fois que les capteurs de Semiotic Labs auront été ajoutés, nous verrons ce que donnent les données. Lorsque ce résultat sera bon, nous passerons à une surveillance continue pour toutes les bases et les mesures manuelles mensuelles disparaîtront avec le temps. En tout cas, les prochains mois seront intéressants".