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Le pain, ingredient essentiel de notre quotidien

Tijs Van Canneyt (Extra Brood), ou l’art maitrise d’un bon pain au levain

Tijs Van Canneyt

Tijs Van Canneyt aime faire les choses à sa façon. Avec Extra Brood, le jeune entrepreneur de Flandre occidentale réinvente sous un angle unique le métier de boulanger. Pas de travail de nuit, ni de magasin, mais un savant mélange de levain, de durabilité et de confort comme recette du quotidien. ”Je ne sais pas ce que les autres boulangers pensent de ma façon de travailler”, explique Tijs Van Canneyt, ”mais les clients l'apprécient, et comme Extra Brood est très représentatif de mon univers, je suis convaincu que c'est la bonne méthode.”

levain

L'abolition de la loi sur l'établissement en 2018 a offert à Tijs Van Canneyt un timing idéal. Cette année-là, l'entrepreneur a lancé Extra Brood, un projet personnel qui consiste à livrer du pain au levain chaque semaine dans le Sud-Ouest de la Flandre, sur la base d'une for­mule d'abonnement. Sans jamais avoir suivi de formation officielle en boulangerie. ”J'ai étudié l'immobilier. Je n'ai fait mon premier pain que lorsque j'ai habité à Londres pen­dant un an après mes études. Je me suis re­trouvé dans une société complètement différente, j'ai soudain eu beaucoup plus de temps, et je ne trouvais aucun pain qui me plai­sait. C'est là que tout a commencé.”

de la farine, de l’eau, du sel

Si Tijs travaillait au départ avec de la levure classique, il s'est rapidement intéressé au le­vain. ”Ma copine et moi faisions régulièrement des essais autour de la fermentation, et nous avions préparé du kéfir et du kombucha. Le travail au levain représentait une suite lo­gique. La fermentation est une méthode de cuisine très primitive”, explique le boulanger. ”Ça me fascine. C'est très simple et très com­plexe à la fois. Pour un pain au levain, vous n'utilisez que de la farine, de l'eau et du sel, mais il existe en même temps de nombreuses idées et approches différentes. Rien que la terminologie autour du levain est extrêmement riche. Il m'a fallu un certain temps avant de m'y retrouver entre démarreur, préferment, le­vain, poolish et tous les autres termes. Et le fait de parler de ferment peut induire en erreur, car le pain n'a pas forcément le goût acidulé d'un produit fermenté. C'est pourquoi je parle toujours de levain, sans utiliser d'autre terme.”

“D'un point de vue commercial, mes choix n'ont peut-etre pas toujours ete les plus logiques, mais c’etaient les bons a mes yeux”

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Plusieurs jours

Selon Van Canneyt, le plus grand défi est de se familiariser à ce processus. ”Vous devez surveiller la durée et les températures et tout adapter à votre monde. J'aime comparer cela à quelqu'un qui s'entraîne pour un marathon. Il faut réfléchir consciemment à son alimentation et aux meilleurs moments pour s'entraîner. C'est pareil pour un pain au levain. Vous devez déterminer à quel moment le nourrir, mélanger, pétrir, laisser reposer, puis faire lever et cuire, et tout cela sur plusieurs jours.”

un esprit ouvert

Van Canneyt n'a pas étudié la boulangerie, mais il le considère justement comme un avantage. ”Je n'ai aucun préjugé sur la façon dont les choses devraient se dérouler ou non. Je garde l'esprit ouvert lors de mes recherches. L’internet a beaucoup de bonnes références, et certains boulangers spécialisés dans le le-vain vous permettent d'analyser leur méthode de travail dans les détails. Cela permet de commencer sur de bonnes bases, et par la suite, vous apprenez à force de pratique.”

Stage dans 'de Superette'

Mais passer du stade d'amateur à celui de pro, c'est quelque chose, même pour un jeune homme aussi motivé et énergique que Tijs. ”A Londres j'ai eu l'idée de devenir boulanger. Pour être plus proche du produit, je suis allé tra­vailler dans la chaîne de boulangerie Gail's, même si j'étais au comptoir. A mon retour en Belgique, j'avais vraiment l'intention de suivre des cours. Puis en fait, il n'y avait pas de formation axée sur le levain. J'ai passé quelques nuits dans une boulangerie du quartier, et j'ai fini par me retrouver en stage au petit magasin De Superette.”

abonemment

De 4 à 1.000 pains

”Cela a été une étape d'apprentissage fondamentale”, reconnaît Van Canneyt. ”Non seulement j'ai vu comment organiser et maintenir le processus de fermentation à l'échelle commerciale, mais j'ai aussi fait l'expérience de ce que l'on ressent lorsqu'on voit passer mille pains dans ses mains en une semaine. Un fossé par rapport aux 3 ou 4 pains que je faisais à la maison, mais que j'ai franchi sans hésiter. Si je voulais progresser dans cette direction, je devais d'abord vivre cette expérience à cette échelle et à cette cadence.”

sous certaines conditions

Une expérience toute positive, comme le prouve l'existence d'Extra Brood. Mais certains aspects de la profession intéressaient beaucoup moins. ”Je suis une personne so­ciale. Je n'aime pas rater des choses et, en tant que membre actif du club de base-ball lo­cal, mes week-ends sont sacrés. Si je man­quais ces événements, je savais que j'allais vite abandonner dès la première année. J'ai commencé à chercher des possibilités de de­venir boulanger sans travailler la nuit ou le week-end. Dans le circuit régulier, cette for­mule n'existe pas, j'ai dû la créer moi-même.”

le pain: ingredient de base

Tijs pense souvent à sa façon de percevoir le métier. ”Certaines choses dans cette profession ont évolué avec le temps et se sont tellement enracinées que nous n'osons plus les re­mettre en question. Dommage, car tout le monde n'a pas besoin des dizaines de types de pain qui se trouvent dans les rayons, et certainement pas à 7 heures du matin. De plus en plus de personnes veulent pouvoir aller chercher du pain frais le soir après le travail. Et pas forcément pour se faire une tartine – deux fines tranches avec un peu de charcuterie – mais parce que le pain est un élément essentiel de leur repas. C'est pour ces clients-là que je fais mon pain au levain.”

sur un piedestal

Tijs fait du pain, et rien d'autre pour le moment. ”C'est un choix. Je veux aller au fond du produit et le mettre sur un piédestal. Un pain au levain, c'est quelque chose qui prend du temps, mais le résultat est là aussi. Il est nutritif, dense, savoureux et se conserve mieux. Cependant, mes pains sont aussi plus chers que ceux de la plupart des boulangers, et je me dois donc de fournir à mes clients la meil­leure qualité possible. Et c'est impossible si, à côté, je propose d'autres produits. Cependant, je change ma recette chaque semaine, je fais régulièrement des baguettes pour l'horeca, et pendant la période de Noël, je propose plusieurs pains spéciaux. Et entre-temps, je m'amuse en expérimentant de nouvelles recettes en coulisses.”

broodbrood

 

pas de magasin, mais d’Abonnement

Le boulanger n'a pas non plus de boutique. Il cuit ses pains dans son atelier Extra Brood chez lui à Wielsbeke et ils sont distribués via une formule d'abonnement et différents points de collecte. ”Un magasin nécessite un investissement énorme. Vous avez besoin d'espace, de matériel supplémentaire, de personnel, etc. De plus, à la fin de la journée, vous pouvez jeter plus de la moitié de votre pain. Je ne voulais pas de ça. Lorsque j'ai commencé, je travaillais dans la cuisine de l'ancienne bibliothèque de Waregem, qui était alors ouverte à toutes sortes d'entrepreneurs créatifs sous le nom de Biblab. Comme il n'y avait qu'un passage limité là-bas, j'ai dû chercher d'autres moyens de vendre mon pain. C'est là que j'ai eu l'idée de travailler avec des abonnements. Ainsi, je sais exactement combien de pains je dois cuire à l'avance.”

“Je n'aspire pas a un enorme succes commercial, je veux une boulangerie proche de mon univers. C’est une quete constante dans des domaines tres divers”

contamination croisee

Les clients ont le choix entre un abonnement d'un, de trois ou de six mois, avec plus de 20 points de collecte à Courtrai, Waregem, Tielt, Zwevezele et bientôt même à Bruges. ”Je travaille en collaboration avec des magasins d'alimentation, des épiceries fines et des cafés, entre autres. Cela permet une belle contamination croisée. Mes clients apprennent à mieux connaître ces endroits, et vice versa. Cela permet aussi de tisser des liens, car ceux qui ne venaient auparavant qu'une fois par mois, par exemple, sont désormais là chaque semaine pour récupérer leur pain. Je considère que mon pain est un pain social.”

En même temps, les points de collecte déterminent aussi la clientèle d'Extra Brood. ”En soi, ma clientèle est très diversifiée”, poursuit Tijs. ”Il y a les jeunes branchés qui découvrent mes produits via l'horeca à Courtrai, les gens qui font leurs achats dans le magasin sans emballage et qui choisissent Extra Brood pour des raisons de durabilité, ou ceux qui recherchent spécifiquement des produits régionaux de qualité dans une épicerie fine. Et c'est comme ça qu'au bout d'un moment, l'engrenage est lancé.”

Aussi dans l’horeca

Outre les quelque 150 abonnés privés, Tijs compte également parmi ses clients un certain nombre de points de vente horeca. ”Si l'on ne tient pas compte de la période de confinement due au Covid-19, ils assurent une belle continuité. Il est aussi agréable de savoir que votre pain est dans un bon commerce, comme le Traagheid à Tielt, et que leurs clients le demandent régulièrement. Même s'il faut chercher à préserver une forme d'exclusivité. Si toutes les entreprises vendaient mon pain, cela ne marcherait plus.”

croissance organique

Le choix de la formule d'abonnement a également valu à Tijs une croissance organique. ”D'un point de vue commercial, mes choix n'ont peut-être pas toujours été les plus logiques”, souligne-t-il, ”mais ils étaient les bons à mes yeux. Par exemple, pendant longtemps, j'ai pétri mes pâtes à la main. Ce n'était possible que parce que je travaillais des petites quantités, et j'en ai beaucoup appris. Ce n'est que récemment que j'ai acheté une machine à pétrir et j'ai maintenant aussi échangé mon petit four contre un four d'occasion sur pieds. Je peux donc augmenter considérablement mes capacités, mais j'ai aussi plus de temps pour l'expérimentation. Par exemple, j'ai récemment commencé à travailler sur des croissants au levain, et maintenant je cherche à voir si c'est une piste intéressante à parcourir.”

economie locale durable

La volonté de mettre en place une production plus efficace est bien là, selon Tijs, mais le débit de production n'est pas un but en soi. ”Je n'aspire pas à un énorme succès commercial, je veux une boulangerie proche de mon univers. C'est une quête constante, dans divers domaines. Par exemple, je veux continuer à travailler pour une économie locale durable, et à rêver d'un partenariat avec les producteurs de blé locaux. Je réfléchis aussi à la manière de commercialiser mes produits d'une manière qui reste fidèle au concept social qui se cache derrière Extra Brood. Par exemple, mon pain se trouve dans un distributeur automatique de produits régionaux à Tielt, mais je n'investirai jamais moi-même dans un réseau de distributeurs de pain. Cependant, je me demande parfois si d'autres boulangers qui ne fabriquent pas leur propre levain seraient intéressés par la vente de mon pain. Ce sont autant d'idées qui m'occupent et qui prennent forme progressivement. Ou que j'oublie. Et c'est ainsi qu'Extra Brood continuera d'évoluer.” 

Ateliers sur le levain

Après plusieurs ateliers réussis au Biblab et sur place, Van Canneyt organise maintenant aussi des ateliers autour du levain dans son atelier. ”L'idée est que ces ateliers deviennent l'un des piliers d'Extra Brood. Cela vient souligner l'aspect social de mon entreprise et permet aux gens de mieux connaître le levain. Ils voient ainsi l'artisanat qui se cache derrière. Même si je n'irais pas jusqu'à dire qu'après un atelier, les participants sont prêts à faire leur propre pain au levain. Cela demande beaucoup de pratique. Mais j'aborde le processus dans son ensemble et je donne à chacun la possibilité de former son pain. Pour beaucoup, ça suffit.”

”Ils viennent juste pour voir comment ça fonctionne. D'autres ont plus d'ambition et rentrent ensuite chez eux pour s'exercer.” Pour Tijs aussi, les ateliers peuvent être instructifs. ”J'ai la chance de travailler avec du matériel professionnel, mais ceux qui font cuire du pain au levain à la maison doivent chercher des solutions pour apporter suffisamment de vapeur pendant la cuisson, par exemple. Cela fait un joli melting pot d'idées pendant ce genre de soirée, et je trouve ça toujours fascinant.”

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Écrit par Elise Noyez14 juillet 2020

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