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L'AVENIR DU PAIN SE TROUVE DANS SON PASSE

zuurdesembibliotheekAprès 150 ans et grace aux Nouvelles Technologies, voici le retour du levain

Il y a 150 ans environ, les pains au levain disparaissaient de Belgique et d'une grande partie de l'Europe. Aujourd'hui, ils sont plus que jamais à la mode. Dans les grandes villes, des boulangeries spécialisées voient le jour, des chefs connus ne jurent plus que par le pain au levain fait maison et en pousse lente, les boulangers amateurs expérimentent toutes sortes de procédés de fermentation et même les petites boulangeries proposent du pain au levain dans leur assortiment. Est-ce une tendance passagère ou revenons-nous vraiment à nos racines?

QU'EST-CE QUE LE LEVAIN?

Le levain, ou levain acide, est en principe rien de plus qu'un mélange d'eau et de farine qui, après quelques jours, sous l'influence de levures sauvages et de bactéries lactiques présentes dans la farine et dans l'environnement, va fermenter. Grâce à la fermentation spontanée, ce levain peut être utilisé pour faire du pain, des brioches, des viennoiseries, … et cela à la place ou en combinaison avec de la levure de boulanger industrielle. Jusqu'au développement et à la vente de levure de boulanger au dix-neuvième siècle, tous les produits de boulangerie étaient d'ailleurs faits de cette manière. En d'autres mots, le levain a une tradition de milliers d'années et est en grande partie à l'origine du pain.

L'individualité du boulanger

Le levain peut être fait avec tous les types de farines ou une combinaison de celles-ci et d'autres additifs (miel, crème, …) peuvent être ajoutés à la pâte mère. En fonction de ces matières premières, mais aussi des différents facteurs environnementaux, d'autres levures et bactéries vont se développer dans le levain qui, à leur tour, vont influencer le goût, la puissance de fermentation et les autres propriétés de la pâte. Aucun levain n'est donc tout à fait pareil et en faisant des essais avec les matières premières, chaque boulanger peut apporter sa propre touche à son levain et à son pain. Il peut aussi développer certaines caractéristiques qui amélioreront la qualité de son pain.

Un produit vivant

Pour maintenir la fermentation et l'équilibre microbiologique du levain, il doit être régulièrement alimenté.Cela se fait avec de l'eau et, de préférence, avec la composition de farines de base. Plus longtemps le levain est entretenu, plus l'équilibre microbiologique sera fort et plus le goût sera stable.

POURQUOI DU LEVAIN?

L'utilisation du levain a quelques avantages importants. Non seulement il souligne la connaissance et l'amour du boulanger pour le levain, il lui permet aussi de réaliser son propre pain à son image. Ce pain a aussi plus de goût et se digère plus facilement qu'un pain classique. Cela est dû au long processus de fermentation. Si notre corps a, en principe, besoin de dix-huit heures pour digérer un grain de céréale, le processus de fermentation prend déjà une grande partie de ce processus de digestion pour lui. Ainsi, davantage de minéraux, de vitamines, d'acides aminés se libèrent et il y a plus de place pour le développement du goût.

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LE boulanger, esclave de son levain?

Pourtant, le levain a disparu des boulangeries, il y a 150 ans environ, à l'arrivée de la levure de boulanger industrielle. Par rapport à ce levain complexe, exigeant et relativement imprévisible, cette levure de boulanger apporta un grand soulagement. Au dix-huitième et au dix-neuvième siècle, on disait que le boulanger était esclave de son levain, qu'il le cachait sous son matelas pour qu'il soit à la bonne température, et qu'il devait ensuite rouler de son lit, lorsque le levain avait suffisamment levé. Il est évident que la levure de boulanger industrielle a rendu la fabrication du pain plus courte et aussi plus contrôlable.

La science porte conseil

Aujourd'hui, les rôles commencent à nouveau à s'inverser. Grâce aux analyses microbiologiques du levain, les connaissances à son sujet se sont développées au cours des dernières années et son fonctionnement n'est plus imprévisible, alors que les développements technologiques ont assuré au boulanger, le contrôle nécessaire du produit. C'est ainsi qu'il existe des armoires frigorifiques et d'acclimatation pour manipuler les températures et des technologies pour produire et conserver du levain à grande échelle. Le boulanger n'est donc plus l'esclave de son levain et peut utiliser les nombreux avantages d'un pain au levain.

LE LEVAIN EN BOULANGERIE ACTUELLE

zuurdesemCelui qui veut avoir du levain et du pain au levain dans sa boulangerie, dispose aujourd'hui de différentes options. Le choix dépendra du produit final souhaité, mais peut-être encore plus des connaissances, de l'enthousiasme et du temps dont dispose le boulanger.

Fait maison ou acheté

Différentes boulangers belges font et entretiennent aujourd'hui un ou plusieurs levains, et leur nombre est toujours en croissance. L'avantage de faire son propre levain, c'est le haut taux d'unicité et de personnalité, ainsi que le contrôle de certaines propriétés comme la consistance, le goût, le taux d'acidité, la présence de certains sucres, …

Pour pouvoir exploiter ces avantages au maximum, il faut toutefois avoir une large connaissance de ce produit, de sa composition et de son fonctionnement, et il faut aussi être prêt à entretenir le levain de manière conséquente.

Les boulangers qui n'ont pas suffisamment de temps et de connaissances, peuvent alors plutôt aller chez des producteurs de produits de boulangerie pour du levain produit de manière industrielle. Il existe tant sous forme fraîche et active qu'en poudre séchée et est disponible en différents 'goûts'.Les levains industriels peuvent se conserver deux mois, tandis que les levains actifs liquides peuvent continuer à être alimentés et entretenus par le boulanger pour une plus longue durée de vie. Dans ce cas, l'implication du boulanger est à nouveau un important point d'attention.

“Il faut veiller sur le levain comme sur un enfant. J'ai soigne ce levain pendant un an et demi, et c'est aussi le premier levain que j'ai utilise. Cela cree des liens" - Karl De Smedt

Frais ou en poudre

Celui qui choisit d'acheter son levain, a donc le choix entre du levain frais actif et de la poudre de levain séchée. Bien que les deux produits aient la même origine - le levain en poudre est fabriqué en séchant du levain actif et en le broyant finement - leur fonction en boulangerie n'est pas comparable.Si le levain actif est utilisé comme levain frais fait maison et en dosage de 10 jusqu'à 50% du poids de la farine, la poudre de levain n'est utilisée qu'en petit dosage (1 à 5%) et ajoutée comme arôme. Comme une infime partie de la puissance de fermentation n'est conservée pendant le processus de séchage, la poudre doit toujours être utilisée en combinaison avec du levain actif et/ou avec de la levure.L'avantage, il est vrai, c'est qu'il peut être travaillé dans un processus plus direct et que l'on peut travailler avec une plus grande variété de goûts, le désavantage, c'est que l'on ne n'aura pas toutes les qualités en matière de digestion. En d'autres mots, celui qui veut faire du pain au levain, devra toujours opter pour du levain frais et actif. La poudre de levain, c'est un peu comme le poivre et le sel dans une boulangerie.

Solide ou liquide

En fonction du rapport entre la farine et l'eau, un levain frais, qu'il soit fait maison ou acheté, peut être liquide ou solide. Le levain liquide a un rapport d'à peu près 50/50 et la consistance d'une mousseline; un levain solide contient presque deux fois plus de farine que d'eau et a la consistance d'une pâte solide. Nonobstant la consistance du levain qui a un impact sur le processus de fermentation et sur le développement du goût, le choix de l'un ou l'autre type est surtout une question de tradition et d'habitude. C'est ainsi qu'en Belgique et en France, on travaille surtout avec du levain liquide, tandis qu'en Italie, on préfère la variante solide. Dans certains cas, c'est le produit final qui détermine le choix: les brioches et les panettones sont, par exemple, faits avec du levain solide.

Du blé ou du seigle

Les levains actifs que l'on peut trouver dans le commerce, sont généralement produits à base de farine de blé et/ou de seigle. Pour celui qui fait lui-même son levain, il a le contrôle complet du choix des variétés de farines à utiliser, depuis la farine douce à la farine dure, en passant par la farine, moulue sur pierre, de seigle, d'épeautre, ...La composition spécifique d'un levain a, tout comme les conditions de fermentation, un impact important sur le profil du goût, le taux d'acidité, la puissance de fermentation et autres propriétés de la pâte mère. C'est pour cela qu'un levain est mieux pour des brioches, tandis qu'un autre sera plutôt destiné à la production de pains ou de baguettes. Il est donc intéressant pour le boulanger d'avoir plusieurs sortes de levains actifs à sa disposition, même s'il n'est pas simple de les entretenir tous en même temps.

ENTRE COHERENCE ET CREATIVITE

Malgré les nombreuses possibilités dont dispose aujourd'hui le boulanger pour intégrer du levain dans son assortiment, il ne faut pas non plus oublier les défis nécessaires qui y sont liés. Le plus gros problème aujourd'hui est la cohérence des résultats. Alors qu'un levain doit être très régulièrement alimenté et suivi de près, c'est surtout la puissance de fermentations qui est encore difficile à contrôler. C'est pourquoi il est conseillé dans la plupart des cas d'utiliser aussi du levain actif, fait maison ou acheté, en combinaison avec un pourcentage minimal (0,2-1%) de levure. De cette manière, le boulanger peut offrir à sa clientèle toujours le même pain au levain. D'autre part, dans la poursuite de résultats fiables, l'expérimentation ne peut pas être perdue de vue. Les possibilités créatives du processus de fermentation sont loin d'être taries et c'est la variation et la particularité que le boulanger y mettra, qui feront de ce pain au levain, un produit unique et tant recherché. Le boulanger qui veut travailler le levain et proposer du pain au levain, devra donc chercher un équilibre entre la cohérence et la créativité. 

THE SOURDOUGH LIBRARYdesembibliotheek

Pour pouvoir étudier et protéger la riche diversité du levain, Puratos a ouvert en 2009, le Center for Bread Flavor à Saint-Vith. C'est là aussi que se trouve depuis 2013, The Sourdough Library, une bibliothèque climatisée où des levains du monde entier sont conservés et entretenus. Plus encore, en collaboration avec le professeur Marco Gobetti (Université de Bari), la composition microbiologique de chaque levain est analysée avec précision et les différents résultats sont comparés entre eux. Ainsi, on a pu identifier au total environ 900 micro-organismes différents. La plupart des levains qui se trouvent dans la bibliothèque, sont des levains de blé ou de seigle, avec des origines depuis la France jusqu'aux Etats-Unis, mais la collection comporte aussi un certain nombre de levains très particuliers. La branche la plus ancienne de levain est par exemple du dix-neuvième siècle. A côté des levains à base de farine, il y a aussi un levain japonais à base de riz cuit. Un levain en provenance du Guadalajara mexicain doit, de son côté, être alimenté avec de la farine, des œufs et de la bière.

Aujourd'hui, la collection comporte environ cent levains, mais de nouveaux exemplaires sont régulièrement ajoutés. Pour cela, le levain doit répondre à un certain nombre de critères. Ainsi, le produit doit être issu d'une fermentation spontanée et la farine utilisée, la localisation et/ou le boulanger ont également leur importance. Du fait que tous les levains intéressants ne peuvent pas être repris dans la bibliothèque physique, on travaille aujourd'hui aussi à une bibliothèque en ligne. Sous la dénomination The Quest for Sourdough, chacun peut enregistrer son levain dans cette base de données en ligne sur le site web www.questforsourdough.com.

“LE LEVAIN EST À LA FOIS DE LA SCIENCE BRUTE ET UNE BELLE HISTOIRE“

Karl De Smedt est le bibliothécaire de The Sourdough Library. Il donne desKarl De Smedt masterclasses, va à la recherche de levains uniques dans le monde entier et assure l'alimentation deux fois par mois de 103 exemplaires présents dans la bibliothèque.

“Lorsque j'ai commencé à travailler chez Puratos en 1994,“ raconte De Smedt, “je travaillais comme boulanger testeur au labo. Paul De Pauw avait ramené en 1989 un levain de San Francisco et la première mission que j'ai reçue, était d'entretenir ce levain. Je savais à peine ce qu'était du levain - il n'en a jamais été question pendant ma formation - mais toutes les deux semaines, je devais donc le sortir, le nourrir, le laisser pendant six heures à une température de 35 °C et ensuite le remettre au frigo. C'est ainsi que tout a commencé.“

En tous les cas, pour De Smedt, c'est clair: le levain est bien plus qu'un produit fonctionnel de boulangerie. C'est aussi une tradition. “Regardez l'origine du terme pâte mère. Autrefois, avant l'arrivée de la levure de boulanger et alors que la plupart des familles faisaient encore leur pain à la maison, chaque famille avait sa propre levure. Lorsque l'une des filles se mariait, ce levain était donné comme dot, afin que la fille puisse nourrir sa famille. Et il passait donc littéralement de mère en fille, et certains levains ont ainsi été maintenus pendant des générations. En fait, il faut prendre soin du levain comme d'un enfant. Cela crée des liens. J'ai nourri pendant un an et demi un certain levain dans le labo. C'est le premier levain avec lequel j'ai fait du pain. Il est devenu pour moi le levain le plus spécial qui se trouve aujourd'hui dans la bibliothèque. Pas par ses particularités, mais par l'histoire que j'ai vécue avec lui.“

Et c'est cela qui est beau, estime De Smedt. “Le levain est à la fois de la science brute et une belle histoire. Avec une étude microbiologique, vous pourrez complètement analyser du levain, vous pourrez identifier toutes les branches de levure et toutes les bactéries lactiques, isoler et cultiver, et vous pourrez analyser le fonctionnement du levain et peut-être même le recréer. Mais en même temps, vous n'aurez pas tout raconté. Parce qu'à tout levain, une histoire est rattachée. Dans la bibliothèque, il y a, par exemple, un levain grec qui a commencé avec de l'eau remplie de micro-organismes de basilic.“

“C'est dû au fait que l'eau provenait de la célébration de Stavros dans l'église orthodoxe grecque. Pour rappeler le jour où Sainte Hélène a trouvé la croix de Jésus dans un lieu envahi par du basilic, des branches de basilic sont trempées dans l'eau lors de la célébration, après quoi l'eau est partagée entre les personnes présentes. Les femmes l'ont amenée chez elles et ont fabriqué ensuite leur levain avec cette eau. Ce levain est donc non seulement intéressant d'un point de vue microbiologique, mais il y a aussi beaucoup de choses à raconter d'un point de vue historique. Et c'est le cas pour de nombreux levains.“

Tous les levains sont-ils acides?

Levain acide, sourdough, Sauerteig, pastaacido, … de nombreuses dénominations du levain sous-entendent qu'il s'agit, par définition, d'un produit acide. Pourtant, ce n'est pas nécessairement le cas et le taux d'acidité d'un levain dépend principalement des conditions dans lesquelles a lieu la fermentation. En principe, les bactéries lactiques dans un levain liquide qui fermente à 30 à 35 °C, ne produiront que de l'acide lactique (processus homofermentaire), tandis que les bactéries dans un levain solide qui fermente à 20 à 25 °C, produira tant du lait que de l'acide acétique (processus hétérofermentaire). Du fait que seul l'acide acétique a un impact sur la teneur en acidité du pain, le produit d'un processus hétérofermentaire sera plus acide que celui issu du processus homofermentaire. Une température ambiante moins élevée negénérera pas nécessairement un pain plus acide. En faisant suivre les alimentations du levain plus rapidement les unes après les autres, la production des acides acétiques peut être limitée.

Réglementation

En France, la recette du pain au levain est tellement réglementée que le terme ne peut être utilisé que pour des pains qui ne contiennent pas plus de 0,2% de levure, et un minimum de 20% de levain actif. En Belgique, une telle réglementation n'existe pas, avec pour conséquence que le terme est utilisé à bon et mauvais escient. C'est pour cela que certains boulangers sont partisans d'une telle réglementation, tandis que d'autres craignent que la créativité va se perdre. De toute façon, soyez honnête avec vos clients et n'utilisez le nom de pain au levain que pour des pains réalisés à base de levain frais, actif (éventuellement en combinaison avec une quantité limitée de levure).

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