3D-SCANNING: LA TECHNIQUE DE MESURE DE L’AVENIR?
La numérisation des bâtiments ouvre des portes
Mesurer, c’est savoir. Personne ne le réalise mieux que celui qui est actif dans le monde de la construction. Avec l’arrivée de l’Internet of Things (IoT), ce credo revêt toutefois une dimension supplémentaire. La numérisation des bâtiments ouvre la porte vers de nombreuses nouvelles applications possibles pour toutes les parties. Le 3D-scanning, la façon d’effectuer des mesures numériques, fait peu à peu son apparition dans le monde de la construction grâce au scanning laser et à la photogrammétrie.
Le scanning 3D est souvent utilisé comme terme générique pour toutes les techniques qui permettent de réaliser un modèle numérique de l’état existant d’un bâtiment, élément ou site. Le résultat peut être utilisé dans un large éventail d’applications. Un exemple connu est une mesure qui sert de base pour un modèle BIM. Les possibilités du scanning 3D sont toutefois légion. “De telles informations ont une valeur inestimable pour pouvoir travailler LEAN”, raconte le dr. ir.-arch. Michael de Bouw, chef-adjoint du Labo Rénovation du CSTC. “Naturellement, vous pouvez tout mesurer manuellement, mais alors vous courez le risque de négliger quelque chose ou de commettre des erreurs. De plus, vous pouvez scanner nettement plus vite que vous pouvez mesurer, certainement sur des bâtiments avec de nombreux coins et recoins. Le scanning 3D a ceci de beau que vous pouvez suivre l’état des bâtiments ou éléments, ce qui procure d’intéressantes possibilités (futures) pour le secteur de la maintenance qui se concentre sur les bâtiments. Songez au suivi des déchirures dans la maçonnerie, à la détermination et à la l’identification des emplacements qui ont besoin d’un entretien (préventif), à l’archivage, au désenclavement en ligne et à la reconstruction virtuelle (de sites) du patrimoine. A l’avenir, nous voyons même un potentiel pour l’exécution de diagnostics de bâtiment (semi-)automatiques avec la détection des sels efflorescents, de la prolifération de mousse, …”
LARGE ÉVENTAIL D’APPLICATIONS POSSIBLES
Le scanning 3D prouve aussi son utilité dans la phase qui précède les travaux de construction. Pour identifier les différences de hauteur et les dimensions d’un site, déterminer la planéité des façades et la bonne position des ouvertures de fenêtre (par exemple nécessaire pour les tolérances dans les rénovations préfabriquées), … Dans un proche avenir, il peut aussi être un instrument de travail pour suivre les travaux et effectuer des inspections pendant le processus de construction ou de rénovation. Ou pour montrer au client comment évolue un projet. Les architectes peuvent déjà l’utiliser pour obtenir une base exacte pour leur projet de développement ou rénovation. Michael de Bouw: “Pour les rénovations préfabriquées, c’est même un outil incontournable. Dans de telles applications, une vue précise et exacte de la situation existante revêt en effet une énorme importance.” Même les compagnies d’assurance sont intéressées par cette technique, par exemple pour vérifier quels éléments des bâtiments voisins peuvent provoquer des dégâts de tempête. Les agences immobilières et les architectes profitent de l’utilisation du scanning 3D pour donner à leurs clients en ligne ou sur site via la réalité virtuelle (RV) une vue 3D fidèle à la réalité de l’état actuel et de l’interprétation future d’un bâtiment. Ce faisant, les clients peuvent littéralement pénétrer et découvrir leur futur logement ou bâtiment de façon virtuelle en 3D. “En résumé, le potentiel d’applications est gigantesque”, affirme Michael de Bouw. “Etant donné que la convivialité, la qualité d’output et le coût évoluent de façon positive à un rythme effréné, j’estime que le scanning 3D sera plutôt le standard que l’exception dans le monde de la construction dans quelques années.”
"J’estime que le scanning 3D sera plutôt le standard que l’exception dans le monde de la construction dans quelques années.”
TRAVAILLER AVEC DES RAYONS LASER
Le CSTC suit de près les évolutions du scanning 3D. L’attention se porte surtout sur le scanning laser et la photogrammétrie, deux techniques qui surclassent le reste en termes de potentiel pour des mesures de précision. “Dans la première, vous avez un appareil qui envoie un rayon laser des millions de fois par seconde et mesure combien de temps s’écoule avant que celui-ci soit réfléchi”, explique Michael de Bouw. “A chaque fois, une coordonnée XYZ du rayon est enregistrée, avec comme résultat une ‘trame’ de points qui se trouvent à chaque fois dans l’espace pour un certain emplacement et donnent donc une vue exacte des dimensions et profondeurs. De plus, l’appareil reçoit en retour des informations ‘red-green-blue’ avec le rayon laser, si bien que l’application peut aussi déterminer la couleur de chaque point.”
LA PHOTOGRAMMÉTRIE COMME ALTERNATIVE?
Nul besoin d’être un expert pour savoir que cette technique a ses limites. Il ne peut y avoir aucune ‘entrave’ entre l’appareil et le bâtiment/site (arbres, autres bâtiments, grue, voitures, …): l’appareil peut en effet uniquement mesurer ce qu’il peut réellement voir. Ceci peut causer des problèmes, certainement pour les toits et autres endroits d’accès (plus) difficile. “Il n’est pas toujours possible d’accéder aux bâtiments adjacents, de sorte que vous pouvez bien voir dans l’immeuble à mesurer et ses étages supérieurs et/ou toit”, raconte Michael de Bouw. “L’utilisation de drones semble une solution évidente. Cette technologie progresse aussi à grands pas. La Flandre joue même un rôle de pionnier, bien que le nombre d’offreurs reste limité.” Hélas, la mise en œuvre de drones dans la pratique n’est pas d’emblée la meilleure solution. A chaque fois que l’appareil bouge, le temps de réflexion du rayon laser est influencé. Michael de Bouw: “Ceci doit être compensé, ce qui menace la précision du nuage de points. De plus, un scanner laser pèse assez lourd, ce qui a un impact négatif sur le temps de vol du drone. D’où le succès actuel de la photogrammétrie. En effet, cette technique va de pair avec les drones et est en outre accessible, en termes de coût et de facilité d’utilisation, pour les types d’utilisateurs les plus divers.”
TRAVAILLER AVEC DES PHOTOS
Afin de pouvoir exécuter la photogrammétrie, il vous faut uniquement un bon appareil photo numérique (de préférence avec un reflex full-frame), ainsi que les lentilles correspondantes (dans toute la mesure du possible avec une distance focale fixe), un puissant PC et un logiciel. La technique fonctionne sur la base de photos et de la trigonométrie. “En résumé, le progiciel identifiera des points caractéristiques sur des photos. Sur cette base, il détermine de quelles positions les photos ont été prises. En faisant ceci pour tous les points sur les photos, on peut composer un nuage de points”, précise Michael de Bouw. Celui qui utilise la photogrammétrie, doit bel et bien tenir compte du fait que la technique est très sensible aux conditions atmosphériques et aux conditions de luminosité. Le logiciel n’identifiera pas certains points si l’incidence de lumière est plus importante sur une photo que sur une autre. Ou s’il pleut subitement des cordes. La détermination de points caractéristiques sur de grandes surfaces claires et/ou réfléchissantes (murs blancs, surfaces vitrées, …) reste aussi un peu difficile d’un point de vue technique. En contrepartie, on bénéficie d’un coût d’investissement plus limité, de la facilité d’utilisation et du fait que la photogrammétrie peut être combinée avec les drones. Michael de Bouw: “Pour réaliser une estimation grossière ou une première offre, vous pourriez même effectuer une première mesure avec votre smartphone. Naturellement, vous ne pouvez pas vous attendre à atteindre la même précision que celle d’un appareil photo reflex full-frame. Mais ce n’est pas non plus toujours nécessaire, tout dépend du but final.”
LA PERCÉE N’EST PAS ENCORE POUR DEMAIN
Le scanning laser et la photogrammétrie ont le vent en poupe. Toutefois, quelques obstacles entravent encore la percée totale dans le secteur de la construction. Le problème majeur est qu’il n’existe aujourd’hui aucun protocole pour la résolution et la précision. Le résultat? Il est difficile d’en faire une base sur laquelle les autres parties peuvent continuer de travailler. En effet, chacun adopte ses propres idées sur le dimensionnement et la résolution. “Tout est question de précision visée. Un architecte, par exemple, peut réaliser un modèle numérique via l’appli photo de son smartphone avec la photogrammétrie pour peaufiner son offre”, explique Michael de Bouw. “L’entrepreneur qui exécute ensuite le projet en préfabriqué, a toutefois besoin d’un modèle avec une précision nettement supérieure et sera donc contraint de réaliser un nouveau nuage de points numérique. Il est évident que ceci est peu efficace en termes de coûts et de temps. Les maîtres de l’ouvrage ne savent pas bien non plus actuellement ce qu’ils doivent demander quand ils désirent ‘une mesure numérique’, tout simplement parce qu’il n’existe pas de manuels ou de protocoles clairs.”
Le problème majeur est qu’il n’existe aujourd’hui aucun protocole pour la résolution et la précision.
DE BELLES PERSPECTIVES D’AVENIR
Une autre barrière est que le scanning 3D délivre un nuage de points. Encore peu d’acteurs dans le secteur de la construction savent comment ils doivent s’en servir. Michael de Bouw: “Seuls les géomètres ont l’habitude de ce format. Les architectes et entrepreneurs connaissent le plus souvent uniquement les dessins vectoriels, le plus souvent des dessins au trait qui représentent une présentation 2D plane des plans et des vues de façade. Il convient d’admettre que les dessins 3D progressent, mais en général, ils sont également réalisés avec des lignes/volumes, et donc pas avec des nuages de points. La conversion d’un nuage de points vers un tel dessin vectoriel 2D/3D demande, en outre, encore un grand travail (manuel). Sur ce plan, on progresse nettement, mais ce n’est pas encore pour demain que vous scannez un nuage de points et détenez immédiatement un modèle vectoriel 3D, sans parler d’un modèle BIM. Néanmoins, je suis convaincu que le scanning jouera à l’avenir un rôle essentiel aussi bien dans les rénovations et le patrimoine que dans les projets de nouvelle construction. En effet, la technique garantit un bon rapport coût-efficacité, une qualité supérieure et un fonctionnement plus rapide. Une belle réponse aux exigences pour mettre en œuvre l’industrialisation du bâtiment.”